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Qu’il dégage !

Avec le sens du scoop qu’on lui connaît, sur arrière-fond de secret de Polichinelle, le Journal d’Antoine Glaser, La Lettre du Continent n°613 a tenu ses lecteurs en haleine au sujet des luttes intestines qui auraient, dit-on, actuellement cours au PCT (Parti Congolais du Travail, bloc monolithique fondé en 1969 par Ernest Ndalla Graille).

Selon donc La Lettre du Continent, il se passerait dans la basse-cour du Parti des luttes de pouvoir dont Sassou se serait bien passé puisque ces luttes sont liées au contrôle de cette formation. En clair, l’enjeu porte sur l’après-Sassou, homme politique qui vient d’entamer son déclin crépusculaire.

Les tribalistes, ces réactionnaires...

Tous ceux qui ont soutenu (alors qu’on les a accusés d’aigris, de jaloux, de tribalistes et surtout de réactionnaires) que Sassou était le premier des tribalistes, peuvent se rassurer et ravaler leur remords. L’article de La Lettre vient d’apporter l’eau au moulin. Glaser n’y va pas de main morte quand il s’agit de manier des notions « tribalisantes » comme « mbochi, téké, lari, likouala etc. ». En d’autres temps on lui aurait jeté l’anathème, car ces notions « politiquement incorrectes  » militaient contre la sacro-sainte « unité nationale  », un dogme que brandissaient les idéologues-maison pour décourager toute velléité contestataire.

C’est tout naturellement que désormais Antoine Glaser lâche des propos du genre : « Sassou est débordé par les luttes de positionnement entre les courants ethno-régionaux » sans que cela n’émeuve les coeurs sensibles.
Ce ne sont donc pas des courants idéologiques qui se battent mais des "tribus-classe". On apprend qu’il y aurait un bras de fer entre Isidore Mvouba, lari-sundi du Pool, Michel Ngakala (mbochi de la Cuvette) et Henri Ndjombo, Moundjombo de la Likouala. Lékoundzou, conservateur mbochi aurait été mis hors course grâce à un puissant poison administré suivant le mode de l’assiette roumaine.

Seulement, voilà : tout cela c’est "beaucoup de bruit pour rien" puisque, de toute façon, Sassou, mbochi, a déjà jeté son dévolu sur Rodophe Adada, mbochi comme lui (on verra plus bas que c’est faux). En tout cas, c’est moins pour ses compétences que pour son appartenance ethnique que Sassou a désigné Rodolphe Adada. Avis à ceux qui osaient encore douter que Sassou, père de l’unité nationale, n’aurait jamais osé jouer la carte de la préférence ethnique.

Le pouvoir congolais, un cimetière mbochi

Incroyable comme le champ politique congolais est un vaste lieu de circulation du sujet mbochi ! Les invidus de cette ethnie (depuis Ngouabi) semblent y naître, y vivre, y voler, et y mourir.

Pour preuve (nous apprend A. Glaser) un autre Mbochi, juriste de son état, Emmanuel Yoka, cousin de Sassou, y met son grain de tribalisme avec une once d’ouverture en parrainant Charles Zacharie Bowao, sujet de la Likouala, c’est-à-dire nordiste, et, cerise, sur le gâteau, philosophe de son état. « Philosophie de la misère ou misère de la philosophie ? » ironisait en son temps, Marx.

La mainmise mbochi ne s’arrête pas là. Se tenant en embuscade pour sauter sur la proie, il y a Dominique Okémba (mbochi et neveu de Sassou). Ce parent, bien que ne disposant d’aucune base, a toutes ses chances de succéder au roi mbochi, car argument-marteau, Dominique Okémba dispose d’un atout majeur dans son jeu : il est d’Oyo, c’est-à-dire du même groupe ethnique que le chef suprême.

Exception qui confirme la règle

Chose étonnante, il y aurait des non-Mbochi qui « intriguent » pour s’emparer, eux-aussi, de l’appareil. Il s’agit d’Isidore Mvouba (sundi-lari du Pool), Okombi Salissa (Téké), Bongou Camille (pourtant Mbochi), Sylvestre Ossiala (Téké Ngangoulou).
Exception confirmant la règle, Mvouba Isidore est un lari « pas comme les autres ». Le bougre a réalisé l’exploit de changer de groupe ethnique. Mvouba est devenu mbochi. Comme tout néo-mbochi, il possède des biens immobiliers à Oyo où il se sent comme un poisson dans l’eau. Bien entendu son immersion ethnique en société mbochi fait doucement rire ses nouveaux compatriotes d’Oyo-Edou-Penda. C’est même pour cette incongruité ethnologique qu’on ne lui laissera pas la chance de succéder à Sassou malgré ses galons de secrétaire général du PCT gagnés à la mort de Noumazalaye, autre éternel second couteau du régime. Mvouba oublie qu’on ne devient pas mbochi. On naît mbochi, on est mbochi ou on ne l’est pas pas. Mvouba est l’exception qui confirme la règle qui veut qu’on ne peut succéder au mortel Sassou que lorsqu’on a du sang mbochi dans ses veines.

Exemple togolais

Le tribalisme de Sassou est doublé d’un népotisme qui laisse cependant peu de chances aux barons mbochi, Michel Ngakala, Rodolphe Adada, Emmanuel Yoka et, encore moins aux alliés Téké ou Lari de premier ordre (Okombi Salissa, Isidore Mvouba) puisque, depuis les exemples rdécéens, togolais, gabonais, ce sont les enfants qui remplacent les pères quand ils meurent.

En effet, dans le cas congolais, les neveux, les enfants (filles et garçons) n’ont pas dit leur dernier mot. Il s’agit de : Edgar Nguesso, Willfried Nguesso, Serge Blanchard Oba (cousin). Ces consanguins ont créé des partis satellites aux noms démagogiques : Agir pour le Congo – (AEC) ; Mouvement pour la solidarité et le Développement (MSD) ; Club-2002-Parti pour l’Unité et la République. Ils attendent tranquillement le départ de Papa pour hériter.

C’est quoi le PCT ?

Il est temps de lever une équivoque. Créé en 1969 par l’idéologue Claude Ernest Ndalla, le PCT, en suivant la logique de Glaser, est une propriété kongo/lari. Marien Ngouabi, un nordiste kouyou, fit la bêtise de croire que le poste de Secrétaire Général du Parti était moins important que celui de Président de la République. On lui fit comprendre que Ndalla Graille, secrétaire du parti, avait plus de pouvoir que lui puisque selon le théorème des partis de masse à la sauce soviétique : « le parti dirige l’Etat  ». Emu, Ngouabi remit les choses en ordre. Un congrès extraordinaire plus tard, on révisa les statuts et on s’arrogea les grades du secrétaire général et de chef de l’Etat. A partir de ce coup d’état, le PCT devint une affaire de mbochi. Parti unique, il prit le parti de contrôler tout le territoire de la République avec l’esprit totalitaire typique des formations politiques des pays du Pacte de Varsovie. Quand Marien Ngouabi meurt en 1977, la deuxième personnalité du Parti, Tchystère Tchicaya est supposé prendre la place du défunt. C’était mal connaître les desseins des assassins de Marien Ngouabi. « C’est en catastrophe qu’ils avaient dû inventer de toutes pièces un monstre juridique et politique appelé « Comité militaire du parti » lequel permit à Yhombi et à Sassou de garder le pouvoir dans le giron régional de la Cuvette. » (Mwinda – 12 juin 2011)

En vérité, le PCT n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais le plus grand parti du Congo en dépit des apparences. En 1992, après la Conférence de la Baule, cette illusion de grandeur vola en éclats. Le PCT fut réduit à sa plus petite expression avec l’avènement du multipartisme. Le MCDDI de Bernard Kolélas, l’UPADS de Lissouba rétablirent la vérité socio-ethnique du Congo quant à la structuration politique du territoire. Aux élections démocratiques (les seules jamais organisées au Congo depuis 1960), le PCT (premier parti marxiste d’Afrique selon ses agents de propagande) mordit la poussière. Il ne récolta que 17 %.

La suite, chacun la connaît. En 1997, Sassou fit son coup d’Etat. Le dictateur ramena la structuration politique du Congo à la situation antérieure à 1990. Le monopartisme revint en force et, le PCT usurpa de nouveau la première place après avoir procédé à un nettoyage au karcher du territoire.

Aussi quand Antoine Glaser écrit son papier sur les intrigues au PCT, c’est sans doute pour faire du remplissage ou par méconnaissance de l’histoire politique du Congo. On n’a pas besoin de sortir de Science-Po pour comprendre que ce ne sont pas les statuts du PCT qui vont dégager (au sens de dessiner) le futur Président du Congo. Syndrome gabonais oblige, le fils de Sassou succédera à Sassou, qu’il (ce fils) soit membre ou non du PCT. D’ailleurs cet héritier naturel n’a pas besoin d’en être membre.

Le hic

Car il y a un hic. Le printemps arabe (à en croire Hilary Clinton) va bientôt atteindre l’Afrique au Sud du Sahara.
A ce moment-là, PCT ou non, les Congolais vont « dégager » Sassou (au sens tunisien de ce verbe devenu symbole de changement politique radical).

Par Loubaki

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