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Plaidoierie de Me Ndiantsitoukoulou, partie civile , suivie de celle de Me Nkouka

Des fripouilles

Me Ndiantsitoukoulou a enfoncé le clou planté par son confrère Me Quenum en démontrant la chaîne des opérations criminelles depuis l’infiltration des camps de Mbanza-Ngungu par les espions du régime congolais jusqu’aux enlèvements puis les disparitions survenus au Beach de Brazzaville. Une plaidoierie très accablante.

Acte 15. Brazzaville. Le 8 août 2005. Cour criminelle.
Scène 2. Plaidoirie du Me Ndiantsitoukoulou (16h10min-16h45min)

Me Ndiantsitoukoulou suit le canevas tracé par son prédécesseur (en l’occurrence Me Quénum). Il souhaite éclaircir le rôle du ministère public et affirmer la véracité des crimes de guerre commis par les responsables de ces disparitions. Cet avocat certifie que les tribunaux congolais ont la compétence de juger ces crimes puisque le Congo est signataire des conventions de Genève.

L’homme de loi a insisté sur l’origine de la guerre à Brazzaville et de son extension dans le département du Pool, sur le refuge des déplacés de Brazzaville en R.D.Congo et du retour de ceux-ci au Congo suite au discours du 31 décembre 1998 du président de la République.

Il a complété son récit par les fouilles et les palpations dont les réfugiés étaient l’objet à leur arrivée au Beach de la part des éléments du commissariat spécial de ces lieux, la rétention des rapatriés afin de subir un interrogatoire puisqu’ils étaient supposés entrés en contact avec les rebelles Ninjas. Il a ajouté que depuis, certains d’entre eux ne sont jamais rentrés de ces épreuves de renseignement. Il affirme que les conventions internationales rangent les traitements dégradant tels que le déshabillage et la séquestration dans le lot des crimes de guerre.

D’après les observations du Me Ndiantsitoukoulou, ces crimes ont été commis : par (1) Marcel Ntsourou, car il en est le concepteur. Les sbires de la direction centrale des renseignements militaires (DCRM) ont infiltré l’accord tripartite et ont visité les camps des réfugiés en R.D.Congo en qualité d’agents d’actions humanitaires. Ils ont ensuite été rejoints par Sita Bantsiri qui a joué le rôle d’indic. Les personnes reconnues comme étant des Ninjas par les 3000 agents de la DCRM déployés en R.D.Congo et au Congo sont saisis à leur arrivée au Beach de Brazzaville. Cet avocat des parties civiles a ajouté que depuis l’application des accords tripartites, les geôles de la DCRM se vidaient et se remplissaient régulièrement. Ces personnes détenues n’étaient autres que des réfugiés piqués au Beach par les militaires. (2) Jean Eve Alakoua n’a pas assuré l’ordre et la sécurité des réfugiés depuis leur débarquement jusqu’à leur sortie du Beach. Ils devrait répondre des séquestrations faites dans ces bureaux. (3) Blaise Adoua est le responsable des séquestrations et privations de nourriture aux personnes détenues dans les geôle de la garde présidentielle, actuelle garde républicaine. La constance au Beach de (4 et 5) Sita Bantsiri et Vital Bakana, personnages de triste renom et anciens Ninjas de Bernard Koléla est sujette à exploration. Me Ndiantsitoukoulou a estimé que ces des fripouilles se rendaient au débarcadère de Brazzaville dans la seule intention de démasquer les personnes supposées être des Ninjas et les indiquer aux éléments de Marcel Ntsourou, lequel avait avidement besoin des informations pour combattre les ouailles aux dents acerbes du pasteur Ntoumi dans les forêts du Pool. De ce fait, Sita Bantsiri et Vital Bakana, étaient devenus des complices des personnes qui sont à l’origine de ces crimes de guerre. En plus, Viltal Bakana est aussi le responsable des enlèvements des personnes en provenance de la R.D. Congo au moment des faits. (6) Edouard Ndinga Oba doit répondre de la séquestration dans son commissariat des réfugiés enlevés et disparus.


Plaisoierie de Me Nkouka

Acte 15. Brazzaville. Le 8 août 2005. Cour criminelle.
Scène 3. Plaidoirie du Me Nkouka (16h45min-18h30min)

Au demeurant, Me Nkouka tient à manifester sa joie pour le tenue ce procès sur les disparus du Beach. Il estime que c’est le début de la rupture du Congo avec l’impunité, le pillage, les braquages et la justice privée de quelques chefs militaires.

Il profite de la parole qui lui est donnée pour soulever le fait que la majorité de grands bandits au Congo ne sont jamais passés en justice, malgré la médiatisation de leur arrestation. Il affirme que les artisans de ce grand désordre au Congo sont des acteurs politiques et militaires. Il rappelle, pendant un long moment, les centaines de disparitions extra-Beach en ajoutant que toutes les victimes innocentes du Congo s’expriment à travers ce procès.

Me Nkouka compare le procès de l’affaire des disparus du Beach à l’aboutissement de la longue marche de Mao Zédong, car pense t-il, le Congo est arrivé au point de l’application de la justice. A ces propos très flatteurs, des rires s’élèvent dans le prétoire pour la première fois depuis le début de cette audience.

Toujours de sa voie coupante, marquée par un fort accent Kongo, l’avocat définit le génocide selon les tribunaux de Nuremberg, de la Yougoslavie et de la Tanzanie comme une atteinte préalable visant à détruire tout ou une partie d’un groupe racial ou religieuse en commettant des actes criminels contemporains. Il entend prouver, point par point, que l’affaire des disparus du Beach est un génocide et encore plus un crime contre l’humanité.

Le groupe :

La population visée à être exécutée était les réfugiés congolais rapatriés de la R.D.Congo.

La planification et la concertation :

Me Nkouka dit que l’origine de ses disparitions remonte aux affrontements armés entre Ninjas et forces gouvernementales. Il s’est donc crée un théâtre de combat dont le chef était Guy Pierre Garcia. Celui-ci devait exploiter à leur juste fin des informations fournies par les 3.000 hommes de Marcel Ntsourou, chef des Renseignements militaires (DCRM). Il stigmatise la donne selon laquelle aucun corps de l’armée du Congo n’a un effectif supérieur à 2.500 éléments. La DCRM qui n’a juste que quelques bureaux se fonde sur un effectif civil, d’où cet écrasant effectif. Parmi ces nombreuses recrues civiles, il y a Sita Bantsiri qui avait conduit dans le Pool au moment des faits une opération dénommée « Bravo Oscar ». Cette unité avait pour mission de répertorier toutes les personnes supposées être Ninjas. Il remarque que la plupart des disparus du Beach sont des personnes qui vivaient à Bacongo, entre la « Case De Gaule » et l’avenue Fulbert Youlou, périmètre bien connu de Sita Bantsiri, grand physionomiste, d’ou son surnom d ‘ « Epervier ».

Du 8 au 10 janvier 1999, une délégation du ministère de la santé du Congo, infiltrée par les agents de la DCRM (MM. Obouo et Moussabaou), a visité les camps qui abritaient les réfugiés congolais en R.D. Congo. Alors qu’en matière de droit international, il est interdit d’insérer des militaires dans une action humanitaire. C’est la perfidie, déclare Me Nkouka. A partir de Kinshasa, les réfugiés étaient conduits au Congo par des agents de la DCRM qui leur exigeaient de remplir des fiches de renseignements en se passant pour des fonctionnaires du ministère de la santé.

Les actes matériels :

Les stratégies mises en place par la DCRM étaient financées par l’état major de l’armée nationale. Car il revenait à l’armée d’exploiter les informations des services de renseignements militaires. Me Nkouka affirme que le ministre de la santé, Léon Opimba, était bien au courant de ce qui se tramait contre les réfugiés. L’appel du 31 décembre 1999 du président de la République a été donc contre-ordonné par M. Ntsourou en vue de mettre à exécution son plan macabre, avec la complicité de M. Alakoua.

Le remplissage des fiches de renseignements, les tris des réfugiés et leurs enregistrements sont pour Me Nkouka, les preuves de l’exécution d’un plan savamment orchestré. Il ajoute que l’éparpillement des lieux de détention (gendarmerie, commissariats de police, DCRM, DRMZAB, et GR) n’était que dans le dessein de voiler ces faits. Il affirme qu’aucun réfugié gardé dans les geôles de la DCRM n’en est sorti vivant. L’avocat de la partie civile ajoute que la législation interdit la détention d’un civil dans une prison militaire. Quant au Sergent Normal, ce n’est que par reconnaissance à M. Ntsourou que son témoignage a été tronqué. Car à sa sortie des prison de la DCRM, le vieux commerçant a été logé par le patron des Renseignements militaires.

Me Nkouka ajoute à l’intention du juge que si pendant ce procès tous les témoins dans cette affaire étaient auditionnés, la cour serait encore plus édifiée. Mais hélas, cela ne fut fait, conclut t-il.

Blaise Adoua, enchaîne Me Nkouka, sans être condamné, a rendu beaucoup de services aux parents des disparus. Car de temps en temps, à son retour des champs de bataille, il donnait l’ordre de libération de certains détenus dont il avait reçu des parents par personne interposée. Cependant le patron de la garde présidentielle de l’époque se rendait compte qu’à chacune de ses descentes du front, les geôles de son département se vidaient de leurs prisonniers. Il a aussi souligné les responsabilités de M. Mbouassa, qui était l’officier instructeur de la garde républicaine et conduisait des jugements et exécutions extra-judiciaires.

Me Nkouka n’a pas raté de fustiger une certaine presse et les médias nationaux qui tout au long du procès qualifiaient les parties civiles d’avoir des avocats sans éloquence et présentant un dossier vide. Alors que les preuves, Me Nkouka affirme en avoir à foison. Par exemple l’existence des charniers au bord du fleuve Congo. Il continue sa diatribe en ajoutant que les geôles dans lesquelles les réfugiés attrapés au Beach étaient placés étaient des camps de concentration, car surpeuplées.

Les responsabilités de la police sont évidentes dans ces disparitions. Quand, suite aux rumeurs de disparition des réfugiés à leur arrivée, le HCR s’occupe lui-même du transport et de la sécurité des rapatriés du Beach jusqu’au centre d’éclatement (Centre sportif de Makélékélé), l’armée change de stratégies. Par les services spéciaux de la police, elle procède donc à des enlèvements ciblés des rapatriés en leur domicile.

Il continue en expliquant que les rapports établis par Norbert Dabira, en tant qu’inspecteur des armées, avaient touché du doigt la vérité des faits. D’où sa mention top-secret.

L’avocat s’est demandé à quel titre M. Sita Bantsiri avait fait un communiqué radiodiffusé invitant les réfugiés à rejoindre Brazzaville, si ce n’était pour les pousser dans un guet-apens au Beach.

En vertu de quoi Vital Bakana a été nommée commissaire de police au Pont du Djoué alors qu’il n’a aucune formation policière et judiciaire ? Certainement pour être récompensé des services rendus. Si non, c’est à Jean François Ndénguet de donner des éléments de réponse.

Il a achevé sa plaidoirie en indiquant qu’un web, une véritable toile d’araignée à sept têtes a été tissée par des accusés dont il vient de citer les noms pour retenir entre ses mailles les réfugiés. Et de conclure : « les rescapés des geôles se constituent aussi parties civiles. Cela a été établi dans les conclusions rejetées que des avocats des parties civiles avait proposées à la cour. Ils demandent un dédommagement. »

Le président de la cour suspend la séance pour 30 minutes.


Samuel Keila, Brazza 9 août 2005

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