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Les cancans de Kinkala

Et les armes se sont tues dans le Pool. En tout cas c’est à cette certitude que sont arrivés les séminaristes de la Concertation citoyenne, en conclave à Kinkala durant deux jours , du 6 au 7 juin 2007.

Au bout du compte Ntoumi a fait le voyage de Kinkala. Cheveux à moitié peignés, entouré de nsiloulou en rastafari, Ntoumi a prononcé une allocution pendant que finissaient de fumer sur un bûcher quelques armes que ses miliciens avaient remises aux séminaristes de Kinkala. Dans son discours en français, le chef rebelle a dit "poursuivre le dialogue". (Entendez, vous n’avez pas encore tout vu).

« Ntoumi a tourné le dos à la guerre » se sont félicitées les autorités de Brazzaville. Dieu sait combien cette perspective, mainte fois avortée, était attendue par le régime de Sassou. Cerise sur le gâteau, à en croire l’AFP, Ntoumi a finalement décidé de participer aux législatives du 24 juin 2007 alors que, moins d’une semaine auparavant, il avait juré, la main sur le coeur, ne pas le faire compte tenu des anomalies que comportaient ces consultations électorales à la sauce Sassou. Sa récente décision a été qualifiée de « volte-face » par l’AFP.
En tout cas depuis Ouagadougou où il est allé assister à un sommet sur les Techniques de l’Information et de la Communisation (bel alibi touristique ) Sassou a dû boire du petit lait après le retournement de veste de son ennemi de toujours, l’intraitable Ntoumi. De toute façon, son homme à tout faire, Isidore Mvouba, a fait le déplacement de Kinkala où il est descendu sous bonne escorte en hélicoptère militaire. Avec son accent laborieux, il a confessé que le Congo était « devant un événement majeur » ; que ces armes qui ont été calcinées par le feu prouvent, à souhait qu’avec la volonté, « on peut tout faire ». Ce fidèle lieutenant a pris soin de rendre à César ce qui lui revenait en précisant que le succès de l’opération « feu de camp » relevait d’abord de « la volonté du Président Sassou ». Ensuite ce Premier Ministre fantoche a tenu à remercier le frère de Ntoumi, Richard Bitsangou et Mgr Portella, Evêque de Kinkala qui ont « œuvré de longue date pour la réussite de ce projet ».

Tout ce tralala a été dit sous le regard impassible de Bernard Kolélas, lui aussi présent à Kinkala, méditant sans doute sur le fait que cette logique de guerre qui a prévalu pendant dix ans dans la région fut posée au départ par lui. Devenu, depuis son retour d’exil, le meilleur ami de Sassou (les mauvaises langues disent « colleur d’affiche »), il est apparu à Kinkala comme ce chenapan qui vient de lancer une pierre alors qu’il cache son bras dans son dos. Il était trop sage, pour qu’on lui donne le bon dieu sans confession.

A Kinkala il y a eu aussi bien la présence des officiels de la communauté internationale que celle des indigènes du coin. Ces indigènes, des paysans pour la plupart, regardaient avec des yeux hagards cet étrange rituel où des hommes politiques, comme des scouts, s’extasiaient devant le feu de camp qu’ils avaient allumé.

Si un peintre surréaliste devait croquer ce tableau pittoresque, il aurait sans nul doute souligné sous les cernes des badauds les larmes invisibles qui mouillaient leurs joues creuses. Cette région a été copieusement démolie par une décennie de guerre. Le peuple du Pool ne devait pas décolérer devant cette burlesque cérémonie où des anciens ennemis se réconciliaient sur son dos et sur fond de partage législative du gâteau pétrolier.

Car c’est bien ça l’enjeu réel de la concertation du Pool : mettre la forme au plus vite pour donner aux prochaines législatives un semblant de légalité, par conséquent, de légitimité. Comme disait jadis Makouta-Mboukou à propos de Lissouba qui, lui, était atteint d’une maladie nommée « majorité », Sassou est atteint (pardonnez ce néologisme) de « députationite ». Depuis qu’il est revenu aux affaires par coup d’état, il compte à son actif deux élections législatives, une première en 2002, une seconde en 2007 avec cette certitude de ne pas voir sa « majorité » à lui remise en question, puisque comme à l’émission de Jacques Martin, (L’école des fans) tout le monde va gagner.
Certains candidats sont déjà en train de fêter leur victoire avant même que les électeurs ne votent.

Tricheries à gogo

Ces futures fameuses législatives de juin 2007 sont un véritable modèle d’effronterie jamais atteint au sommet d’un Etat. Ce pied de nez fait à la démocratie doit réjouir Omar Bongo car le beau-fils Sassou semble avoir bien appris la leçon. Figurez-vous que Sassou, comme Bongo, risque de ne plus compter d’opposants dans son pays. Bongo les a tous fait taire faire à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes. C’est ce que le papa d’Edith est en train de faire au Congo où tout l’échiquier politique de Milongo à Ntoumi en passant par Moukouéké et autres Yombi et Tsaty Mboungou est à sa solde. Au bout du compte, il se peut que le dernier refus de Ntoumi de participer aux législatives (avant la volte-face) était une manière de monter les enchères. Sa récente décision de jouer le jeu des législatives montre que le chantage a payé.

Que reste-t-il aux Congolais de l’intérieur lâchés par tous les partis de l’Opposition ? Rien si ce n’est de river les yeux vers Paris d’où leur viendra le salut, notamment avec la manifestation de ce samedi 9 juin 2007 devant l’ambassade du Congo, rue Paul Valéry dans le XVIè, une "manif" où la diaspora a fait savoir à l’opinion internationale qu’au Congo se pratique la plus grave des dictatures jamais connues en Afrique et que bientôt va s’y dérouler une mascarade électorale qui va conforter Sassou dans le despotisme pour de longues années encore.

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