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Morceau choisi : il y a 17 ans, le message d’Auguste Célestin Gongarad Nkoua

Quand certains prétendent que l’état actuel du Congo provient de la gestion qu’en a fait Lissouba, la reproduction de ce texte qui date de la Conférence Nationale montrera qu’à son avènement la situation n’était pas meilleure que celle qui prévaut aujourd’hui. Qui pourrait nous rappeler le nom de celui qui tenait alors les rènes.

Il y a 17 ans, Auguste Célestin GONGARAD NKOUA s’adressait à la Conférence Nationale Souveraine. Pour les besoins de l’histoire, nous publions ci-dessous le texte intégral de sa déclaration. Aurait-il été si virulent dans le contexte d’aujourd’hui ? La réponse lui appartient, lui qui boit aujourd’hui le lait et le miel.

Excellence, Monseigneur Président de la Conférence Nationale,
Madame, Ma Sœur et Messieurs du Présidium,
Mesdames les Conférenciers,
Chers Compatriotes,

Vous qui, en ce moment même, nous écoutez à travers les ondes ;
Vous qui nous regardez par le biais magique de la télévision ;
Au nom de l’Union Patriotique pour la Démocratie et le Progrès,
JE VOUS SALUE.

Je salue chaleureusement et particulièrement la tenue de la Conférence Nationale Souveraine.
C’est la victoire de la justice, de la patience et de la fidélité à nos convictions.
C’est le résultats inattendu et extraordinaire du combat de toutes les forces démocratiques.
C’est aussi le résultat de notre lutte clandestine, au dehors comme au dedans, 27 ans durant.
Je salue la Confédération Syndicale Congolaise pour son dynamisme et pour sa lutte opiniâtre contre les ennemis du peuple.
Je salue notre vaillante Armée populaire Nationale.
Je salue Hommes et Femmes de la presse, toujours incompris, mais qui, en dépit de toutes les menaces, se sont mis au diapason du bouillonnement national actuel.
Je salue les auteurs de la lettre ouverte du 7 juillet 1991, qui ont osé clamer tout haut ce que beaucoup disaient tout bas.

Excellence, Monseigneur,
Chers Conférenciers,
Chers Compatriotes,

Permettez-moi d’avoir une pensée spéciale, sincère et profonde, pour Clément MIERASSA, Auguste René GAMBOU, les Colonels GANGOUO et LOMAN, le Commandant NGAYO, mes compagnons de lutte, mes compagnons de prison.

Excellence, Monseigneur,

Je salue et félicite Votre mauvaise gestion collective, à la responsabilité individuelle des membres du PCT.
Tout : de la négation des institutions actuelles à leur profanation par une assemblée impopulaire dite populaire, sans doute par erreur !
Tout est dit en bien dit.
Tout : des enlèvements des enfants de Moukondo, du triste rôle de marchand d’armes, joué par notre pays, dans l’affaire des missiles MATRA, en passant par la ténébreuse question des déchets industriels au drame du DC 10 D’UTA qui a endeuillé tout le Congo. Notre pays, accusé dans ce drame d’UTA, n’a jamais dit mot. A propos de tout cela, la Conférence Nationale doit exiger que la lumière soit faite. Elle se fera !..
Cependant, l’UPDP ne saurait passer sous silence l’état de délabrement prononcé de nos villes et de nos villages.
En effet, tandis que tout le Congo roule vers les enfers,
Brazzaville, sa capitale est devenue une poubelle habitée ;

 Poto-Poto, n’est plus qu’une terrible mare aux diables ;
 A Moungali, crapauds, serpents et moustiques disputent l’espace avec l’homme ;
 Bacongo, l’orgueilleuse, a honte de paraître, tout comme une belle fille brusquement déshabillée par un coup de vent inattendu.
 Makélékélé et Mpissa, hier cités-jardin, ont perdu aujourd’hui de leurs couleurs ;
 Ne nous parlez pas de Mfilou, complètement ravagée ;
 Tout là-haut, à Talangaï, les bidons-villes désordonnés s’étendent à perte de vue ;
 A l’instar de Brazzaville, Pointe-Noire, Loubomo, tous les grands centres et villages de notre pays, sont complètement abandonnés à eux-mêmes.
Dès lors, il faut comprendre que notre pays soit devenu victime des maladies de toutes sortes dont la plus répandue est le paludisme.
C’est ainsi que :
J’ai mon palu,> Tu as ton palu, Il a son palu, Devient notre pain quotidien.

 A l’école, c’est la faillite.
 Le sport, notre orgueil national, est devenu un lépreux que seule la famille visite de temps à autre. On se console des mots comme : l’essentiel est de participer ! Non, nous sommes un pays des sports de compétition. Nous ne pouvons nous contenter seulement de participer. Nous devons gagner. Et nous pouvons gagner si nous sommes organisés.
 A ce triste héritage, s’ajoute le chômage de 13.000 diplômés et de 100.000 jeunes exclus des établissements scolaires et universitaires.
 L’agriculture, déclarée priorité des priorités, est plutôt la mal aimée du PCT.
 Dans nos campagnes, Que de produits agricoles invendus !

Ainsi, en 22 ans de règne, le P.C.T a détruit tout le patrimoine national. Tout l’orgueil du Congolais. Toute sa fierté.

Chers Compatriotes,

Que voulez-vous que j’ajoute de meilleur si ce n’est vous dire que j’avais hâte de vous ouvrir mon cœur.
Je sens que les vôtres me répondent.
Je sens que la communion est totale entre mon cœur et les vôtres.
Je sais, par expérience, qu’une lutte sans communion entre ceux qui s’y engagent, n’est que ruine d’énergie, pour ne pas dire, c’est un suicide.

C’est donc avec une vive émotion que je m’adresse à vous. Et c’est tout agité de passion, d’inquiétude et d’espérance à la fois, que je vous parle.
Et comment n’être pas saisi d’un grand trouble, en songeant que l’avenir de ce pays, se joue ici, entre vos mains, et ce qu’il sera pour une grande part, c’est ce que votre esprit, votre intelligence, votre courage, votre savoir-faire, et vos soins particuliers, l’auront fait.
Grâce à votre savoir-faire, la Conférence Nationale Souveraine évitera de mourir de sa grandeur, comme Rome est morte de la sienne.
C’est pourquoi vos décisions doivent être des décisions salvatrices pour le pays.
Quelle noble tâche, dans les circonstances actuelles dans ce grand écroulement des choses, quand ceux qui ont trahi le pays s’effondrent sous le poids de leurs fautes, et tous s’abîment côte à côte, en s’accusant mutuellement.
Dans le désordre social et moral créé par le PCT, vous avez tout à faire, et tout à refaire.

Chers Compatriotes,

Que désirez-vous, que je vous conte de mieux encore ? Sinon que dans sa pratique, le PCT, s’est toujours refusé à tout changement.
Maintenant que le séisme s’est abattu sur lui, les nouvelles qui nous parviennent, font état du désir du PCT, de rénover et d’innover pour nous proposer, paraît-il, une nouvelle politique.
Mais laquelle ?
Messieurs du PCT, pas de chantage, vos idées sont connues. Vous> n’avez plus rien de nouveau à proposer. Votre source a tari.
Il vous faut désormais boire à la source de la démocratie. Vous ne> pouvez désormais nous proposer qu’un pêle-mêle fin de règne.
Je ne vous vois point aux commandes d’un navire, que les passagers refusent désormais de prendre, tant que vous en serez le commandant de bord.
Vous aussi, opposition, ce n’est pas en fleurtant avec le PCT, que vous allez convaincre le peuple congolais.

Que vous dire enfin ?
Sinon que les assassinats et les détournements, constituent le contentieux le plus lourd, entre le peuple et la classe politique congolaise, contentieux qu’il faut vider complètement pour permettre au Congo de repartir sur des nouvelles bases.

Excellence Monseigneur,

La conférence Nationale Souveraine a pour objet la mise en place d’un processus qui doit conduire le Congo à la démocratie véritable.
Une période de transition est donc nécessaire. Cette période transitoire doit préparer l’instauration d’un Etat de droit.
A cet effet, outre ce qui est défini à l’article 2 du règlement intérieur de la Conférence Nationale, l’Union Patriotique pour la Démocratie et le Progrès estime indispensable :
# D’abroger la Constitution actuelle. D’élaborer une nouvelle Constitution devant garantir les libertés individuelles et surtout consacrer la séparation des pouvoirs :
 Législatif
 Exécutif et
 Judiciaire.
Elle doit, en outre, instaurer un système semi-présidentiel, dans lequel les pouvoirs du Président de la République et ceux du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, sont clairement définis.

  1. De dissoudre l’Assemblée Nationale Populaire.
  2. De dissoudre le Conseil Constitutionnel, le Conseil Economique et social, les Conseils régionaux et communaux.
  3. De démolir l’appareil administratif mis en place par le PCT.
  4. De désigner un Premier Ministre, Chef du Gouvernement ayant la plénitude de tous les pouvoirs exécutifs.
  5. De mettre en place un Conseil Supérieur de la République ayant pour principale tâche le suivi des actes et décisions de la Conférence nationale et le contrôle du Gouvernement de transition d’union nationale.
  6. En conséquence, s’impose l’élaboration d’un Acte Fondamental devant régir la période de transition. A ce sujet, nous remettrons au Présidium notre contribution.
  7. Etablir un calendrier électoral, en fixant la durée de la période globale de transition, durée qui ne doit pas excéder 12 mois pour les quatre élections à savoir :
     Référendum Constitutionnel ;
     Election présidentielle ;
     Election législative ;
     Election régionale et communale.
  8. Situer les responsabilités individuelles et collectives de tous ceux qui ont conduit le pays à la ruine.
  9. Renforcer notre coopération avec de nouveaux partenaires dont les Etats-Unis d’Amérique, le Canada et le Japon. L’intensifier avec les pays du marché commun en général, et avec la France en particulier.
  10. Encourager l’intégration économique régionale.
  11. Elaborer un plan d’urgence pour assainir les finances publiques.
  12. Enfin, réhabiliter l’histoire du Congo. Toute l’histoire.
  13. En dehors de ce schéma, Messieurs les conférenciers, tout n’est que blague et duperie pour notre peuple.

Il ressort de nos propositions, les conséquences suivantes :
 premièrement : toutes les institutions électives actuelles sont donc frappées de nullité ;
 deuxièmement : vous avez dû constater que je n’ai dit mot du Gouvernement de la République, que tous les orateurs ici, ont dénoncé.
Je vais vous dire pourquoi :
En effet, il y a quelques mois, au cours d’un interrogatoire de nuit, à la police, je disais :
Quoi que l’on fasse
Quoi que l’on rêve
Quoi que l’on s’illusionne
Quoi que l’on espère encore
Quelle que soit la volonté que l’on y mette,
Et quelles que soient les conséquences physiques que j’encours,
objectivement, logiquement et mystiquement parlant, le pouvoir du PCT est désormais défunt.

Aujourd’hui le constat est fait !. La Conférence Nationale Souveraine entérinera !…

Excellence Monseigneur,

Mais ce Gouvernement défunt nous a quand même laissé dans un problème. C’est le Président de la République ; aujourd’hui troublant, il est inquiétant pour la transition. Aussi pour la cause de la paix, dont le Président de la République se fait le chantre, pour la Concorde Nationale, l’Union Patriotique pour la Démocratie et le Progrès se tourne vers vous Monseigneur, et vous demande, très respectueusement, non seulement en votre qualité de Président de la Conférence Nationale Souveraine, mais aussi en votre qualité d’Evêque, d’approcher le Président de la République, lui qui est abandonné par la plupart de ceux qui, hier, ont bu le lait et le miel avec lui. L’U.P.D.P vous suggère, Excellence Monseigneur de lui dire avec les mots qui sont les vôtres ; nous savons que vous les trouverez ; de lui dire, dis-je, qu’il n’y a plus de communion entre le Président de la République et la nation.

Alors,

Excellence Monseigneur,

Dites à Monsieur le Président de la République, que ce qui se passe dans le pays est grave.
Qu’il doit éviter, de porter une quelconque responsabilité historique supplémentaire.
Dites aussi, à Monsieur le Président de la République que tout le monde, autour de lui, a jeté l’éponge :
Son Parti,
Son Gouvernement, et ses courtisans.
Dites lui encore, qu’ici même, dans cette salle,
L’école lui a dit non
La santé lui a dit non
Le magistrat lui a dit non
La société civile lui a dit non
Le barreau lui a dit non
L’opérateur économique lui a dit non
L’ouvrier lui a dit non
Le paysan lui a dit non
Et que même l’âme du pays, c’est à dire le pays profond, lui a dit non.

Excellence Monseigneur,

Veuillez rappeler à Monsieur le Président de la République, le mot du livre de la sagesse, chapitre I, verset 1 ; et dites-lui :
Aimez la justice
Vous qui gouvernez la terre !

Enfin dites, Excellence Monseigneur, à Monsieur le Président de la République que :
Pour sauvegarder l’unité nationale, garantir l’avenir du pays et démontrer qu’il a toujours le sens d’un vrai patriote, de réfléchir, de méditer et en tant que, homme d’Etat, de tirer les leçons qui s’imposent.
En effet, lorsque les portes se ferment devant soi, il faut toujours savoir se tourner vers celle qui vous reste encore ouverte !
C’est la roue de l’histoire !
On n’y peut rien !

Vive la République du Congo
Vive la Patrie
Je vous remercie.

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