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Les ressources halieutiques congolaises menacées de disparition ?

Guy Parfait Brice Koléla s’engage à faire cesser la pêche à l’explosif.

Les pêcheurs artisanaux de Pointe-Noire accusent les armateurs chinois, depuis leur arrivée dans les eaux nationales, de ne pas respecter les règles en la matière et tout particulièrement de pratiquer la pêche à l’explosif, dangereuse et destructrice des ressources.

L’autorité de tutelle, la Direction Départementale de la Pêche, couvrirait-elle ces activités délictueuses ? On pourrait le croire lorsqu’on connaît les mésaventures de Mathurin Oboukangongo. Ce citoyen s’est rendu coupable de rendre publics, auprès des médias de la place, les constats qu’il a pu faite en mer lors des essais du bateau de pêche qu’il a construit lui même [1]. Loin de lui en être reconnaissant, le Directeur Départemental de la Pêche, Item Itemessoundou, a porté plainte contre lui auprès de la Direction de la Surveillance du Territoire. Mathurin Oboukangongo sous la pression de la DDP a aussi toutes les peines du monde à obtenir l’immatriculation de son bâtiment et les autorisations pour l’exploiter. Seule l’intervention du Chef de L’Etat, ou du celle nouveau ministre de tutelle pourrait lui permettre de franchir le cap.

La flottille chinoise se compose d’une centaine de chalutiers qui se livreraient à des pratiques irresponsables et destructrices du fait de l’utilisation d’explosifs. Cette méthode de pêche présente l’énorme inconvénient de ne pas faire de distinction dans la taille des poissons. Tous sont frappés du plus gros à l’alevin et même au produit des pontes. En outre, les explosions ravagent les roches immergées qui servent aux poissons d’abri et de frayères [2]. Il s’ensuit une raréfaction des prises et le non renouvellement des ressources.

Le DD de la Pêche affirme que ses éléments n’ont jamais pu constater, en mer, les activités reprochées aux chinois. Comment s’en étonner quand on sait que ses services ne possèdent aucun bâtiment et que les sorties en mer faites par ses agents n’ont pu avoir lieu que sur les navires incriminés. Il prétend aussi qu’une enquête menée auprès des pêcheurs artisanaux consultés sur les 170 km de côtes que possède le pays, n’a pas permis d’enregistrer la moindre plainte.
Pourtant
Le chef des pêcheurs de la Pointe-Indienne déclare : « Il nous a fallu nous reconvertir dans le gardiennage des bungalows des mindélé [3] pour survivre. ». Il se murmure que les pêcheurs chinois, comme d’autres communautés étrangères, bénéficient du laxisme de certaines autorités, et qu’ils se proclament intouchables. Les autochtones n’ont plus qu’à subir et se taire. Un pêcheur de la Pointe-Indienne nous a dit : « Depuis l’arrivée des pêcheurs chinois en 2002, nous n’avons de cesse d’alerter les autorités sur la destruction des populations marines. Ils ne nous écoutent pas, au mieux, ils se bouchent les oreilles, au pire ils nous éconduisent. »
Le témoignage de Jean-Claude Makaya est lui aussi édifiant : « Le ministre sortant exigeait de nous qu’on lui fournisse des preuves de nos assertions. Quel genre de preuves pourrions-nous fournir ? Il suffit de voir le nombre de langoustes qu’ils ont commercialisées, comment auraient-ils été à même d’en remonter autant sans détruire les rochers qui leur servent d’abri ? Le résultat est qu’aujourd’hui cette espèce se fait rare.
Les autorités de la pêche se sont faites complices des armateurs chinois, je souhaite qu’ils répondent un jour devant l’histoire pour ce désastre. »

Selon le sous préfet de Madingo-Kayes, les pécheurs de Bas-Kouilou ont perdu en un mois 69 filets, emportés par les bateaux chinois chalutant dans la zone des 6 miles marins réservés à la pêche artisanale. « La pêche a toujours constitué la principale ressources de ces populations. La concurrence déloyale qui leur est faite met en péril leur survivance. » a-t-il déclaré.

Le consommateur congolais pâtit lui aussi de la raréfaction du poisson, les prix augmentent et la qualité baisse sur les marchés. « C’est parce qu’un trafic se fait au large entre les chalutiers et d’autres navires. L’essentiel du poisson pêché par les chinois ne se retrouve pas sur le marché. Il part à l’étranger. Je me demande si l’Etat congolais perçoit des taxes sur ce trafic. Révèle Mathurin Oboukangongo. En ce qui concerne la mauvaise qualité du poisson parvenant sur le marché, je pense qu’il est pollué par les produits provenant de l’explosion de la dynamite et que les poissons absorbent. »


La nomination de Guy Parfait Brice Koléla au Ministère de la Pêche Maritime et Continentale semble redonner espoir aux pêcheurs traditionnels. Lors de sa première visite de travail dans les départements maritimes du Congo, il s’est engagé à remettre de l’ordre et à relever cette activité.

Partout où le ministre a pu s’entretenir avec les artisans (village des pêcheurs de la base AGIP, Pointe-Indienne, Bas-Kouilou) ceux-ci lui ont fait part de leurs inquiétudes :
  la destruction de la flore et de la faune marine sur les côtes congolaises dont ils rendent responsables les pratiques de pêche à l’explosif des pêcheurs chinois
  les incursions de l’activité des mêmes dans la zone des 6 miles marins réservés à la pêche artisanale avec pour conséquence la destruction de matériel de pêche et parfois même des pertes humaines.

Guy Parfait Brice Koléla s’est engagé auprès des pêcheurs Kouilois à prendre en compte leurs doléances et leur a déclaré : « Le Gouvernement de la République agira pour que la loi soit respectée. Nous ne sommes pas là pour la violer. Notre pays possède un code des investissements qui doit être respecté par tous les opérateurs économiques. Si nous constatons que des pratiques illicites existent, nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour épargner notre littoral. Il serait de notre part criminel de léguer aux générations futures un littoral détruit où on ne trouverait plus de poisson, plus d’espèces halieutiques.
Le Président de la République, en me nommant à cette fonction, n’attend pas que je contribue à la destruction du littoral. »

Le ministre de la pêche maritime et continentale chargé de l’aquaculture, qui a pris l’engagement de dédommager les pêcheurs lésés de Bas-Kouilou, voudrait doter les artisans de caméras infra rouges pour surveiller leur zone de pêche. « S’ils violent votre territoire, vous les filmez et apportez les preuves aux services compétents afin que les coupables soient châtiés. » leur a-t-il expliqué.
Mathurin Oboukangongo rejette avec horreur cette proposition « Comment nos pêcheurs dans leur pirogues traditionnelles pourraient-ils surveiller 170 km de façade maritime ? Le ministre semble ignorer la violence qui caractérise les armateurs chinois, cette proposition équivaut à les envoyer à la mort. Déjà, plusieurs d’entre eux ne sont pas rentrés à terre et leur disparition n’a pas été élucidée. Vouloir confier la responsabilité de la surveillance des côtes aux artisans pêcheurs c’est mettre à nu l’incompétence et l’irresponsabilité des services de la pêche à Pointe-Noire. ».

Mr Koléla entend mettre en place un plan directeur de la pêche devant élaborer les grandes orientations stratégique pour « Sortir la pêche de l’état moribond dans lequel elle se trouve. ».
Selon lui : « Dans d’autres pays, come ceux d’Afrique de l’ouest, le secteur de la pêche fait entrer d’importantes devises. Dans notre pays elle ne contribue qu’à hauteur de 2.5% au PIB alors que nous possédons des ressources. »

Les acteurs artisanaux du secteur pêche que nous avons pu consulter, congolais, béninois et ghanéens [4] nous ont tous déclaré ne se faire guère d’illusions sur les capacités de leur nouveau ministre de tutelle. Le secteur est sinistré en raison du manque d’intérêt que montre pour lui le gouvernement. Sans équipement, sans bateaux, sans moyens de contrôle autres qu’à terre, à quoi sert le volet maritime de ce ministère ? Monsieur le Président de la République qui possède sur l‘Alima un superbe et rapide bateau hauturier ne pourrait-il mettre ce bâtiment à la disposition des contrôleurs de la pêche maritime ?

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