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Rumeurologies

Jean-Claude Zounga Bongolo journaliste et romancier n’est plus

La Rumeur a cessé de « courir ». Elle ne va plus circuler ni s’enfler comme celle d’Orléans dont parle Edgar Morin dans son célèbre essai sociologique.

Jean-Claude Zounga Bongolo, patron du célèbre hebdomadaire brazzavillois des années 1990, LA RUMEUR , a tiré sa révérence ce jeudi 12 octobre 2023 à Brazzaville, capitale de la résilience, champ du bouillon de culture, pays de Sony Labou Tan Si, grand prêtre du nouveau roman surréaliste.

Le bruit de La mort de Zounga Bongolo alias Sakumuna Yampéné, alias Katouka Louaza alias Lubu Télé Wo,alias Hervé Wadiafwa et que sais-je encore, a été d’autant plus sourd que l’évènement n’a pas défrayé la chronique.

Nous vivons un moment où les grandes figures disparaissent sans émouvoir leur monde. Nous vivons une période de crise où la célébrité n’épargne pas de la froideur de l’anonymat cruel.

La presse autrement

Je vous parle d’un maître de l’iconoclaste, d’un Mozart du retournement stigmatique, d’un Einstein de l’invective congolaise. Bongolo était si incisif que l’historien Théophile Obenga consacra le sujet d’un de ses ouvrages post-crise congolaise aux caricatures de la Rumeur avec son héros, Petit David, (dessiné par Ray M et Turbo).

Je parle de celui qui nous a mis le pied à l’étrier en matière d’approche de l’information. Il a été le premier à nous donner une visibilité dans l’auberge espagnole du journalisme congolais.
La Rumeur symbolise l’âge d’or de la presse congolaise.

Jean-Claude Bongolo est né en 1955. Après ses études supérieures en Union Soviétique, il se lance dans le journalisme lorsqu’en 1991, sonne le glas du monopartisme au Congo de Sassou. Son canard, La Rumeur (plus tard La Rue Meurt) (suivi de Falanka Tatu ) créé en pleine effervescence démocratique au Congo tombera à pic.

Avant La Rumeur, jamais la politique ne fut croquée avec autant de férocité désinvolte par un canard brazzavillois, voire congolais. Bongolo, était rodé aux concepts critiques de la sociologie des Brazzavilles Noires.

Fils de vétérinaire, « Jean Vincent Itoua » (autre nom de plume de Bongolo) autopsia avec le bistouri de la dérision le champ politique naissant des années milosiennes. Le théorème du journal satirique proche du MCDDI était : « Dans un kilo de mensonge, un gramme de vérité.. »

Les deux temps de la presse congolaise

Avant La Rumeur, il y avait la presse monolithique dont les marques déposées étaient : « Dipanda » , « Mweti » : « Etumba, » « Ba Sali ba Congo », « Combattant Rouge » etc. prototype de la presse alignée. A l’avènement de La Rumeur, est apparue la presse de la rupture ( Me Jacques Vergès parle de plaidoirie de la rupture) , un style qui bouscule totalement les codes de la presse unidimensionnelle du PCT.

La caricature fait son entrée dans le traitement de l’actualité politique. Le personnage de Petit David, « Le Gavroche congolais » entre dans les représentations de l’analyse satirique. Le lecteur est sidéré par le congolisme qui fait son intrusion dans la sémantique journalistique. La Rumeur inventa des titres d’anthologies comme « Inninguissable » le « boukoutage » qui mirent à mal les velléités rétrogrades du Sassouisme disqualifié par la Conférence Nationale et du Lissoubime vomi pour sa démocratie de l’intimidation.

La Rumeur fut une école et nous sommes de cette école où la praxéologie procède de la méthodologie de l’irrespect du conformisme.

L’école de la Rumeur a tellement fasciné et façonné les esprits que depuis les premières briques posées par le professeur de philosophie Jean-Claude Bongolo, quand un journaliste congolais écrit, le cri de l’insolence l’habite. Pour preuve, « Le Choc, » « Le Forum », « Sel Piment », « Thalassa » et bien d’autres titres, s’engouffrèrent dans la brèche de la rumureulogie à pied-joint.

En vérité il n’y a pas d’œuvre inoxydable qui ne soit fondée sur la licence conceptuelle, sur le licencieux.

Les intellectuels organiques, sans attaches, les grands romanciers, les grands journalistes (Victor Hugo, Stendhal, Balzac, Céline, Gabriel Garcia Marques) n’ont pas procédé autrement.

Toutes mes condoléances à Louise Mbogolo qui avait senti très tôt les dangers du métier que tu exerçais et à Massengo-Ma Mbongolo qui avait repris le flambeau avant même que tu ne lâches prise malgré les problématiques de santé.

Repose en Paix cher frangin.

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