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Regard de Bonaventure Mbaya sur la première année du septennat de Denis Sasou-N’Guesso

Bonaventure Mbaya : La Nouvelle Espérance est encore au niveau des balbutiements. Cette nouvelle espérance a tendance d’être traduite sous la forme d’un slogan qui meuble les discours des dignitaires. Nous avons affaire à un pouvoir qui ne veut pas du débat.

Professeur à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville, ancien secrétaire général de l’UDR- Mwinda, ancien ministre du gouvernement du président Pascal Lissouba, membre du bureau de la CODESA, Bonaventure Mbaya donne ici son point de vue sur la première année de l’exécution de La Nouvelle Espérance, le plan d’action du gouvernement du président Denis Sassou-N’Guesso

Une année après la mise en place des institutions issues de la constitution du 20 janvier 2002, quelle appréciation faites-vous de la vie politique, économique, et sociale du Congo ?

Cette question est très vaste. Il s’agit en quelque mots que je vous parle de La Nouvelle Espérance, le programme de société du président Denis Sassou-N’Guesso. Car, en réalité, parler des institutions mises en place après l’adoption de la nouvelle constitution de 2002, parler du bilan de la première année du septennat du Chef de l’Etat, c’est parler de son plan d’action. Tout le monde sait dans ce pays que le Président de la République a été élu la sur base d’un projet qu’on nous a présenté comme étant le projet de La Nouvelle Espérance avec un certain nombre de points saillants, de promesses particulières qui ont été faites au pays tout entier et pour lesquelles l’ensemble des populations congolaises étaient toute oreille, toute ouie en train d’attendre, de voir ce qui devrait se passer. Il y a déjà un an d’écoulé. Je pense que certains diraient que c’est trop tôt pour tirer un bilan. Mais moi je dirai qu’un an c’est déjà suffisant pou donner une indication en ce sens que nous avons vu fonctionner le gouvernement, nous avons vu fonctionner le régime présidentiel tel que la constitution du 20 janvier2002 l’a prévu.
Nous avons également vu fonctionner les relations du gouvernement, de l’état avec les citoyens. Il y a beaucoup à dire. La Nouvelle Espérance prévoyait un nouvel état d’esprit de l’homme congolais. La Nouvelle Espérance prévoyait également un certain nombre de réalisations. Pour le moment, La Nouvelle Espérance est encore au niveau des balbutiements. On a même l’impression quelque fois que cette nouvelle espérance a tendance à être traduite sous la forme de slogan qui meuble les discours de la plupart des dignitaires du gouvernement Sassou III. Donc de ce point de vue, pour moi, une année de La Nouvelle Espérance, c’est une année d’observation mais qui ressemble aussi à une année de perdu. Il y a deux jours, nous avons vu le Président de la République participer à une cérémonie de remise de la station hertzienne moyenne fréquence de la radio au Djoué. Nous l’avons vu aussi aller poser la première pierre pour l’adduction d’eau dans les quartiers nord de Brazzaville. Nous l’avons entendu parler des choses qui vont démarrer incessamment. Pour le moment, il s’agit plus de la confirmation des promesses électorales.

« On aurait du revoir les salaires des fonctionnaires à la hausse »

Je crois aussi qu’il y a un volet important de La Nouvelle Espérance dont aurait dû voir un début d’exécution. C’est entre autres le problème de salaire. Les salaires bien qu’étant plus ou moins réguliers dans leur paiement, restent encore en dessous du pouvoir d’achat des Congolais. Le Congo gagne suffisamment de l’argent. Les revenus pétroliers sont importants. Je pense qu’on aurait du revoir les salaires des fonctionnaires à la hausse. Je pense aussi que les pensions de retraite et les bourses des étudiants auraient dû être payées de façon beaucoup plus régulière. Ceci crée des frustrations et des mécontentements.

Nous qui vivons avec les Congolais, à la cité et dans la rue, nous savons ce que vaut aujourd’hui le panier de la ménagère. Donc, La Nouvelle Espérance n’a pas encore montré, pour le moment, son bout du nez.

La trêve sociale est un chèque en blanc qui est donné au pouvoir

« Il y a aussi un autre volet non négligeable à voir, c’est l’importance des partenaires sociaux comme acteurs de la vie économique nationale. Le gouvernement vient de signer une nouvelle trêve sociale avec les syndicats. Qu’est-ce que cela signifié ? Est-ce que ça signifie que pendant quatre ans les syndicats n’auront plus le droit de faire des revendications ? C’est un chèque en blanc qui est donné au pouvoir qui peut se permettre de mener la politique qu’il voudrait, sans que les partenaires sociaux n’aient rien à redire.

C’est autant de questions qui sont pour nous, membre de l’opposition, membre de la CODESA (Convention pour la Démocratie et le Salut) des repères qui voudraient montrer qu’en réalité nous avons affaire à un pouvoir qui ne veut pas du débat. Le débat social, on ne veut pas le faire. Le débat politique, n’en parlons pas. L’opposition n’est pas écoutée même si elle est représentée au parlement. Les points de vue de quelques membres de l’opposition qui y siègent ne sont pas toujours pris en considération. Nous sommes en présence d’un pouvoir qui fonctionne en solitaire. Ce qui fait subir aux Congolais tout ce que nous connaissons. La Nouvelle Espérance va t-elle correspondre à des mutations en profondeur avec des réformes de fond ? Tout cela n’est pas bien formalisé.

Nous savons que le Président de la République veut construire des routes. Nous savons qu’il veut assainir l’économie et réaliser un certain nombre de travaux. Ce sont les douze travaux de Hercule. Je ne sais si ce n’est pas un rêve de plus pour les Congolais qui attendent depuis si longtemps.

« Ntumi sortira-t-il de la forêt ou ne sortira t-il pas ? »

Mais il y aussi l’aspect qui concerne les rapports politiques. Un pays démocratique, c’est d’abord des rapports politiques apaisés entre ceux qui sont au pouvoir et les responsables de l’opposition. Il y a dans ce pays un processus de réconciliation nationale qui a démarré par un dialogue qu’on a voulu sans exclusive, mais qui en fin de compte n’a pas été sans exclusive. Ce dialogue n’a pas été sans exclusive parce que les protagonistes de la crise congolaise n’y ont pas tous participé. Aujourd’hui, nous avons le phénomène Ntumi qui persiste. Ntumi sortira-t-il de la forêt ou ne sortira t-il pas ?

Il bloque toute une région, le Pool dont les populations ne cherchent en réalité qu’à vivre en paix. Elles ne cherchent qu’à travailler. Est-ce que les pouvoirs publics veulent s’engager dans une réelle réconciliation nationale où dans une restauration de confiance entre les Congolais pour pouvoir envisager ensemble l’avenir de notre pays ?

Je pense qu’il n’y a pas des hommes politiques congolais qui contestent aujourd’hui le pouvoir du président Sassou. Je crois que les résultats des élections -si contestables soient-ils du fait de la manière dont elles ont été organisées- ont été acceptés Aujourd’hui, il y a quand même un pouvoir de fait qui est là. C’est pourquoi on ne peut pas toujours reculer en disant que si le pays ne marche pas c’est parce qu’on a hérité d’une situation catastrophique.

Ça va faire bientôt six ans que le président Sassou est au pouvoir : cinq ans de transition, une année déjà du septennat du mandat de La Nouvelle Espérance. Et nous avons déjà attaqué la deuxième année de son mandat. Ça fera bientôt sept ans que le président Lissouba n’est plus au pouvoir avec ses hommes. Ça va faire sept ans que le pouvoir est entre les mains du président Sassou. Et ça fait sept ans que le Congo n’a connu que de l’insécurité, des guerres civiles à répétions et des déplacements des populations. Donc ça va faire sept ans que les Congolais vivent dans la misère. Sept ans de stagnation. Et on parle de La Nouvelle Espérance. C’est bien entendu un mot qui sonne fort, qui sonne positif. Mais est-ce que le système politique tel qu’il fonctionne aujourd’hui est capable d’offrir cette nouvelle espérance au peuple ?

Le FMI et la Banque Mondiale font pression sur le Congo pour qu’il mette de l’ordre dans la gestion des finances publiques. Qu’en dites-vous ?

Au fait, ce n’est pas une nouveauté. Nous mêmes, au temps du président Pascal Lissouba, avions eu affaire avec la Banque Mondiale et le FMI. Sous le président Lissouba, le Congo a même conclu des accords et renoué avec ces institutions financières. Un programme d’ajustement structurel était déjà en cours. Le Congo était sur le point de bénéficier de certaines facilités financières. Car la confiance avait été restaurée à l’époque entre les institutions de Breton Wood et le Congo. Mais tous ces efforts ont été balayés par l’insécurité et les guerres récurrentes que le pays a connues.

C’est du devoir des autorités actuelles de renouer le contrat avec les institutions financières internationales. De ce point de vue, je pense qu’il est primordial que la gestion des ressources financières de la Société Nationale des Pétroles du Congo, SNPC, puisse être mieux opaque et plus transparente. D’autant plus que la SNPC gère le pétrole qui est la ressource fondamentale du Congo. La gestion transparente des revenus de la SNPC permettra au FMI et à la Banque Mondiale de voir clair dans la manière dont le pétrole congolais est géré.

Le Congo est un petit pays d’environ trois millions d’habitants. Trois millions d’habitants assis sur des ressources du sous-sol qui sont inestimables, notamment le pétrole. Trois millions d’habitants qui n’arrivent pas à vivre heureux à partir de la richesse que la nature les gratifiée. Ce constat est un casse-tête pour les spécialistes politiques de notre pays. Ceci nous permet de penser que La Nouvelle Espérance risque d’être un nouveau rêve de plus.

A mon avis, le premier bilan de La Nouvelle Espérance est un bilan mitigé. En effet, au plan de la paix, on entend tous les jours les rumeurs de coup d’Etat. Hier encore (le 13 août 2003), on a entendu le Club 2002 fustigé certains dignitaires du pouvoir. Le Club 2002 a même demandé au Président de la République de se séparer d’un certain nombre de responsables ou même de les arrêter. On a entendu des choses terribles au meeting du Club 2002. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que le système politique qui nous dirige est déjà fissuré par des dissensions internes ? Cette question mérite d’être posée. Cela veut dire que le Président de la République veut s’engager vers les réformes réelles et qu’il est bloqué par ses partenaires ?

« Les vainqueurs de la guerre de 1997 ne doivent pas imaginer qu’ils pourraient s’en sortir tous seuls »

Les Congolais attendent de voir les résultats de La Nouvelle Espérance. Le Chef de l’Etat n’a pas encore prononcé son discours sur l’état de la nation. Mais à mon avis, ça devrait être un message d’espoir, un message d’une réconciliation véritable qui impliquerait le président Yhombi, le président Lissouba et le Premier ministre Kolélas afin que le Congo redémarre réellement. Tels qu’ils sont en train de diriger le pays, les vainqueurs de la guerre de 1997 ne doivent pas imaginer qu’ils pourraient s’en sortir tous seuls dans le redressement de l’économie de notre pays. Il faut l’adhésion des filles et des fils du Congo. Et il n’est pas question de laisser certains compatriotes sur le bord de la route pour des raisons que je qualifierai de subjectives, d’incompatibilité d’humeur et de conflit des personnes

Propos recueillis par Jean-René Kule Kongba, pour la collecte, agence d’informations et d’enquete .

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