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Retour sur l’émission d’ARTE : les causes de la pauvreté au Congo

Après le documentaire diffusé ce 19 octobre 2010 sur ARTE, désormais les brutes et les méchants au Congo ont un visage. A vrai dire il ne s’agit pas du tout d’un scoop de voir dissimulés derrière le masque de brute, des personnages comme Sassou, Bouya, Gilbert Ondongo. Il est de notoriété publique que le Président congolais, revenu au pouvoir par un violent et long coup d’état, est un homme qui confond Trésor public et bien privé. Il les confond au point de pousser les services de police française de s’intéresser aux biens meubles et immeubles estimés à plus de 20 millions d’euros qu’il possède à Paris et sur la Côte d’Azur. "Ce n’est pas grâce à un dur labeur qu’il a pu s’acquérir un tel patrimoine" ont constaté ONG et avocats des Droit de l’Homme.

La confusion biens de l’Etat et biens personnels est si intime que les journalistes d’ARTE chargés de l’enquête ont fini par donner raison à ceux qui accusent Sassou d’avoir une gestion clanique des revenus pétroliers congolais. Ceux-ci sont estimés à près de 4 milliards de dollars : une somme dont 99 % de Congolais ne voient pas la couleur. Pire, ce pétrole qui enrichit scandaleusement le clan au pouvoir est devenu, à la longue, un danger mortel pour la population : pollution de l’air et de la nappe phréatique dans la région du Kouilou. "Le pétrole porte malheur au Congolais. Il génère des guerres et personne ne sait où part l’argent qu’il rapporte" dit en substance Clément Mierassa. Certes ce n’est pas non plus un scoop qu’un membre de l’opposition fasse le lien entre production pétrolière et misère économique. On attendait plus de finesse d’analyse dans la bouche d’un opposant au régime de Sassou comme l’a fait, rive gauche, l’économiste Rdécéen, Victor Nzuzi, en renvoyant le FMI et la Banque Mondiale à leur véritable rôle : maintenir les pays pauvres dans la pauvreté.

Cercle vicieux

Résumons-nous : tout prêteur ne vit qu’aux dépens de celui qui emprunte. Le cynisme du système tient au fait que le prêt est un trafic d’infuence puisqu’il oblige le futur débiteur à emprunter malgré lui. Malheureusement, l’argent de l’aide n’aide que ceux qui l’octroient. Une fois cet argent prêté, les prêteurs s’emploient à le réclamer en sachant que les créanciers sont, de toute façon, dans l’impossibilité de s’acquitter de leurs dettes. Vous parlez d’un cercle vicieux ! C’est à ce moment-là que les prêteurs vendent ces dettes à des "chasseurs de primes" (les Fonds Vautour) qui assignent les créanciers en justice. C’est rare que les Fonds Vautour n’aient pas gain de cause devant les Tribunaux. Le Congo de Sassou l’a appris à ses dépens. Le prétendu économiste Gilbert Ondongo (on en pleurerait) se plaint de la pugnacité desdits chasseurs de dettes : "Mon prédécesseur s’est fait épingler par la police à New York alors qu’il se rendait à une session des Nations-Unies" raconte sous forme d’anecdote le sieur Ondongo. Et de fustiger les Fonds Vautour qui tiennent à la gorge les Etats endettés en multipliant par trois leur dette, sans compter les intérêts. C’est ce que la deuxième partie de l’émission d’ARTE a appelé "le salaire de la dette". On pourrait en effet verser une larme pour ces pauvres Etats comme le Congo, criblés de dette et asphyxiés par les méchants recouvreurs nommés Fonds Vautour. Pas si vite.

"Paradoxalement, c’est grâce à ces Fonds Vautour qu’on a découvert les mécanismes d’enrichissement des dictateurs comme Bongo, Sassou et Obiang Nguéma" analyse la juge Eva Joly. Vous l’avez compris, les exemples d’enrichissement personnel d’une minorité politique africaine s’illustrent par le phénomène délictueux des Biens mal acquis.

Le reportage d’ARTE nous apprend, au passage, qu’Antoinette Sassou, l’épouse du tyran congolais possède à Paris une maison de 9 pièces estimée à 2,3millions d’euros, que le fils d’Obiang (idem pour le rejeton Sassou, Willy) compte dans son parc automobile huit Ferrari coûtant 4 millions d’euros, que Bongo possède 22 millions d’euros de biens mal acquis en France ; un Bongo qui a la particularité d’être aussi cruel que puissant.

Françafrique

Si riches et si pauvres ! Le cas des pays africains est un non sens économique.

C’est ici que le bât blesse. En effet, pour les anciennes colonies françaises dont le Congo-Brazzaville fait partie, on s’est demandé pourquoi les Etats, aujourd’hui indépendants depuis cinquante ans, vivent-ils une situation pire que celle des années soixante ? Une thèse qui est vraie établit le lien entre l’incroyable état de délabrement économique de ces pays et une nébuleuse nommée "Françafrique". Le parrain de cette mafia postcoloniale, un certain Jacques Foccart, postula d’entrée de jeu, dès 1960, qu’un réseau d’agents politiques était indispensable pour prendre le relais de la colonisation. Pourquoi ? Parce que, après l’indépendance de l’Algérie, la question pétrolière se posait à la France. Echaudé par les événements d’Algérie, Foccart conçut un plan B alors que de Gaulle est en train d’octroyer l’indépendance aux pays africains au Sud du Sahara. Ce plan, le voici : trouver des hommes de main à la "peau noire et aux masques blancs" afin d’étouffer les tensions politiques dans les nouveaux Etats indépendants alors que la filiale ELF pompera les gisements pétroliers dont le golfe de Guinée regorge. Au Gabon, Bernard Bongo fut l’un de ces hommes de paille. Suivront, au Congo, Yombi et Sassou après la tragique erreur de Ngouabi qui voulut, au sujet de l’or noir, faire la nique au réseau Foccart en s’adressant aux Algériens. Sassou puis Lissouba puis encore Sassou : au Congo, la françafrique démet à sa guise les hommes à tout faire qu’il met à la tête des néo-colonies. A force de services rendus, Bongo se rend indispensable, voire incontournable dans le réseau françafricain. Puissant, on a vu, il l’était. Rancunier aussi. Lorsqu’éclate l’affaire des Biens mal acquis, Bongo pique une colère noire contre le tout nouvel élu Nicolas Sarkozy. Le bougre ne comprend pas qu’on fasse tant de boucan pour des bricoles qu’il possède en France. Sassou, pour sa part, parle de racisme quand on se penche sur ses biens de l’avenue Rapp et du Vézinet. Teigneux, Omar Bernard Bongo obtient la tête du ministre français de la coopération, Jean-Marie Bocquel, qui préconise (l’inconscient !) signer l’acte de décès de la Françafrique.

Bruno Ossébi

Sassou, le beau-fils de Bongo signe, en revanche, l’acte de décès de Bruno Ossébi en brûlant vif celui qu’il appelle le "journaliste franco-congolais". Benjamin Ntougamani, un autre opposant au régime qui veut se constituer partie civile dans la plainte des Biens mal acquis, échappe de peu à une mort certaine dans l’incendie de sa maison près d’Orléans, à plus de sept milles kilomètres de la maison de Bruno Ossébi, à Talangaï. Drôle de coïncidence ! Au même moment, Daniel Péna, banquier congolais, périt également dans l’incendie de sa maison toujours à Talangaï. Le visage dur, Sassou écarte d’un revers de la main la thèse de l’assassinat en expliquant au journaliste d’ARTE qu’il s’agit d’un accident lié à un court circuit. La technique est classique : pour maquiller un assassinat en accident, on commet un crime de même nature pour faire croire à une loi de série. Donc, selon la thèse officielle, Péna et Ossébi sont décédés parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

Et ce gros tas de graisse, Jean-Jacques Bouya, directeur des grands travaux, de présenter à la presse le barrage d’Imboulou, censé fournir de l’électricité au Congo. Face à la presse venue enquêter sur les détournements de l’argent public et la corruption dont on accuse le gouvernement congolais, Imboulou, est le seul atout que possède le grand bâtisseur infatigable (entendez Sassou) dans sa gibecière, cela, en dépit des milliards génèrés par le bois, le pétrole, et les autres minéraux extraits de notre sous-sol. Une honte. "Le ciel ne tombera pas " disent, en ricanant, les membres du clan Nguesso à leurs détracteurs. Traduction : "le sentiment de honte nous est étranger."

Timidité

Les questions des journalistes d’une complaisante suspecte ne s’attardent pas sur l’inopérationnalité du fameux barrage hydroélectrique sino-congolais qui n’a, du reste, jamais fourni d’électricité, à l’image de son grand-frère, Inga, qualifié d’Eléphant blanc par les critiques.
Cette timidité de journaliste (on entend d’ailleurs à peine leurs questions) laisse un goût amer à ceux qui voulaient voire et comprendre le comportement des brutes et des méchants qui dirigent de main de fer le Congo depuis trente ans.

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