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Tensions et incertitudes dans les anciennes zones de combat à Brazzaville

"Ici...on pille..."

BRAZZAVILLE, 18 juin (AFP) - 9h33 - Rues quadrillées par des policiers nerveux, pétarades de fusils-mitrailleurs : certains quartiers ouest de Brazzaville, désertés depuis les combats du 14 juin entre forces régulières et ninjas, présentaient toujours lundi après-midi une atmosphère inquiétante, peu propice au retour de leurs habitants.

Si des quartiers du secteur ouest de la capitale, tels Moukondo ou Mfilou, ont retrouvé leur agitation habituelle, avec la réouverture des petits commerces et des marchés, il ne semblait pas en être de même à La Base et ses environs immédiats, presque inaccessibles malgré les communiqués rassurants diffusés depuis samedi par les autorités congolaises.

Limitrophe de l’aéroport international de Maya-Maya, cible des miliciens ninjas, cette zone urbaine peu dense a été le théâtre de violents combats qui auraient fait, selon une source militaire, une soixantaine de morts parmi les rebelles.

Sollicités par un journaliste de l’AFP, plusieurs taxis refusent catégoriquement de s’y rendre, et seul un chauffeur plus âgé accepte de s’y aventurer, très vigilant aux éventuels barrages des forces de sécurité.

En compagnie de trois soldats, Kalachnikov sur les genoux, un officier conseille aux visiteurs de ne pas aller plus loin, sous le regard approbateur de quelques voisins en civil.

"Ici, très peu de gens rentrent. Ils ont peur, car il y a des soldats et des Angolais qui pillent", explique sans hésiter l’officier.

Posté devant sa propre maison, le militaire, qui préfère conserver l’anonymat, avoue se trouver là pour protéger son domicile et ses biens, fruits de "30 années de service".

Sur la route, quelques rares véhicules pick-up, remplis de mobilier et de biens divers, passent en sens inverse à vive allure. A bord des voitures, on distingue quelques hommes armés et en uniforme.

Convaincus par le bruit d’une pétarade lointaine mais explicite, les visiteurs font demi-tour pour tenter de se rendre à la Base par le nord.

La presse n’est pas autorisée à poursuivre son chemin, mais une visite du voisinage, le quartier résidentiel Sonaco, est toutefois organisée à l’improviste par l’un des policiers.

L’escorte s’avère utile, car le groupe de visiteurs se fait rapidement héler par des policiers, membres du Groupe d’intervention de la police, qui affichent un air intrigué ou réprobateur devant cette présence inhabituelle, puis joyeux quand ils peuvent prendre des poses guerrières avec leurs fusils AK-47 devant l’objectif d’un photographe.

L’ambiance est électrique et le guide incite ses hôtes à poursuivre leur chemin sans trop tarder. Un ou deux coups de feu éclatent subitement à quelques dizaines de mètres, sans troubler le policier, qui ne juge même pas utile de fournir des explications.

Aucune trace de combat n’est visible ici, à l’exception d’une façade de villa noircie par un cocktail Molotov.

Sur une route bitumée qui traverse le quartier, une famille qui pousse trois carrioles remplies d’une montagne de meubles et d’effets personnels s’éloigne en direction de Moukondo. "Chez nous, c’est trop isolé. Nous avons peur", explique Charles, le père, sans même jeter un regard derrière lui.

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