email
Route du nord ou chemin de Damas ?

Légalisation du racket sur la route du nord

Route à péage au Congo

Copiant bêtement et stupidement une pratique européenne, la "Nouvelle Espérance" a élaboré une "piste de réflexion" pour entrer dans la voie du développement : l’instauration du péage routier. Non pas sur ses autoroutes (puisqu’elles n’existent pas) mais sur son unique et seule route nationale reliant Brazzaville à Oyo.(1)

Espérant sortir des sentier battus de la misère, on fait, au contraire, l’impasse sur les véritables solutions du développement à savoir : redistribuer équitablement la manne pétrolière.

Amorçage d’un vilain virage à Brazzaville : « Le gouvernement congolais a inauguré le 7 janvier à Djiri, dans la sous- préfecture d’Ignié, à environ 25 km de Brazzaville sur la route nationale n°2, le premier péage routier du Congo. »

Il ne manquait plus que ça. Après le remaniement ministériel, ces messieurs passent la vitesse supérieure. Faute d’inaugurer de nouvelles routes, on met des bâtons supplémentaires dans les roues des routiers et autres prolétaires ambulants qui empruntent la nationale 2 devenue, du coup, chemin de golgotha pour les frères du nord.

La route du racket

Ce racket (car c’en est un) « a pour but de concourir à l’alimentation du budget du Fonds routier institué en février 2003 par l’Etat congolais. »

On se garde bien toutefois de nous dire le montant récolté depuis deux ans.

La problématique de la construction des routes au Congo a donc enfin trouvé une solution, sauf qu’il s’agit en l’occurrence d’une potion amère puisque à ceux qui n’ont pas, le peu qu’ils ont leur est extorqué par une administration véreuse. Or il est de notoriété publique que nous sommes ici dans un pays où le réseau de routes bitumées est le plus faible du monde. On peut même dire qu’au Congo il n’existe aucun réseau de voies goudronnées. Il est ahurissant de faire payer un service que personne ne fournit à personne.

« Le péage est en effet un droit perçu, pour l’usage d’un ouvrage public, par les usagers au profit de la personne publique ou d’un concessionnaire qui, ayant construit l’ouvrage, est chargé de sa gestion. » Soit. Mais qui est le concessionnaire ici ? Si c’est l’Etat, il s’agit donc d’une route nationale. Il peut, à la limite (et il le fait) prélever une taxe routière sur les usagers. Si, à cette taxe vient s’ajouter un péage, nous entrons, ipso facto, dans le champ du vol qualifié. C’est peut-être là une explication du barbarisme sassouiste entendu durant le coup d’état ( "rouler en mbéba") qui signifie à peu près : rouler les gens dans la farine. !

Nationale 2 aux environs de Brazzaville

Dire que « la collecte des taxes d’utilisation des routes » constitue « une nouvelle ressource de financement de l’entretien routier » tient du vol car si la chose était vraie, on a du mal à comprendre par quelle aberration il n’existerait, pas même, 500 km de voies goudronnées sur l’ensemble du territoire congolais ! D’autant plus que cet impôt est « perçu sur tous les usagers de la route » Mieux, cette extorsion des fonds « concerne les véhicules automobiles et les engins à 2 roues, essentiellement de grosses cylindrées. »

Ouvrage incontournable, la nationale 2 est un passage obligé emprunté par toute la masse humaine qui monte vers les Plateaux et les deux Cuvettes (Ouest et Est). On peut donc imaginer les sommes exponentielles qu’aurait pu générer cet « ouvrage ». A-t-on seulement financer d’autres nationales ou même des voies départementales ?

La taxe vise « les routes à péages... bitumées(…) en bon état »

Ces routes en « bon état », peuvent se compter sur les doigts d’une seule main : « la route nationale n° 2 qui relie Brazzaville à Obouya (région de la cuvette) au nord du pays, la route n° 4 reliant Pointe Noire à Nzassi et la route nationale n° 5 qui va de Pointe-Noire à Madingo Kayes au sud Congo, et la route primaire 26 Ngo-Djambala-Lékana dans la partie septentrionale. »

5 routes nationales et une route "primaire" ! Quarante ans après les indépendances, le bilan est décidément maigre et, on peut, dire que le Congo a littéralement fait fausse route.

Les usagers de ces routes sont prévenus. Qu’ils ne s’étonnent pas si le nouveau ministres des transports leur somme de s’acquitter de cette patente.

Comment ne pas être dérouté quand on lit : « le péage est un droit qui incombe au conducteur, au transporteur ou au propriétaire du véhicule qui s’acquitte d’un montant donné à chaque franchissement d’un poste. »
Ce n’est pas un dû, c’est un « droit ». Un droit à sens unique ; un droit inique, en somme.

Qu’on se rassure, pour la mise en route de cette rançon routière, tout le monde ne sera pas mangé à la même sauce vu que « ce montant varie selon le type de véhicule : 500 F cfa pour les véhicules de tourisme de moins de 3 tonnes, 1000 F cfa pour les véhicules de moins de 3,5 tonnes utilisés pour le transport des personnes ou des marchandises (pick-up et mini-bus), 2000 F cfa pour les véhicules dont le poids total en charge est supérieur à 3,5 tonnes, 3500 F cfa pour les véhicules classés poids lourd utilisés pour le transport des marchandises ou des produits pondéreux. »

De la routine, somme toute.

Ne nous demandez pas comment sera évalué le tonnage des véhicules taxés.

Les choses, chemin faisant, sont au moins claires ; cette mafia a été mise en place par l’ initiative « conjointe de cinq ministères, notamment celui des transports, de l’économie et finances, de la sécurité et de la police, des travaux publics et de l’administration du territoire »

La victime n’aura pas à trop se plaindre ; cette "via dolorès" « offre diverses possibilités pour franchir un poste de contrôle » .

Lorsqu’on ne peut payer au jour le jour, une discrimination positive a été mise en place vu qu’il existe « une formule d’abonnement à tarif réduit (5000 F cfa par mois) pour les usagers de la route ayant leur domicile ou lieu de travail au voisinage d’un axe à péage, pour les véhicules de travail. Pour les véhicules de services publics départementaux en missions itinéraires dans leur circonscriptions de compétence, le montant est fixé à 5000 F CFA l’an. Il est par ailleurs de 20.000 F cfa par mois pour les véhicules de transport public de 15 places. »

Point de traitement de faveur puisque, en dépit du népotisme en vigueur, « la mesure (...) n’épargne pas les autorités politiques et administratifs… »

Transport en commun sur la nationale 2

Magnanime, l’escroquerie à la circulation « exempte cependant les piétons, les engins à deux roues (sauf les grosses cylindrées), les ambulances, les véhicules de service concourant au maintien de l’ordre public et à l’extinction des incendies. »

Que les petits malins ne s’avisent pas à entraver la règle d’or étant donné que « le franchissement d’un poste de péage par force est subordonné au paiement du double du montant prévu, nonobstant les sanctions prévues par les dispositions pénales. »

Cette nouvelle politique de la Nouvelle Espérance va faire des malheureux parmi les Cobras puisqu’elle leur enlève le pain de la bouche. Pensez que la « contribution de l’usager de la route à son fonctionnement et au développement des transports…libèrera les transporteurs des prélèvements illégaux opérés par les « bouchons » de la force publique situés le long de ces tronçons, précisent les autorités policières. » CQFD.

C’est l’art de combattre le feu par le feu ou l’ignominie par l’ignominie. C’est selon.
On nous a pourtant dit, au départ, que le « péage routier (était) un nouvel outil de financement de la route par la route ».

En fait c’est une légalisation du racket exercé par les miliciens sur les malheureux routiers.

Mais rendons à César ce qui est à César et aux honorables ministres la lucidité d’avoir vu l’effet pervers de leur arnaque. En effet, « prédisent certains observateurs », cette surtaxe routière « aura une incidence sur les populations qui pourront voir le prix du transport révisé à la hausse par les transporteurs contraints de payer à chaque franchissement d’un poste, à l’aller comme au retour, ce ticket de péage »

 »Le poste de péage de Djiri inauguré le 7 janvier, est le premier qui fonctionne au Congo ». Ceux qui espèrent que ce sera le dernier peuvent déchanter parce « d’autres postes seront prochainement installés dans les localités de Djambala, Bouambé-Léfini, Gamboma, Ollombo, Owando… »

Ce qui rassure c’est que ces gens-là construisent très peu de routes.


(1) Nos commentaires s’appuient sur un article de Guy-Gervais Kitina, publié par les "Dépêches de Brazaville", organe du PCT.

(2) Les photos sont tirées du site de Vincent Redals

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.

Recevez nos alertes

Recevez chaque matin dans votre boite mail, un condensé de l’actualité pour ne rien manquer.