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Vol à domicile, de Christian Mambou

Par Liss Kihindou

Christian Mambou, journaliste et écrivain, vient de publier son troisième roman. Après La Gazelle et les exciseuses et Cœurs en papier, que j’avais lus avec plaisir à leur parution, j’étais curieuse de savoir ce que l’auteur nous réservait dans Vol à domicile. C’est à mon humble avis le roman de la maturité. La construction du récit est beaucoup plus élaborée que dans les précédents romans et le récit tient le lecteur en haleine jusqu’au bout. Je l’ai terminé plus vite que je ne pensais, pour la simple raison que ce n’est plus moi qui décidais du moment de la poursuite de la lecture, mais le récit qui me retenait captive. C’est là le critère des bons romans. L’auteur a su si bien manier les ficelles de l’intrigue que le lecteur croit, au début, apercevoir l’aboutissement de toutes les pistes devant lesquelles l’auteur le place. Cependant, plus il emprunte ces pistes, plus il s’enfonce dans le mystère.

On a tout lieu de croire, au début, qu’il s’agit d’un roman policier. Une vieille dame, Odette, se trouve dans un cimetière, devant la tombe de son défunt mari, André, qui fut médecin et qui, surtout, mena plusieurs actions humanitaires en Afrique, notamment au Congo-Brazzaville où il séjourna plus longtemps que dans les autres pays d’Afrique qu’il visita. Odette en a apparemment gros sur le cœur et à besoin de se confier, mais pas à un vivant, seulement à quelqu’un qui pourrait garder le secret, quelqu’un qui ne pourrait ébruiter une histoire qu’elle voudrait effacer de la mémoire des vivants :

«  La vieille femme se trouvait seule dans le grand cimetière. Ses yeux humides fixaient la tombe du défunt. D’ordinaire la veuve s’y rendait une fois par mois. Elle brisait, à son insu, une vieille habitude. C’était un jour pas comme les autres. Il dictait sa conduite. Les derniers événements la rendaient moins lucide. A petits pas, appuyée sur sa canne, elle avait réussi, au prix d’efforts surhumains à faire la route. Le trajet entre l’église Sainte-Melaine et le cimetière se faisait toujours en voiture. Son état de santé l’exigeait. Lucille, sa fille, jouait les chauffeurs. Cette fois, elle était seule, avec ses interrogations. Seule également pour faire face à ses actes. […]
[…]

Je ne sais pas ce qui m’a pris.
[…]
Pardonne-moi, répétait-elle comme un automate. Je ne lui voulais pas de mal.
Des sanglots accompagnaient ses paroles.
 »

Cette confession est suivie de la mention de « traces de sang sur sa canne  ». Visiblement, la vieille a commis un crime, mais dans quelles circonstances et pour quelles raisons ? Et qui est la victime ? Ce crime serait-il lié à son aversion pour les étrangers ? On apprend très vite, en effet, qu’Odette est une fervente militante du parti de l’extrême droite. Elle n’a jamais fait mystère de ses convictions politiques. Odette a le mérite d’être franche. Alors qu’on s’étonne, dans son village, du vote croissant en faveur du Front national, se demandant lesquels se cachent derrière les dix pour cent de suffrage crédité sur le compte du parti d’extrême droite, elle, au contraire, a toujours exprimé librement quel parti avait sa faveur. Des photos du leader de l’extrême droite trônent dans sa maison. Elle est donc isolée, détestée de tous car ce n’est pas politiquement correct d’afficher de telles convictions. Même sa fille, Lucille, lui en veut, mais c’est sa mère ! Elle doit malgré tout s’en occuper. Cependant, elle espère secrètement la voir modifier un peu son jugement sur les étrangers. Peut-être perdrait-elle ses a priori si elle avait l’occasion de connaître davantage les gens avant de les juger ?

Le choix de l’aide à domicile qui doit s’occuper de sa mère, dont la santé devient de plus en plus précaire et qui ne veut absolument pas finir ses jours en maison de retraite, ne paraît donc pas anodin, même si Lucille prétend que celui-ci est surtout motivé par des raisons financières. L’aide à domicile, une Guyanaise prénommée Sarah, ne demande pas cher du tout par rapport à ce qui se pratique dans le métier. Mais le lecteur apprend aussi dans le même temps que c’est une fausse Sarah qui se rend au domicile d’Odette. Pour quelles raisons ? Pourquoi Odette suscite-t-elle l’intérêt de cette jeune fille noire ? Serait-ce pour la voler ? L’héritage de la vieille Odette est par contre clairement ce qui attire les convoitises d’un évadé de prison, un ponte du grand banditisme et de la criminalité…

Différents ingrédients s’imbriquent donc les uns dans les autres dans ce roman qui séduira plus d’un.

Vol à domicile, une très agréable lecture !

Christian Mambou, Vol à domicile, Editions alfAbarre, 2011, 272 pages, 20 €.

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