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Côte d`Ivoire :

Les négociations de paix ont commencé en France

PARIS (AP) - Dix jours pour tenter de ramener la paix en Côte d’Ivoire : sous l’égide de la France, 32 représentants des partis politiques ivoiriens et des trois mouvements rebelles ont entamé mercredi, près de Paris, des négociations pour sortir de près de quatre mois d’une insurrection qui divise le pays, autrefois vanté comme le plus stable et prospère d’Afrique de l’Ouest.

Présidées par l’ancien ministre Pierre Mazeaud, membre du Conseil constitutionnel, ces discussions à huis clos, dans le cadre boisé du Centre national de rugby, la maison du XV de France, à Linas-Marcoussis dans l’Essonne, à 30km au sud de la capitale, doivent être terminées pour le 24 janvier, avant une conférence des chefs d’Etats africains à Paris, les 25 et 26 janvier, qui garantira l’éventuel accord qu’espère favoriser la France.

"Ce qui nous réunit tous aujourd’hui, c’est une même volonté, un même espoir : la paix, la réconciliation, la reconstruction. Cet espoir du peuple ivoirien, il est entre vos mains", a lancé aux délégués le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin qui a ouvert officiellement cette table ronde sur la Côte d’Ivoire à Paris.

"La France est aujourd’hui à vos côtés pour ramener la paix. Elle le restera pour vous aider à remettre en route votre pays", a souligné le chef de la diplomatie française qui a assuré que Paris ne soutient "ni une personne ni un camp".

Force d’interposition sur le terrain, où plus de 2.000 soldats français protègent la communauté française forte de près de 17.000 membres et veillent au respect des trêves signées par les rebelles, la France, l’un des premiers partenaires économiques du pays, joue désormais les médiateurs pour éviter que son ancienne colonie ne s’enfonce dans le chaos.

La stabilité dont jouissait la Côte d’Ivoire sous le règne de Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance obtenue en 1960, a volé en éclat depuis le coup d’Etat du général Robert Gueï, fin 1999. Le processus de réconciliation nationale conduit en 2001 après les violences qui avaient suivi l’élection d’octobre 2000, remportée par Laurent Gbagbo du Front populaire ivoirien (FPI), n’a pas permis au pays de retrouver la paix.

La crise née avec le coup d’Etat manqué du 19 septembre dernier, a laissé le pays divisé entre le nord -à majorité musulmane- tenu par les rebelles et le sud -à majorité chrétienne- encore contrôlé par le régime de Laurent Gbagbo. Fin novembre, un nouveau front s’est ouvert à l’ouest avec l’apparition de deux nouveaux groupes rebelles.

Paris a finalement réussi à réunir autour d’une même table l’ensemble des forces politiques et des protagonistes de la crise ivoirienne. Mais la tâche qui les attend est "considérable", a reconnu le ministre. Et si Dominique de Villepin s’est dit "optimiste", les chances d’aboutir restent difficiles à évaluer.

La tenue d’élections présidentielle et législative anticipées, revendiquée par les trois groupes rebelles comme l’opposant, exilé en France, Alassane Ouattara, président du Rassemblement des Républicains (RDR), se heurte en effet au refus du président ivoirien Laurent Gbagbo qui est représenté à Linas-Marcoussis par le Premier ministre Pascal Affi N’Guessan.

"J’ai été élu et mon mandat s’achève en octobre 2005", a encore répété Laurent Gbagbo, invoquant la constitution dans un entretien au quotidien "Le Monde".

Mais pour Guillaume Soro, secrétaire général du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), le groupe rebelle qui contrôle le nord du pays depuis le coup d’Etat manqué du 19 septembre dernier, "il serait inimaginable après une partition du pays pendant près de quatre mois que l’on retourne sans recourrir à la souveraineté du peuple". Le peuple ivoirien "a décidé enfin de réclamer la démocratie", a-t-il insisté.

Les rebelles contestent la légitimité de Laurent Gbagbo élu lors d’un scrutin dont nombre de candidats avaient été écartés, notamment Alassane Ouattara, sous prétexte d’une supposée origine burkinabée. Le MPCI dénonce aussi les "exactions" perpétrées en Côte d’Ivoire, tandis que le Mouvement populaire ivoirien pour le Grand ouest (MPIGO), l’un des groupes rebelles de l’Ouest, réclame des éclaircissements sur la mort du général Gueï, tué à Abidjan aux premières heures du soulèvement de septembre.

"Nous voulons avancer vers une nouvelle Constitution, de nouvelles élections et bannir l’ivoirité de nos textes", a résumé de son côté M. Ouattara.

Ce "concept d’ivoirité, à la base de tant de difficultés et de souffrances", a été placé au coeur du débat par M. De Villepin qui a appelé de ses voeux une "discussion franche". "La tâche, ne nous le cachons pas, est lourde, tant ce mot a été l’objet de multiples malentendus", a-t-il reconnu. "Il s’agit donc pour vous de clarifier le débat et de trancher".

L’ivoirité, dans une terre d’immigration dont la communauté étrangère représente environ un quart de la population, a souvent été utilisée depuis près d’une décennie par les différents pouvoirs comme un instrument pour écarter les opposants, accusés de ne pas être des Ivoiriens de souche. Dominique de Villepin a souhaité que soit réglée également la question de la nationalité, évoquant la mise en place éventuel d’un droit du sol, et celle du régime foncier, qui interdit la propriété aux étrangers

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