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Où va l’argent du pétrole ?

Un homme, un seul, use et abuse des richesses d’une nation.
Impunément. Jusqu’à quand l’abus de pouvoir et l’arbitraire auront-ils droit de cité au Congo ?

Par Kévin Diafouka*

Deux personnes seulement au Congo Brazzaville savent précisément la quantité de pétrole qui est vendue régulièrement, les montants colossaux générer par la principale ressource du pays et à quoi servent ces milliards de dollar : Denis Sassou-Nguesso et son fils Denis Christel Sassou-Nguesso

A maintes reprises, nous avions qualifié Sassou-Nguesso d’incompétent, de malfaisant et d’inutile. Nous allons vous démontrez que tout ce qui se construit au Congo Brazzaville n’est pas financer par l’argent du pétrole.
A bien y regarder de plus près, il semblerait bien que le maître d’école, devenu général-putschiste-président à vie, se soit mué en un véritable génie de la Haute Finance au service de ses intérêts et de ceux de sa petite famille, bien sûr !

Certes, il a largement bénéficié de sa relation privilégiée avec son alter ego, Jacques Chirac , mais aussi d’une relation privilégiée avec les Finances françaises durant l’ère Jospin, grâce à son "griot" recruté sur le pavé parisien, notre ami Pigasse , frère aîné d’un banquier français que l’on présente comme l’un des plus doués de sa génération.

Enarque, ex-directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn, puis de Laurent Fabius , Matthieu Pigasse a débuté au Trésor en gérant la dette de l’Etat français. De là à croire qu’il aurait aussi géré ou continuerait à gérer celle, colossale, creusée par le dictateur congolais qui emploie son grand frère, il n’y a qu’un pas que des cours autocratiques africaines sauteraient allégrement.

Route Brazzaville-Kinkala, financée à 66 % par l’UE

Toujours est-il que notre autocrate, bien conseillé par la fine fleur de la gauche bien-pensante française avec laquelle il a su nouer des amitiés utiles (rappelez-vous, à qui a-t-il fait appel pour l’énorme plaisanterie sur la santé au Congo ?) a réussi contre vents et marées à obtenir l’effacement de la dette colossale qu’il avait accumulée au bout de douze ans de pouvoir sans que les Congolais n’aient jamais rien vu de ce qu’il avait fait avec cet argent.

Certes, il y a la Villa Suzette au Vésinet et les luxueux appartements acquis dans les beaux quartiers parisiens, mais il faut être sacrément naïf pour croire que ces emplettes immobilières ont pu engloutir les milliards de dollars tirés de la vente du pétrole.

Le Congo de Sassou-Nguesso est un pays verni. Non seulement les revenus pétroliers augmentent, mais de bonnes fées se penchent également sur son destin. De 30 dollars en 2004, le baril de pétrole a atteint les 145 dollars en août 2008. Pendant que ses revenus explosent, la bonne fée FMI, d’un coup de baguette magique, transforme le pays riche de pétrole, de forêts et de diverses matières premières en pays pauvre très endetté.

La France y contribue pour près d’un bon milliard d’euros (contribuables français et franco-congolais, réjouissez-vous !). Dans la foulée, tous y passent, Allemagne, Italie, etc..., c’est à qui sera le plus généreux avec ces pauvres africains.

C’est presque un téléthon, sauf que dans ce spectacle de bienfaisance organisé au profit du Congo Brazzaville, l’unique gagnant s’appelle Sassou-Nguesso , même si (il faut au moins lui reconnaître cette qualité), il redistribue sans compter à ses obligés et qu’il n’oublie pas de renvoyer l’ascenseur aux barons de la branche française de la Françafrique.

Dettes effacées, augmentation de la production pétrolière et explosion du prix du baril, tout concourt à faire du Congo Brazzaville un pays riche pas endetté. C’était avant la crise. La croissance du PIB se situait autour de 7%. Des naïfs affirmaient la main sur le cœur que la vie des Congolais allait changer. Ils voyaient déjà le gouvernement lancer un vaste programme de modernisation du pays.

C’était mal connaître Sassou-Nguesso , un autocrate shooté avec la dette. C’est plus fort que lui. Certains diront que c’est ici qu’en fait apparaît son génie, ou celui de ses conseillers financiers. Les comptes à l’égard de ses créanciers apurés (ou presque, mêmes les prétendus diaboliques fonds vautour ont été payés), que fait-il ? Il recrée de la dette à tour de bras. Comment ? Très simple.

Puisque les comptes officiels sont propres, les partenaires étrangers se bousculent pour lui fourguer tout et n’importe quoi, mais surtout pas des investissements productifs. Le tout financé à crédit. Pour faire simple, les investissements dont se flatte le régime ont été financés par des crédits à long terme auprès des Chinois, peu regardants du moment qu’ils ont accès aux matières premières dont leur pays a besoin pour assurer sa folle croissance. L’Union européenne, bonne poire, qui a supporté l’effacement d’une part très importante de la dette, n’a obtenu qu’une infime partie des marchés.

La route Brazzaville-Kinkala-Gambari par exemple, récemment inaugurée en grandes pompes par Sassou-Nguesso , est un financement de l’UE à 66 %. C’est d’ailleurs l’un des rares marchés obtenus par des entreprises européennes alors que les Chinois sont partout, même sur des étals du marché de Poto Poto.

L’ennui, c’est que tout ça sera payé soit avec des cargaisons du pétrole, soit avec du bois et d’autres ressources naturelles pendant plusieurs décennies par deux ou trois générations de Congolais. Quelques exemples suffisent à comprendre la politique d’équipement (en réalité de néo colonisation) dont se gargarise le régime.

Le Barrage d’Imboulou

Pour réaliser cette usine hydroélectrique, il en coutera 280 millions de dollars US au Congo. 85% de cette somme seront pris en charge sous forme de crédit par la Chine. Un crédit que le Congo Brazzaville devra rembourser sur 15 ans à un taux d’intérêt de 0,20% avec un différé de 5 ans.

La route Pointe-Noire/Brazzaville, également attribuée à la Chine (dont, soit-dit en passant, la société Pierson de Pierre Falcone , impliqué dans l’affaire de "L’Angolagate", se flatte d’avoir la responsabilité). Le coût des travaux du premier tronçon Pointe-Noire/Dolisie long de 186 km est estimé à 172,4 mds de francs CFA, financés par la Chine, dans le cadre de l’accord-cadre entre le pays de Mao et le Congo Brazzaville signé en juin 2006 à Brazzaville.

La construction d’une usine de production d’eau potable à Brazzaville, également financé par un prêt de la Chine à hauteur de 199 millions d’euros. Pour montrer toute la délicatesse de Sassou-Nguesso à l’égard des Européens, l’’annonce de l’accord avec les Chinois a été faite le jour même où l’ambassadeur italien à Brazza, Angelo Travaglini , signait l’effacement de la dette du Congo Brazzaville envers l’Italie. Elégante attention qui mortifia le représentant de l’Etat italien.

Résumons. Quasiment tous les chantiers en cours ici ou là ont été financés sur crédits extérieurs. D’après nos comptes, 15% environ, ce qui n’est pas grand-chose, sont supportés par les fonds propres de l’État congolais.

Quelques rares projets ont été imputés sur la fiscalité forestière comme la route Obouya-Owando pour un montant de 23 milliards de F CFA. En 2009, un consortium d’investisseurs, malaisiens et sud-coréens, devait démarrer la construction d’une voie ferrée reliant Brazzaville à Ouesso sur plus de 900 km. Les travaux seront entièrement financés par le consortium qui, en retour, se payera avec le bois pendant près d’un siècle. Le prix sera donc celui de la déforestation accélérée d’un des poumons de la planète. Cela n’empêche nullement Sassou-Nguesso de pérorer sur le développement durable dans les forums internationaux.
Pour finir, le groupe pétrolier italien ENI qui va débourser 230 millions d’euros pour réhabiliter des lignes de transport d’électricité entre Pointe-Noire et Brazzaville. Encore un préfinancement qui sera remboursé selon des modalités qui n’ont pas été dévoilées, comme la production de l’opérateur italien, mais selon toute vraisemblance avec des cargaisons du pétrole.

La propagande du pouvoir présente Sassou-Nguesso comme le grand bâtisseur du Congo Brazzaville. Un bâtisseur qui se garde bien d’expliquer à ses compatriotes mal nourris, mal logés, mal soignés et mal éduqués que ce sont leurs enfants, leurs petits et arrière-petits-enfants qui payeront la note des chantiers réels ou fictifs pour lesquels il pose des premières pierres ou coupe des rubans.

Certes, ramenée au fric que le Congo Brazzaville a perçu au cours de ces dernières années en bradant son pétrole et ses forêts, la totalité de ces sommes est insignifiante. Mais alors pourquoi emprunter aux Chinois un milliard de dollars par ici, deux autres par-là ?

La dette extérieure étant effacée, que fait-on du liquide que nous rapporte le pétrole et le bois ? Mystère et boule de gomme. Sassou-Nguesso n’en parle pas. Ses députés n’en parlent pas. Ses opposants n’en parlent pas. Personne ne sait rien sur rien. Il y a deux ans, Isidore Mvouba avouait qu’il planquait l’argent du Congo Brazzaville pour le mettre à l’abri des fonds vautours. Ces méchants prédateurs ne sont plus une menace pour le Congo, puisqu’ils ont été payés. Où est donc à présent l’argent du Congo ? Sous le matelas de Sassou-Nguesso ? Dans les sous-sols de la Villa Suzette ?

Le Congo Brazzaville est au 3e rang des pays producteurs après le Nigeria et l’Angola. Les recettes d’exportations pétrolières ont grimpé de 820 millions de dollars en 1994 à 2,5 milliards de dollars en 2001, avec une production pétrolière de 283.000 b/j (estimations de 2000).
La compagnie française Total contrôle les 2/3 de cette production et le 1/3 restant est partagé entre les sociétés italiennes Agip (actuelle ENI) et américaine Amoco. L’or noir représente 80% des recettes d’exportation. La gestion opaque des recettes s’accompagne de l’expansion de la corruption. Avec des finances et un endettement non maîtrisés, le pays a obtenu le statut à part de Pays Pauvre Très Endetté (PPTE).

Les revenus pétroliers devraient fournir une base suffisante pour le développement d’un pays d’à peine 3 millions d’habitants. Mais la faiblesse des institutions et la dépendance de l’Etat à l’égard des pétrodollars, ne l’ont pas mis en situation de bien négocier ses contrats pétroliers.

Ces revenus comprennent les recettes de la vente de la partie de la production de pétrole qui lui revient de droit, les royalties et le paiement de bonus de signature lors de l’attribution des permis d’exploration.
Comme dans tout CPP, les bénéfices pétroliers sont partagés entre le gouvernement et les compagnies selon les clauses du contrat. Les termes de ces contrats sont encore très favorables aux compagnies pétrolières.

Dans un rapport publié en 2003, Global Witness accuse Total d’avoir institutionnalisé l’opacité, favorisant des gouvernements qui ne répondent pas de leur gestion, avec comme conséquence, un endettement massif et une instabilité chronique. L’ONG explique comment le Congo Brazzaville avec 3 millions d’habitants est devenu le pays le plus endetté du monde, per capita avec 6,4 milliards de dollars à rembourser aux créanciers étrangers.

Par ailleurs, plus de 70 % de la population congolaise vivent avec moins d’un dollar par jour. Alors que les dépenses militaires augmentent, les infrastructures sanitaires et scolaires se délabrent pour cause de déficits budgétaires.

Source de cet article  : Blog d’Eric Mampouya

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