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Mokanda

La Lettre ouverte de l’ancien député Mabio Mavoungou-Zinga à Denis Sassou-Nguesso

« La politesse n’est que l’absence de colère que donneraient les mauvaises manières. » (Stendhal)

Sur un ton poli Mabio Mavoungou-Zinga, président du parti ALLIANCE a adressé une lettre ouverte (huit pages) à Denis Sassou-Nguesso, inamovible Président du Congo, acteur ayant consommé 70% de la vie politique congolaise depuis 1960. Pas mal, n’est-ce pas ?

Le propre d’une lettre ouverte c’est, en vérité, de n’être jamais ouvert (e) par celui à qui elle est adressée ou alors son sort c’est de voir son contenu jeté aux oubliettes quand elle est lue par le destinataire. « Ca entre ici, ça sort là » (comme on dit).

Sourds comme un pot de chambre, les dictateurs entendent rarement raison. C’est là leur moindre défaut. Et c’est ce qui met en colère car de l’avis de tous, le Congo , notre « bien commun », n’en finit pas de descendre en enfer pendant que sa population est devenue la risée de toute l’Afrique et du monde.

Kidnappé

Cependant, Mabio Mavoungou-Zinga (trois fois députés dont 1 fois à Loandjili, 2 fois à Madingou-Kayes, ensuite empêché de l’être à Mandingo-Kayes sur injonction de Sassou ) n’est pas du genre à être gagné par le découragement puisqu’il s’agit de la seconde lettre ouverte adressée au locataire du Palais du Peuple. Déjà «  le 17 février 2015 » l’honorable ponténégrin trempa sa plume dans l’encrier pour interpeller l’Exécutif.

Que lui dit le Prince ?

« Cause toujours, tu m’intéresses » dut répondre le récipiendaire, hier en 2015 et aujourd’hui en 2023, à trois ans de l’échéance de 2026. Rapportée par le siroco du Sahel, ses oreilles, par les temps qui courent, entendent de plus en plus une petite musique d’Apocalypse articulée sur une tonalité en gamme mineure « qui fait peur aux dictateurs de n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur... » (dixit Bernard Lavilliers). De quoi être paranoïaque notamment quand on sait que le printemps africain semble avoir commencé. Mais le monarque aurait tort de faire la sourde oreille.

« Ne craignez-vous pas pour votre vie ? » s’inquiètent amis et parents de l’honorable Mabio Mavoungou-Zinga conscients du féroce système de répression en vigueur sous Sassou.

« Le politique est celui par le risque arrive » doit se dire l’ancien Inspecteur des Douanes déjà victime, voici peu, d’un kidnapping dans le Kouilou. On se serait cru dans un film de la mafia. Sa famille était restée sans nouvelles de lui pendant une semaine.

Ziana-TV

« Rester au pouvoir jusqu’en 2026, l’homme ne fait que respecter la Constitution qui ne limite pas de mandats. Pourquoi le pousser à la sortie avant terme ? » lui a fait remarquer, provocateur, Cyr Makosso sur le plateau de Ziana-TV.

Métaphore nautique

Enfant de la Côte et de la mer (comme Makosso ma Tchicaya de Jean Malonga dans « Coeur d’Aryenne » le leader politique Mabio Mavougou-Zinga a commencé sa lettre à Sassou par une métaphore de la navigation. Il constate que la « pirogue Congo est toujours sur le sable ».

Dieu seul sait si des vents favorables n’ont pas soufflé depuis 1979 pour qu’une bonne vitesse de croisière ne pousse l’embarcation vers le grand large où commencent les grandes aventures, les belles conquêtes épiques, les épopées !

Pour l’heure, lecteur scrupuleux de la Constitution « taillée sur mesure » , l’auteur de la lettre ouverte qui semble connaître la cupidité politique du destinataire pose cette question qui traverse les esprits de tous les Congolais au moment où le séisme secoue les pays du Sahel et le voisin gabonais : « allez-vous réellement briguer un énième mandat ? »
« J’y suis, j’y reste. » (sic) Oui notre tyran compte remettre le couvert.

Sauf que, ce coup-ci , calcule Mabio Mavoungou-Zinga, sera à vrai dire, le 10ème puisque l’infatigable Président est aux affaires depuis plusieurs générations et son chef du gouvernement dit « déjà travailler dans ce sens » c’est-à-dire tout faire pour se « maintenir aux affaires au-delà du raisonnable »

La réponse positive de l’Empereur est facile à deviner. C’est Bis Repetita. Sassou veut être Président à vie. « Nous irons jusqu’au bout du monde, le PCT le faillira pas » chantaient d’ailleurs récemment, à tue tête, les flatteurs du Prince.

« le Congo n’est pas le Niger » rappellent à qui veut l’entendre les thuriféraires. « Ceux qui pensent le contraire se mettent le doigt dans l’œil. » ricanent-ils.

La question de sa propre succession ne serait pas « à l’ordre du jour » aurait balayé d’un revers de la main le camarade Sassou répondant à un journaliste de France 24.

Au contraire, martèle Mabio Mavoungou-Zinga dans sa lettre , la question du départ du dictateur n’est pas hors de propos. Le problème, précisément, est à l’ordre du jour et, cela, tous les jours.

Chaque jour qui passe la question « Quand partira-t-il » est soulevée en public et en privé. Les rumeurs de putsch circulent partout.

Samedi 17 septembre 2023 un bruit sur un coup d’Etat au Congo a été viral sur la toile.

Fak-News ou chronique d’une mort annoncée ? On ne sait. Dans tous les cas, Sassou est donné « output » par tous les panafricains et par ses parrains de la françafrique. Le cadavre bouge encore. Mais pour combien de temps ? De retour en catastrophe de New-York où il devrait assister à une session des Nations Unies, il s’est cloitré, selon la rumeur, au Sénégal chez Macky Sall qui, lui, a renoncé au projet de s’éterniser au pouvoir en tripatouillant La Constitution sur les conseils de...Sassou.

Pour Mabio Mavoungou-Zinga : 52 ans au Pouvoir, c’est trop ! Vous avez tout eu et avez eu tout le monde. « Qu’est-ce que vous demandez de plus à Dieu ? » écrit le Ponténégrin.
« C’est ça qu’on appelle la dictature  » chantait Yous Band.

Anachronique et répulsif, Sassou est obsédé par le seul avenir des Mbochis alors qu’il ne devrait avoir qu’un seul avenir, « celui des Congolais » estime le douanier Mavoungou qui aime le Nord du Congo pour y avoir travaillé.

Après moi, Le Déluge

« Prenez-garde à ceux qui prétendent qu’après-vous ce sera le chaos » tente de rassurer Mabio Mavoungou Zinga. De toute façon, ajoute-il philosophe, « nous sommes tous des pèlerins sur cette terre »

Qu’il fut aimé ou détesté, Sassou aura vécu et comme tout homme, il passera. Tout homme est mortel, or Sassou est un homme, donc il est mortel. Mavoungou a une belle métaphore rosicrucienne pour dire cette transition. Il parle de «  passage à l’orient éternel. » C’est maçonnique également (NDLR).

Instincts basiques

La lettre ouverte fait usage de tous les registres pour convaincre son destinataire. Mavoungou caresse l’instinct paternel qui sommeille en chacun de nous, y compris chez les monarques.
Après le palais du peuple, il y a une autre vie « pleine de beauté avec la complicité des petits et arrières-petits enfants. » (et le bonhomme compterait une centaine de descendants biologiques directs, connus, reconnus et inconnus)

Fracture sociale

Pour Mavoungou-Zinga, Sassou a réussi l’exploit de diviser le Congo en deux pays : un Congo des dirigeants et un Congo des retraités maltraités et des sans emplois.
Sassou ne semble pas voir cette dichotomie . « Votre Opposition sur-mesure vous ment » Rien de surprenant dans ce mensonge dans la mesure où le Congo possède, certes, une « élite intellectuelle », mais il lui manque « une élite morale »

Le peuple est anesthésié par des actes d’intimidation et est sujet à une « militarisation à outrance de l’espace vital »

Mabio Mavoungo Zinga, bon prince, dit au monarque : « prenez donc garde au peuple dont la réplique est souvent de nature volcanique , car un peuple en colère et en galère connaît déjà le chemin qui mène au cimetière.  »

Mabio Mavoungo Zinga a introduit dans sa lettre le souvenir de Jean-Pierre Thystère Tchicaya, potentiel challenger qui recula sur la pointe des pieds en 1979 alors qu’il était sur le point d’être à la tête du pays une fois que le CMP, de triste mémoire, avait été mis hors d’état de nuire.

La veuve de Thystère, soit dit en passant, vient de rendre l’âme récemment. Le fils, a été récupéré comme client par le système, soit pour colorer le café soit pour anesthésier l’électorat Vili déconnecté de la manne pétrolière. Pour la petite histoire, Sassou fut caillassé par la population urbaine à l’occasion d’un séjour à Pointe-Noire où il assistait aux obsèques de Thystère.

Thystère connaissait les pulsions humaines : « C’est quoi la paix pour un affamé ? » disait-il de son vivant.
Sassou serait très mal inspiré s’il n’écoute pas la voix de la raison. Sur le chapitre des épitres, rappelons qu’en 1991 Thystère de commun accord avec Bernard Kolélas adressa une Lettre Ouverte à Sassou. Sassou s’en moqua. On connaît la suite.

Unité du pays

« Prenez des trains de mesure », recommande Mabio Mavoungou dans son adresse. Restaurez l’unité nationale !

Au cas où Sassou l’aurait oublié, l’auteur de la lettre lui rappelle le geste plein de contrition qu’il eut à exprimer en 1991. Dans tous les cas, le peuple a encore en échos le « J’assume » de la Conférence Nationale Souveraine.

« Seule la mentalité du pardon et des valeurs construit l’Etat  » souligne le ponténégrin.

L’un des piliers de la lettre est construit par la suggestion ci-après : Sassou doit renoncer au troisième mandat en 2026. Il serait de trop. Ne plus être candidat demeure la meilleure attitude. Les années 2024 et 2025 seraient « une période de transition au cours de la laquelle nous préparerons ensemble votre retraite officielle dans la paix du coeur et la tranquillité des esprits pour tous les Congolais »

Autant demander au zèbre d’abandonner ses rayures ?

L’auteur de l’adresse connaît l’histoire de l’évolution de la République. Voici k’autre pilier préconisé : que Sassou prenne appui sur la date du du 28 novembre (1958 proclamation de la République) ou le le 5 février 1979 pour annoncer au peuple congolais, à l’Afrique, qu’il quitte définitivement le Pouvoir. Quel beau symbole.

Figurez-vous que Sassou a consommé tout seul 70% du temps à la tête du pays depuis L’Indépendance.

Tous ses gouvernements n’ont produit que des fiascos économiques.
L’autre pilier de la lettre : Sassou doit libérer ses prisonniers politiques : Jean-Marie Michel Mokoko, Okombi Salissa.

Je sais que Sassou ne travaille pas sous la pression. admet Mavoungou qui n’en attend pas moins de cet homme qui a souvent le mot PAIX à la bouche.

Philosophie bantoue

Anthropologie Vili : Mabio Mavoungou considère que si Sassou obtempère, il sera alors digne d’être consacré au au rituel d’initiation au Tchibungu (un sanctuaire inviolable)
Libérer ses prisonniers c’est comme libérer de l’énergie positive en soi. Dieu et ses différents ministres trônent dans le Tchibungu.

Faux humaniste

La politique internationale est également convoquée pour attendrir le coeur dur du tyran « sur le départ ». Pourra-t-on attendrir Otchombé ? Après 27 ans de taule de Nelson Mandela , Sassou contribua à la libération du leader de l’ANC. Jean-Marie Michel Mokoko a écopé de 20 ans par les soins de Sassou qui compte à son actif, on a vu, la libération de celui qui fut l’un des plus vieux prisonniers du monde au 20ème siècle (27 ans de geôle).

Koka-Mbala

Mabio Mavoungo-Zinga connaît ses classiques. Guy Menga dans « La Marmite de Koka Mbala » est pris à témoin, pour signifier l’amour maternel. Ici, l’instinct maternel d’Antoinette Sassou, une enfant du Kouilou, doit être mis à contribution pour émouvoir son intraitable époux comme dans la pièce de théâtre de Guy Menga.

Autre pilier, le retour des exilés. Sassou redorerait son blason en faisant preuve d’ouverture envers ses Opposants. Tous les exilés, sans exception.

Cet humanisme présidentiel devrait s’exprimer pendant qu’il est encore temps , maintenant ou jamais, car après ce sera trop tard. Ca ne sera pas mis à son crédit.
Entre autres piliers, Mabio Mavoungou-Zinga recommande une réforme politique, par exemple, la création d’un gouvernement d’union nationale.

L’ objectif de ce gouvernement ? Organiser les élections...transparentes.

Seulement, on a vu ce que valent les élections sous Sassou : une effroyable arnaque. En tyrannie on n’organise pas les élections pour les perdre. Or ce serait bien que le pilote Sassou ne les gagne pas, pour avoir ensablé « la pirogue ».

Il y a du pain sur la planche.
Les états généraux de la Nation attendent également d’être organisés.

L’essentiel sera d’éviter des effusions de sang. Il faudra craindre de contaminer la jeunesse qui pourrait s’avérer une bombe à retardement si elle est instrumentalisée par des leaders préoccupés par « l’avenir des Mbochis. »

La Bible

« Je vous laisse la paix, je vous donne la paix »
Ce verset n’a jamais été autant vérifié que durant la passation de pouvoir sous Lissouba. C’était en 1992.
Dans les années à venir, Sassou qui se vante d’être homme de paix, gagnerait à jouer de nouveau cette partition biblique divine.

Tout ceci n’est possible que quand la marmite (de Koka-Mbala ? ) est « bien posée sur un foyer triangulaire équilatéral. »

Frère Mavoungou conclue sa lettre par un « J’ai dit. »

On espère que, comme de Gaulle, le général Sassou rétorquerait : « Je vous ai compris. »

Thierry Oko

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