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Source "Le Soir"

Les assaillants seraient arrivés par le fleuve en provenance de Brazzaville

Coups de feu à Kinshasa {COLETTE BRAECKMAN }

L’alerte a été chaude à Kinshasa : pour la première fois, c’est le centre de la ville qui a été attaqué et les coups de feu, qui avaient commencé à retentir dimanche à 3 heures du matin, se sont poursuivis durant toute la matinée. L’attaque a eu lieu, simultanément, sur quatre camps militaires : Tsatshi, Kokolo, Luano près du quartier des forces navales et près de celui des Forces aériennes. Des assaillants ont également tenté de se rapprocher des studios de la RTNC, la télévision nationale, et de ceux d’une chaîne privée, Raga TV.

Apparemment venus de Brazzaville, les assaillants, qualifiés d’« anciens mobutistes », ont tenté de rallier les anciens des Forces armées zaïroises ayant réintégré l’armée national. En leur demandant de rejoindre leurs rangs, ils tentaient d’exploiter le malaise très réel qui règne parmi les militaires de l’ancien régime. Ces derniers déplorent, outre des soldes insuffisantes ou « mal payées », le fait que des officiers formés dans des académies militaires doivent désormais partager leurs postes avec d’anciens rebelles promus « sur le tas » et dont les hauts faits se réduisent plutôt à des exactions contre les populations civiles.

Les assaillants, reconnus comme des anciens de la Division spéciale présidentielle de Mobutu et qui portaient un bandeau rouge comme signe distinctif, se sont emparés des stocks d’armes qui se trouvaient au camp Kokolo et ont commencé à tirer dans tous les sens. Ensuite, ils se sont trouvés confrontés à des militaires fidèles au président Kabila et aux forces de police, et les combats à l’arme lourde se sont prolongés jusque dimanche après midi. La population s’est terrée chez elle et les forces de la Monuc (Mission des nations unies au Congo) ont reçu pour consigne de ne pas bouger.

Lorsque la situation a été reprise en mains par les forces loyalistes, le ministre de l’Information Vital Kamerhe a déclaré que les combats avaient fait un mort et deux blessés du côté gouvernemental tandis que la porte-parole de la Monuc, Patricia Tomé, déclarait que le bilan pourrait s’avérer lourd du côté des assaillants.

Prudents, les officiels congolais refusent de parler de tentative de coup d’Etat, pas plus qu’ils n’incriminent les vice-présidents, rivaux potentiels de Kabila, ou ne soulignent le fait que les assaillants venaient de Brazzaville.

Force est cependant de constater que c’est bien de l’autre côté du fleuve que sont partis les anciens de la DSP, et que la presse kinoise, depuis plusieurs semaines, avait déjà dénoncé des préparatifs de coup de force.

D’après ces articles, les ex-mobutistes, désireux de chasser Kabila du pouvoir, seraient appuyés par des anciens soldats angolais de l’Unita (le mouvement de feu Jonas Savimbi) et par des combattants hutus du Rwanda, désireux de se venger d’un Kabila qui les aurait « abandonnés ».

Curieusement, on a relevé à Kinshasa que, sans s’être fait annoncer, le ministre des Affaires étrangères Antoine Ghonda et Olivier Kamitatu, le président de l’Assemblée nationale, tous deux membres du MLC (Mouvement pour la libération du Congo), se sont rendus à Luanda samedi après-midi, de manière inopinée, tandis que Jean-Pierre Bemba, vice-président et chef du MLC, s’était récemment rendu au Gabon.

Ce n’est pas la première fois qu’à Kinshasa, malgré les démentis des intéressés, on soupçonne le président gabonais Omar Bongo et son parent le Congolais Sassou Nguesso d’encourager les anciens mobutistes à tenter de renverser le président Kabila, au profit du mouvement de Jean-Pierre Bemba.

Quoi qu’il en soit, la transition congolaise traverse une phase délicate, où la réforme de la territoriale provoquera une rotation de tous les gouverneurs de province, et donc la fin des anciens fiefs rebelles. Cette perspective a déjà entraîné des troubles au Kivu, où les infiltrations d’armes et de militaires en provenance du Rwanda se poursuivent et les milieux gouvernementaux s’inquiètent d’une alliance possible entre les deux vice-présidents ex-rebelles, Azarias Ruberwa pour le RCD et Jean-Pierre Bemba pour le MLC.

A Kinshasa ce week-end, les anciens mobutistes ont voulu aller plus vite et frapper à la tête.

http://www.lesoir.be/rubriques/mond/page_5179_204783.shtml

Lire aussi. Coup d’Etat avorté au Congo ?
29.03.2004


Par : Louvouiti
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