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Sassou Nguesso répond aux questions de Boniface Vignon (RFI) sur la gestion des ressources du pétrole

Sassou Nguesso a répondu dimanche sur les antennes de Radio France Internationale aux questions du journaliste Boniface Vignon. Voici le texte intégral de cette interview.

Boniface Vignon. Depuis quelques jours l’or noir congolais est au cœur d’un débat. Le pays est le troisième producteur dans le Golfe de Guinée. Or, ce pétrole est considéré comme un don et, en même temps, comme une malédiction pour votre pays. Alors, sur 100 F CFA, par exemple, que rapporte un baril, combien revient effectivement à l’Etat congolais ?

Denis Sassou Nguesso. Pour répondre directement à votre question, on peut estimer que sur 100 F CFA, le Congo gagne 30 F CFA.

BV. Selon vous, 30 F CFA est ce suffisant pour conduire une politique de reconstruction ?

DSN. 30 F CFA c’est le produit des accords que nous avons avec les compagnies pétrolières. Mais nous n’avons jamais dit que les ressources pétrolières constituent le fondement de la reconstruction de notre pays. Le Congo a d’autres ressources : il a des terres riches pour l’agriculture, d’immenses réserves forestières, des minerais, etc.

BV. Comment se fait-il que depuis l’indépendance le Congo n’ait pas su décoller sur le plan économique ?

DSN. Il y a eu, il faut le dire, quelques erreurs dans les choix économiques. Ces choix ne nous ont pas permis d’obtenir des performances, mais nous avons toujours fait notre autocritique sur ces questions et proposé des corrections. Donc, aujourd’hui, nous n’avons pas de raisons de penser que l’horizon est bouché.

BV. Vous disiez que sur à peu près 100 F CFA, il y a 30 F CFA qui reviennent à l’Etat congolais. Que faites-vous de ces 30 F CFA et comment sont ils gérés ?

DSN. Tous les ans, je l’affirme, ces 30 F CFA sont présentés au Parlement. Depuis janvier de l’année 2000 nous payons régulièrement les salaires des fonctionnaires grâce à une partie des revenus pétroliers. C’est grâce à ces mêmes revenus que la diplomatie congolaise est présente dans le concert des nations, que les secteurs vitaux de la vie nationale fonctionnent en dépit de quelques insuffisances. Je peux citer pêle-mêle l’éducation nationale, la santé, les travaux publics. Vous savez bien que Brazzaville, au sortir de la guerre de 1997, était détruite ! Brazzaville n’avait ni eau, ni électricité, ni écoles, ni hôpitaux, ni magasins, ni marchés, ni banques, ni administrations. C’est grâce aux revenus pétroliers que nous avons réussi à reconstruire la ville. Et cela alors qu’au cours de ces cinq années nous n’avons bénéficié d’aucune aide extérieure.

BV. Le pétrole a fait l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale. On a été très surpris que le Parlement, que votre parti contrôle, ne vous ait pas suivi dans le choix du gouvernement sur la question des contrats pétroliers.

DSN. Ah bon ! Dès que nous ouvrons le débat tout le monde est surpris. L’opposition et la majorité ont voté contre une orientation proposée par le gouvernement. Je crois que c’est la preuve de la bonne santé de la démocratie dans notre pays. Et l’on ne parlera plus de l’opacité dans la gestion du pétrole au Congo !

BV. Qu’est ce qui ne vous satisfait plus aujourd’hui dans les contrats que le Congo a signés avec Total-Fina-Elf ?

DSN. Un certain nombre d’accords ont été passés qui ont défavorisé le Congo. Nous demandons à nos partenaires d’apporter des corrections pour rétablir le Congo dans ses droits. Nous ne prenons rien aux sociétés. Nous respectons les accords, mais si nos droits sont lésés quelque part nous le faisons remarquer et nous demandons réparation.

BV. Quels sont vos droits qui sont lésés ?

DSN. Lorsque nous sommes passés des contrats de concession aux contrats de partage de production il a été constaté un manque à gagner pour le Congo d’un peu plus de 300 millions de dollars. Je vous donne un autre exemple : sous le régime du président Lissouba les 25% de participations de l’Etat dans Elf Congo ont été bradés au prix de 25 milliards de F CFA. C’est comme si quelqu’un qui avait 100 milliards de F CFA pouvait acheter Elf Congo en son entier. C’est tellement grossier qu’on pourrait le corriger ! On peut se poser aussi la question de savoir comment le développement du gisement de Nkossa, qui était initialement prévu à 1 milliard de dollars, est passé à 2 milliards de dollars. Cela n’intrigue personne ! Nous constatons seulement que les discussions autour de cette question tirent en longueur. Cela fait déjà cinq ans que nous parlons d’un même sujet. Nous pensons qu’il est temps de conclure.

BV. La société civile, et plus particulièrement l’épiscopat , vous ont interpellé en vous adressant une lettre. Vous n’avez pas jugé utile de prendre en compte leurs propositions, pourtant pertinentes, pour une meilleure gestion des revenus de ce pétrole. Une explication ?

DSN. Tout se passe comme si l’on oubliait que l’ancien régime a bradé les ressources pétrolières avec la complicité de l’épiscopat ; complicité dans le sens où ces personnalités sont restées muettes comme des carpes lors de ce bradage. Il nous arrive de penser que ces personnalités religieuses font de la provocation. Elles veulent désormais s’occuper des questions politiques. Si c’est le cas, qu’elles le disent clairement au lieu de chercher à mettre de l’huile sur le feu. Mais, généralement, elles ne répondent pas des conséquences que cela comporte.

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