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Allô Ali

Le coup de farce de Libreville

A l’instar du nuage de Tchernobyl qui s’était arrêté à la frontière de la France, le vent de liberté qui a soufflé en Afrique de l’Ouest balayant par des coups d’Etat militaires les régimes soutenus par Paris et arrivés au pouvoir par des putschs constitutionnels épargnera-t-il les pays francophones d’Afrique centrale ? A l’exception de Libreville au Gabon où elle est accueillie à bras ouverts et embrassée sur la bouche, les derniers événements en attestent, la France est rejetée dans ce qu’elle considérait jadis comme son « pré carré ». Brazzaville, Yaoundé, Bangui, Malabo et Ndjamena échapperont-ils aux coups d’Etat militaires après avoir abusé des coups d’Etat constitutionnels avec la bénédiction de Paris ?

Vitesse

Après les coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso puis en Guinée Conakry , le putsch qui a renversé le Président du Niger, Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, contraint Paris à revoir de fond en comble les conditions de sa présence dans la région d’Afrique de l’Ouest où elle a été prise de vitesse et en Afrique Centrale où Paris n’entend pas perdre pied. La condamnation de Paris sur le bout de lèvres du putsch du 30 août 2023 qui a renversé Ali Bongo et porté à la tête du Gabon le général Brice Clotaire Oligui Nguéma participe de cette logique. C’est plus une reprise en main de la situation par Paris qu’un putsch de Brice Clotaire Oligui Nguéma. Paris ne se contente plus de subir les événements en Afrique francophone comme cela a été le cas en Afrique de l’Ouest. Elle entend les accompagner en les précipitant. Cette anticipation de la France a pour objectif d’éviter la déflagration. A Libreville, le 30 août 2023, Paris a assuré la maîtrise de la situation et a ainsi contrôlé les débordements. L’influence française au Sahel s’est effondrée. Ailleurs sur le continent, la France est sur la défensive et rien ne dit que Paris parviendra à la restaurer en orchestrant des faux coups de force comme à Libreville au Gabon.

Dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest, les mêmes scènes semblent se répéter d’un pays à l’autre. Celles de milliers de civils chauffés à blanc par les panafricanistes (Kemi Seba, Franklin Niamsy, Nathalie Yamb ) scandant, drapeaux de la Russie et de Wagner à la main, sous les fenêtres des ambassades ou aux portes des bases militaires françaises, des slogans dénonçant le « néocolonialisme » de la France et réclamant le départ des troupes tricolores stationnées sur leur territoire.

Libreville n’est pas Niamey

A Libreville, au Gabon, où la France est à la manœuvre, le 30 août 2023, l’atmosphère était toute autre. Tapis dans l’ombre, Paris tire les ficeles. Des milliers de personnes sont venues célébrer l’avènement du nouvel homme fort gabonais, le général Brice Clotaire Oligui Nguéma, qui n’a toujours pas précisé à quel moment la "transition" qu’il est censé mener prendrait fin. Brice Clotaire Oligui Nguéma bénéficie de la bienveillance et de l’indulgence de Paris. Deux poids, deux mesures. Le sentiment anti-France n’était pas de la partie et les appels du pied de la Russie et de Wagner absents des rues de Libreville, Franceville, Port-Gentil. Pas de remise en cause de la politique africaine de la France dans ses anciennes colonies ni de dénonciation du paternalisme de Paris à l’égard des pays d’Afrique de la zone franc (PAZF) dans le discours de Brice Clotaire Oligui Nguéma du 4 septembre 2023. Pas de remise en cause des accords militaires entre le Gabon et la France. Deux capitales francophones africaines, deux atmosphères.

Le Gabon du général Brice Clotaire Oligui Nguéma s’accommode du modèle économique et politique français, expérimenté depuis la sortie de la période coloniale depuis les années 1960 et qui a engendré plus de dictateurs, de pauvreté, de misère ,de voleurs, de délinquants en cols blancs, de corruption, de l’aristocratie financière ,de crimes humains, d’assassinats politiques que la promotion de l’initiative privée, le développement de l’agriculture, l’amélioration du bien-être collectif, la transformation d’une partie des matières premières sur place, la recherche de la solution économique à la misère nationale. Cette impossibilité de faire le bilan et de tirer les leçons de plusieurs décennies de coopération avec la France incarnée par Brice Clotaire Oligui Nguéma est malheureusement l’assurance de la prolongation du malheur du Gabon.

Le général Brice Clotaire Oligui Nguéma est-il le nouvel homme lige de Paris au Gabon qui ne porte pas le nom de Bongo ? Si Paris se pâme du général Brice Clotaire Oligui Nguéma, c’est parce que ce dernier ne bousculera pas l’ordre établi et ne mettra pas en péril les intérêt de la France.

Sur instigation de Paris, le général Abdourahamane Tchiani, putschiste du Niger est acculé par la communauté internationale. Sous la protection de Paris, Brice Clotaire Oligui Nguéma, le général putschiste du Gabon souffle le chaud et le froid sur la durée de la période de transition. A ce sujet, Paris ne souffle mot. « Si c’est flou, c’est qu’il y a un loup. » Martine Aubry nous l’a appris. Pendant que Mohamed Bazoum est embastillé par les putschistes à Niamey, Ali Bongo Ondimba est autorisé par la junte de Libreville à quitter le Gabon s’il le souhaite. Vous avez dit coup d’Etat ou révolution de palais ? La mansuétude de Paris à l’égard du nouveau pouvoir militaire de Libreville illustre jusqu’à la caricature les relations incestueuses qui perdurent entre la France et le Gabon. Et, en attendant, Paris se bat comme un beau diable dans un bénitier pour conserver sa mainmise sur les capitales francophones africaines qui ne sont pas encore tombées sous l’escarcelle de la Russie et de Wagner à l’image de Bangui.

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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