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Pacte pour la paix ou « pacte contre l’agression » ?

Jeudi 10 juillet (Journal Mwinda)- Certains ont conçu le Nepad. Un programme censé développer l’Afrique. Un autre s’apprête à faire don au continent d’un pacte sur les guerres, les « rébellions », les coups d’Etat, la sécurité. A chacun ses compétences, à chacun ses centres d’intérêt. On le pressent : le savoir-faire acquis pendant la guerre du Pool au Congo va " rendre service " à toute l’Afrique.

Mais il conviendra d’abord d’étudier le « pacte panafricain contre l’agression » (lire par ailleurs) que le président congolais proposera à Maputo lors du sommet de l’Union africaine. Avant d’en tirer des conclusions. En attendant, on croit savoir d’ores et déjà que ce texte fait surtout la part belle à l’aspect militaire pour la résolution des conflits en Afrique. Grosso modo, il s’agirait d’envoyer des forces d’interposition partout où un pouvoir « démocratiquement élu » serait menacé par une « rébellion ». Une sorte d’assurance contre le risque de renversement qui devrait plaire à l’ensemble des dictateurs africains.

On ne reviendra pas ici sur la crédibilité du personnage à l’initiative de ce pacte : un professionnel de la sécurité connu pour sa propension à fomenter coups tordus et coups d’Etat. Intéressons-nous plutôt à la notion même d’" élection démocratique ". Une notion sujette à caution car de quel pouvoir élu, de quels présidents élus parle-t-on ? Du président actuel du Togo par exemple ou de celui du Congo ?

S’agissant du premier, nous avons affaire à un homme arrivé au pouvoir au moyen d’un putsch. Certes les faits sont anciens et ce dernier a, à plusieurs reprises, légitimé son pouvoir par les urnes. De quelle façon ? En piétinant une Constitution qui limitait le mandat présidentiel et en bourrant les urnes.

Au Congo, de même, on se rappelle les conditions de la reconquête du pouvoir par l’initiateur du « pacte » : un coup d’Etat sanglant suivi d’une légitimation du pouvoir par les urnes, au prix de fraudes massives et par l’organisation préalable d’un « procès de Moscou » destiné à écarter des rivaux dangereux.

Face à ce type de pouvoir qui n’offre pas d’autre choix à l’opposition, la résistance a emprunté dans certains pays la voie de la violence. Ainsi au Burundi où la majorité hutue a longtemps été poussée à la contestation armée. On se demande, dans cette hypothèse, si la communauté africaine serait fondée à envoyer des troupes d’interposition sans régler au préalable les problèmes de fond. Dans ce dernier pays justement, une force d’interposition est présente à l’heure actuelle. Elle y assiste, impuissante, aux massacres. Le scepticisme à cet égard peut également se nourrir de la question du financement d’une telle force, vu le nombre de conflits en cours sur le continent.

Certes, on ne saurait complètement blâmer l’initiative congolaise surtout si elle participe de la recherche de solutions destinées à apporter une réponse à une préoccupation qui concerne surtout les populations civiles, principales victimes des violences. Pourtant on espère que le « pacte » (sous peine de n’apparaître que comme un gadget destiné à assurer la survie politique de dictateurs africains tentés par la présidence à vie) ne privilégiera pas uniquement la répression. On imagine qu’il établira un lien avec le Nepad dans le sens où il mettrait l’accent sur les causes des « rebellions » en Afrique. Ces causes ont pour nom : la misère rampante dans les villes africaines face à l’embourgeoisement des classes dirigeantes, le scandale des jeunes (diplômés ou non) sans emploi, les systèmes sanitaires défaillants, le bâillonnement de l’opposition, la fraude aux élections qui sont autant d’« agressions » et de violences auxquelles il conviendrait de s’attaquer en priorité.

L’exemple du Congo Brazzaville est à cet égard éclairant : voilà un régime qui a légitimé un pouvoir conquis par la voie des armes. Face à une rébellion avec laquelle il vient de signer un fragile accord de paix, aucun aménagement politique ne semble envisagé. Que propose-t-on aux rebelles et à leur chef ? Une visite de Brazzaville et quelques recrutements de miliciens dans l’armée ; face à l’opposition en exil, de même, les portes demeurent fermées, le pouvoir refusant tout dialogue.

Sur le plan social, le désoeuvrement de plus de la moitié de la population active et le manque de perspectives pour la jeunesse constituent le ferment de révoltes futures.

Sur ces questions qui sont la cause des « agressions » en Afrique, le « pacte » s’exprime-t-il ? Car on doit le savoir : ce qui est « humiliant » n’est pas de « devoir faire appel aux anciennes puissances coloniales » en cas de crise. Ce qui est humiliant et… mortel pour les Africains ce sont ces bombardements, comme dans la région du Pool au Congo, de villages de paysans par des hélicoptères de combat envoyés par le pouvoir en place. Ce qui est honteux c’est la disparition planifiée au plus haut niveau de centaines de jeunes un jour de mai 1999 à Brazzaville. Puis la tentative d’organisation de l’impunité pour leurs auteurs. C’est dans de tels crimes que gît la honte des Africains. Une force africaine éviterait-elle la commission de tels pogroms ? Rien n’est moins sûr. Déjà un pacte pour la paix aurait mieux valu qu’un pacte contre l’agression. Une tournure d’esprit (paranoïaque ?) à tout le moins révélatrice !

Nika Mabiala
Journal Mwinda

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