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Quand Jean-Paul Pigasse pleure Francois-Xavier Verschave

Larmes d’alligator

François-Xavier Verschave, pourfendeur des régimes africains est mort. Qu’en pense le gouvernement de Sassou mille fois attaqué par le Président de "Survie" ? Dans son dernier édito des "Dépêches", son conseiller, Jean-Paul Pigasse, a du mal à cacher sa joie.

Que Dieu l’accueille en son paradis !

Comment interpréter le mot de Jean-Paul Pigasse (Editorial Dimanche 3 Juillet 2005) lorsqu’il informe ses lecteurs, une semaine après les faits, que « François-Xavier Veerschave (sic) est mort...à Paris des suites d’une longue maladie. » ? et "Que Dieu l’accueille en son paradis" ?

S’agit-il de larmes de crocodile ou d’une réaction humaine que même l’adversité n’a pu empêcher de laisser s’exprimer ?

Difficile de répondre ; car rien n’est plus ésotérique qu’une épitaphe.

Difficile et facile à la fois ( François-Xavier Verschave et non "Veerschave" est mort à Villeurbane, à côté de Lyon, et non à Paris) de voir que l’hommage de Jean-Paul Pigasse n’est rien moins qu’une manière de rire sur la tombe du défunt. Non seulement il y a hypocrisie (méprise sur le lieu du décès ?), mai aussi blasphème (irrespect de la mémoire du mort).

Jean-Paul Pigasse, c’est évident, ne portait pas François-Xavier Verschave dans son cœur. Aussi quand il reconnaît que cet homme fut un « Militant des droits de l’Homme » c’est peut-être encore de l’ironie ; mais du point de vue de l’éthique universelle, ça sonne comme un hommage. Et si on le prend comme un hommage c’est d’autant plus réconfortant qu’il vient d’un adversaire qui, comme l’indique le très sarcastique intitulé de son éloge funèbre « que Dieu l’accueille en son paradis ! » est démuni de toute morale spirituelle. Dieu, il est vrai (sinon on le verrait) n’a jamais gouverné le coeur de ceux qui nous gouvernent au Congo et dont monsieur Pigasse, conseiller en communication, est un proche ami.

Antériorité du combat anti-corruption

On est surpris d’apprendre de la bouche de ce griot blanc que la mise à l’index de la corruption dans le tiers monde est une démarche critique qui émane d’un « principe, hérité des barricades de mai 1968 à Paris, selon lequel tout dirigeant, surtout s’il est Africain, est un corrupteur, voire un assassin. » Affirmer cela, c’est oublier que bien avant la révolution de 68, la FEAN (Fédération des étudiants d’Afrique noire, fondée en 1952) pointait déjà du doigt les violations des droits de l’homme qui avaient cours sur le continent noir.

Retournement des valeurs

Nous pourrons, en effet confirmer les propos de Pigasse lorsqu’il avoue tranquillement que : « A de très nombreuses reprises, les lecteurs des Dépêches de Brazzaville le savent, nous avions dénoncé les déviations auxquelles le condamnaient sa vision manichéenne du monde - « Les bons à ma droite, les mauvais à ma gauche » - et les sources pour le moins discutable auxquelles il se référait pour étayer ses accusations. » car Verschave (farouchement désté par les membres noirs de la Françafrique) était un empêcheur de tourner en rond qui donnait particulièremet des cauchemars à Sassou, patron de Pigasse. Par exemple à propos de l’affaire des Disparus du Beach ou des massacres du 18 novembre 1998 dans les quartiers sud de Brazzaville on a bien vu que Verschave n’a pas laissé Sassou une seule minute tranquille. Arguments à l’appui, Verschave démontre comment Sassou manipula la prétendue attaque Nsiloulou du 18 décembre à Bacongo et comment il piégea les réfugiés congolais en provenance de Mbanza-Ngungu via Kinshasa.

Jean-Paul Pigasse faisant la morale méthodologique à François-Xavier Verschave : c’est le monde à l’envers quand, effectivement, cette leçon de morale vient d’un homme qui défend, moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes, le tyran noir le plus détestable que le Congo ait jamais eu à sa tête (et pourtant Lissouba, également ex- Président congolais, n’avait déjà pas la réputation d’être un enfant de chœur !)

Le pleurer/rire à Mpila

Comment ne pas penser que Pigasse boit du petit lait quand il esquisse cette minable métaphysique "L’homme ayant été frappé par la mort comme nous le serons tous lorsque l’heure sera venue, paix à ses cendres et que Dieu l’accueille en son paradis !" ? Lui, boit du lait. C’est sûr que, dans le même esprit de réjouissance, à Mpila, la mort de François-Xavier Verschave a fait sabrer de nombreuses bouteilles de champagne, pour fêter l’évènement.

Sur quel système de valeur se branche donc Jean-Paul Pigasse pour considérer la défense des droits de l’homme comme des formes d’ « agressions dont l’Afrique est l’objet » et comme un système « pour déstabiliser les pays émergents. » ? Pure folie que voir les choses en ces termes !

Le bon et le méchant

Autrement dit, si de Verschave et de Pigasse il y a quelqu’un qui n’a de cesse de « militer pour la liberté et la solidarité » c’est, non pas le premier, mais Pigasse, vu que, selon celui-ci, les prises de position de Verschave le rangent dans une « vision néo-coloniale du monde que nourrissent dans les pays nantis de l’hémisphère nord les responsables de la plupart des associations qui prétendent » lutter pour les droits de l’homme. Délirant !

Puis, après un petit discours très opportuniste sur le droits des Africains à disposer d’eux-mêmes, droit que les militants des droits de l’homme ne voudraient pas leur reconnaître car ils veulent à tout prix couler les Africains dans un même moule occidental, Pigasse en conclue, non sans regret, que ce n’est pas malheureusement la « disparition d’un idéologue qui changera quelque chose à cet état de fait ! »

Non, en vérité, quand on lit ça, on se dit que Jean-Paul Pigasse aurait pu se passer de son hommage funèbre envers François-Xavier Verschave, exercice réservé aux gens sincères. Il n’y a pas pire offense que Pigasse aurait faite à l’auteur de Noir silence (ouvrage aux analyses implacables) que le traiter d’"idéologue". La connotation péjorative est indubitable. Le meilleur hommage que Pigasse aurait pu rendre à Verschave c’était se taire. Car si sa propagande pro-Sassou lui rapporte (en argent) des millions, il aurait pu gagner encore plus en fermant sa gueule : le silence est d’or.

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