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Nouveau paradigme

Y a bon coup d’Etat

Sur l’air de « Y a bon banania » (la célèbre réclame coloniale du chocolat savoureux), on estime qu’il y a du bon dans ce qui arrive au continent noir où « détonations et folie  » (Liss Kihindou 2007) font loi.

Du coup, une épistémologie du pistolet mérite d’être faite depuis les années 1960 postcoloniales jusqu’aux évènement du Sahel de 2023. Etant donné les applaudissements des peuples, du Sahel au Bassin du Congo, tout se passe comme si un coup d’état à la pensée politique africaine est en cours. Les politologues ont intérêt de changer de fusil d’épaule, de rompre avec l’idée que la démocratie électorale est une panacée universelle, une grille structuraliste applicable partout.

Le pire et le meilleur du putsch

Quand Auguste Pinochet fit son coup d’Etat contre Salvador Allende en 1973, ça ne fit rire personne. Seule l’extrême droite chilienne sauta de joie. C’était affreux. Ca c’était avant.

Aujourd’hui en 2023, la notion du coup d’Etat a atteint son âge d’or. Ce terme a acquis une forme de légitimité que lui reconnaissent, curieusement, mêmes les pires des antimilitaristes africains. Et pourtant, il fut une époque, encore récente, où tous les démocrates éclairés avaient en horreur cette façon de déclencher le changement. Rien que d’y penser, les boucliers se levaient au sein de la FEANF et de l’AEC dans les années 1970/80 (Fédération des Etudiants d’Afrique noire francophone ) (Association des Etudiants Congolais)
Pour la jeunesse étudiante, la démocratie était sacrée, intouchable, inviolable, les putschs démoniaques, horribles, folie, dignes de généraux espagnols et sud-américains.

Désormais cette manière radicale de tourner la page grâce à la kalachnikov semble faire consensus en Afrique. Au Niger, au Mali, en Guinée, au Burkina, le peuple a jubilé quand l’armée a fait le coup de feu contre la dictature. Là où la gâchette n’est pas engagée « la pourriture ne s’en va pas d’elle-même » (Mao Zedong parodié)
« Coup d’état dites-Vous ? Nous disons "correction" ! » clame la Vox Populi.

C’est que les élections pseudo démocratiques n’ont eu pour résultat que la mainmise de la canaille sur le pouvoir pendant des décennies, au grand dam des populations maintenues la tête sous l’eau par les Présidents « démocratiquement élus ».

Démocratie = pouvoir du peuple

Depuis les Grecs, la démocratie était présentée comme le meilleur système politique de gestion de la cité qui soit.
Sauf qu’en Afrique, les prétendues élections libres sont celles-là qui ont le plus clivé la société en patricien et en plèbe, puis dépossédé la cité de ses droits fondamentaux.
Depuis les années 1990, les élections démocratiques à la sauce Sassou ont légalisé des voyous qui n’ont pas l’intention de lâcher prise. Plus il y a matière de contester cette escroquerie, plus le régime renforce les appareils de répression. L’Etat-Sassou aime la police, et cette police tue.

En 1997, Sassou perpétra son coup d’Etat contre le Président « démocratiquement élu » Pascal Lissouba (« mal élu », soit dit en passant) . Du sang et des larmes coulèrent. Fureur, folie, détonation...

Une fois au pouvoir, Sassou fit couler des torrents de larmes et de sang. Du coup l’idée du coup d’état suscitait l’horreur dans l’esprit des congolais. A fortiori lorsque, en dictature, ceux qui organisent les élections « démocratiques » ne les perdent jamais, mais vraiment jamais. Les militants de l’AEC avaient déjà flairé cette dysfonction dichotomique dans leurs réflexions sur fond de marxisme des années 70.

A partir des années 1997, de guerre lasse, les populations ne savaient plus à quel saint se vouer. Les Présidents démocratiquement élus avaient tout verrouillé de sorte qu’ils ne comptaient jamais perdre, ni démocratiquement ni avec violence, le pouvoir.

Puis vint l’ère et l’heure où la notion de coup d’état commença a avoir une bonne perception dans les représentations populaires. Bonne presse aussi dans les médias occidentaux (Libé, Le Monde, Nouvel Obs, Canard Enchainé et même Le Figaro)

A Mali, Mali et demie

Tout parti du Mali, ensuite de la Guinée, du Burkina puis Niger et, last but not the least, du Gabon.
On applaudit les putschs. On congratula les militaires qui démontraient que le pouvoir est au bout du fusil. Y a bon coup d’état.
Le peuple comprit le sens du proverbe « c’est le fer qui tord le fer ».

Suite à la création d’une légion étrangère rwandaise au Congo, des officiers militaires congolais se sont mollement insurgés. (16 septembre 2023). Les naïfs ! Le fer se bat quand il est chaud. Le syndrome gabonais est un modèle systémique qui devrait faire tâche d’huile avant que la résistance fasciste ne prenne le dessus.

En fait (comme en théorie) il ne faut pas que les choses se refroidissent car sinon il sera difficile en Afrique Centrale, plus le temps passe, d’écraser le pouvoir d’airain de Sassou. Yes, il faut battre le fer quand il est chaud pour le façonner à sa guise. On s’attend à un transfert de la dynamique gabonaise, surtout après l’onde choc du 30 aout 2023 à Libreville.
En terme de contagion, le postulat est que la CEMAC, à commencer par le régime de Mpila, voit d’un mauvais œil ce qui se passe au Gabon de Brice Clotaire Oligui Nguema. L’épidémie politique est redoutée par une démocrature persuadée à raison qu’en matière de santé publique « vaut mieux prévenir que guérir. » D’où les mouvements des troupes rwandaises (légion étrangère) signalés au Congo de Sassou dans le Pool et le Niari. En cas d’une « gabonisation du Congo », la parade est prête.

Fleurs et fusils

La vérité est que ceux qui condamnent les coups d’état sont ceux-là même qui doivent leur pouvoir au coup d’état.
Du haut de leur char, les militaires africains semblent être accueillis comme les soldats alliés venus libérer la France occupée par les Nazis.
Les soldats Yankee reçurent fleurs et baisers des parisiennes libérées.

Sur le bd Alfred Raoult les Congolais rêvent d’offrir des Jacinthes aux militaires qui viendront les tirer du mauvais pas et démontrer qu’effectivement par les temps qui courent, comme disait Marien Ngouabi, le « pouvoir est au bout du fusil. »
On ne tire son épingle du jeu quand on pointe son fusil sur le dictateur.

Vive la démocratie musclée.

Lambert Ekiragandzo

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