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29ème anniversaire de l’assassinat du Cardinal Emile Biayenda

29ème anniversaire de l’assassinat du Cardinal Emile Biayenda - La paix se donne, la paix se reçoit : construisons la paix et l’unité !

Le rituel que nous nous sommes imposés de publier une lettre d’interpellation aux alentours de la date-anniversaire de l’assassinat du Cardinal Emile Biayenda nous impose cette année encore de nous demander : si notre bon cardinal vivait aujourd’hui, qu’aurait-il dit au vu de la situation générale du Congo ? Et, surtout, qu’aurait-il aimé nous voir faire afin que notre peuple coexiste dans la paix du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, vive du juste fruit de son travail, vive en peuple citoyen appelé à prendre part aux décisions de son destin de Congolais et participant au dynamisme de la vie de son Eglise ?

Répondre à ces questions n’est pas pur exercice de suppositions. C’est puiser dans le message que le Cardinal nous laissa en héritage pour que son sang de martyr soit effectivement semence de paix et qu’aucun autre sang, de Pasteur ou de n’importe quel autre Congolais, ne soit plus versé. Ce sang devrait faire barrage pour que le Congolais, aujourd’hui et demain, ait en horreur le recours à la violence comme moyen et méthode politiques. Tout comme son maître Jésus, le Cardinal entra dans la passion avec le souci de rassembler, aimer, pardonner. Le sacrifice de sa vie ne doit pas être vain.

A 29 ans de l’horrible crime, nous serions des chrétiens indignes si nos cœurs n’étaient remplis que du désir de vengeance. Nous serions des chrétiens sans conviction également si l’illustre sang versé ne provoquait en nous aucun sentiment. En ce mardi fatidique du 22 mars 1977, la haine aveugle voulut supprimer un symbole. Disons-le tout net : ceux qui commirent cet acte odieux voulaient venger le Président Marien Ngouabi et rétablir un ignominieux équilibre par les morts infligées : « un mort au Nord, un mort au Sud », voulurent-ils nous dire, la « famille » a lavé l’affront par le sang.

Entre le Cardinal Emile Biayenda et le Président Marien NGouabi s’était instauré un vrai dialogue : le 18 mars 1977, le Président Ngouabi fut tué peu de temps après avoir rencontré le Cardinal. Ceux qui les assassinèrent voulaient attenter à la paix. Si les consciences des assassins sont apaisées aujourd’hui, continuons à démarquer les nôtres par l’éveil, en rappelant que ce double sang versé ne réclame pas la vengeance mais l’accomplissement de la mission de paix qu’il a ensemencée. Pardonner c’est donc, déjà, donner un sens à la mort de notre bien-aimé Cardinal.

Rappelant le sens de la mort de Jésus sur la croix, le Pape Benoît XVI la relie directement au commandement d’amour qui éclaire et guide la démarche du baptisé. « Dans sa mort sur la croix s’accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel Il se donne pour relever l’homme et le sauver - tel est l’amour dans sa forme la plus radicale. » [1] Si donc notre Seigneur a souffert la Passion par amour pour nous, comment nous dirions-nous des « fidèles », si notre propre amour pour Lui et pour les autres n’était pas capable d’aller jusqu’au bout de son expression. Cette radicalité nous habite. Et notre bon Cardinal l’a vécue jusqu’au tombeau. « Le commandement de l’amour ne devient possible que parce qu’il n’est pas seulement une exigence : l’amour peut être « commandé » parce qu’il est d’abord donné » [2].

Au moment où nous voyons se multiplier les actions kamikazes, souvent au nom d’un dieu sévère commandant la haine, mourir pour le Christ n’a pas de sens si ceux pour qui le tragique s’accomplit, n’allaient pas jusqu’au bout d’eux-mêmes. De même, répéter chaque 22 Mars que le Cardinal est mort en recommandant de ne rien faire « pour qu’aucun geste déraisonnable » ne compromettre la paix si précieuse entre communautés du Nord et du Sud, de l’Est et l’Ouest, et du Centre, ne suffit pas ; il faut que son geste nous transforme, fasse de nous des agents de paix dans la justice ; des Congolais qui aiment leur pays mais n’en oublient pas pour autant les injustices et les faiblesses du moment ; des citoyens qui s’attachent dans leur vie de chaque jour à se parler en frères responsables ensemble du destin du Congo, sans préjugés, sans complexes et sans hypocrisies. Sommes-nous sur la voie de cette espérance qui apaise ?

Quels sont les signes des temps, et qu’aurait dit le Cardinal en les analysant ?

Notre paix n’est que relative. Nous l’avons vu en novembre et décembre derniers : les événements de Bacongo sont venus nous rappeler qu’il suffit d’un rien pour que tout reprenne feu, que les acteurs de la paix continuent d’avoir un langage de jour et un autre de nuit ; de rechange. Qu’au final, nous sommes toujours soumis à l’aléa d’une humeur de ceux qui nous dirigent : qu’ils en reviennent à se contester la légitimité les uns des autres et tout s’embrasera de nouveau. Que ce qu’ils appellent paix, peut s’interpréter différemment par le citoyen ordinaire. Œuvrons-nous à désamorcer le danger des ces épées de Damoclès ?

Mais quels espoirs concrets de paix le retour de Bernard Kolélas annonce t-il ? Quels accords nouveaux, publics et secrets, vont de nouveau être trahis demain et qui se traduiront en guerres et divisions ; en carnages de nos populations ?

Et puis, de quelle paix nous investissons-nous lorsque depuis dix ans dans la région du Pool on ne peut circuler d’un point à l’autre sans encourir les risques d’une insécurité savamment entretenue ? Lorsque toute une nation a pu tranquillement voter ses députés sans le Pool ? Lorsque la route qui va de Brazzaville à Kinkala, colonne vertébrale d’une économie agricole vitale, reste totalement détruite, et amasse promesses de reconstruction et alléchantes velléités ? « La situation de crise qui prévaut dans ce département, le Pool, nous préoccupe tous à plus d’un titre, depuis une dizaine d’années. Les interventions des pouvoirs publics dans la résolution de cette crise n’ont pu atteindre à ce jour les résultats qu’en attendent les ressortissants de ce département sinistré et détruit par les guerres récurrentes du Congo » [3] .

Paix fragile, lorsqu’une nation ne jette pas un coup d’œil d’ensemble sur chacune de ses composantes essentielles : le Congo marche depuis dix ans comme un animal à trois pattes et qui ne se soucie pas de l’équilibre naturel de tous ses organes. « Depuis le début de cette année, de nombreux incidents s’y sont de nouveau produits et la perspective des élections législatives, annoncées pour 2007, pourrait encore y faire remonter la fièvre et les tensions » [4] . Nos Evêques en font le constat et tirent la sonnette d’alarme.

Mais il serait faux de penser que l’inertie des décideurs est tout, que notre propre apathie de citoyens ou d’originaires ne soit pas responsable de la situation de douleurs que nous infligeons à nos mères et à nos pères au Pool. Que notre responsabilité devrait se limiter à l’émoi et à l’unique interpellation des responsables gouvernementaux sans regarder au fond de l’œil ceux de nous qui font le choix de la violence absolue et s’étonnent que des populations s’enfoncent dans la misère.

Paix fragile lorsqu’elle ne bâtit pas sur la vérité et s’entoure de circonlocutions en ne désignant pas le mal subi et ses acteurs visibles. Le « Pasteur » Ntumi, si souvent interpellé, peut-il nous dire ce qu’il gagne et ce qu’il fait gagner au Pool en s’installant dans l’insécurité et la déstabilisation ? Les armes dont il use et qu’il a promis de ramasser dans tout le Pool aujourd’hui n’auraient-elles pas été achetées - par lui-même ou par ses mandants - avec un argent qui pouvait servir au développement du Pool ? Ses maintes propositions et exigences : de nomination, d’une conférence nationale bis, d’une résidence à Brazzaville, d’une amnistie pour les exilés, d’un ramassage des armes par lui-même etc... n’ont-elles trouvé que le Pool comme lieu de formulation et de confrontation ?

Le Cardinal Emile Biayenda était fils de toutes les régions du Congo. Nous ne souhaiterions pas croire qu’une seule région subit aujourd’hui le prolongement d’une horrible passion. Son message, hier comme aujourd’hui, continue d’interpeller ceux du Nord comme ceux du Sud, de l’Est comme de l’ouest et du Centre ; croyants et non-croyants. « Biayenda était l’ami de tous, ne connaissant ni les divisions tribales, ni la haine, ni la vengeance... » [5] . En somme, si le Cardinal Emile Biayenda vivait aujourd’hui, ce qu’il nous demanderait, c’est aussi de regarder la vérité congolaise en face et d’inviter ceux qui ont une pierre à apporter à l’édification de la nation, à se rassembler, à se réconcilier : par devoir et par amour. Pour la paix et l’unité.

Interviewé par la Radio nationale, à son retour de Rome, en 1973, il avait fait état des félicitations reçues de responsables de toutes confessions et de responsables politiques de notre pays. Il avait plaidé pour l’unité : « L’unité vraie, c’est l’unité des cœurs, l’unité des esprits, l’essentiel pour l’unité c’est de reconnaître le bien que les autres sont capables de faire. »

La paix n’est pas un état ultime de relation entre individus ou pays, mais un processus permanent intégrant les règles du vivre ensemble...

« La paix, serait-ce comme la santé selon le docteur Knock, un état précaire qui ne laisse présager rien de bon ? La paix se donne, se reçoit comme un don, mais se construit dans la vérité et la justice » [6]. Et comme telle, elle engage.

« Que Dieu vous donne l’unité et la paix » ! Tel avait été le cri de cœur du Pape Jean-Paul II en la Cathédrale Sacré-Cœur de Brazzaville, le 5 juin 1980. Puisse cette paix tant souhaitée par le Cardinal Emile Biayenda au soir de sa vie, et tant désirée par tous les Congolais, vienne enfin habiter nos cœurs et le Congo et par de-là toute l’humanité.

En effet, la recherche de la paix a toujours été constante chez le Cardinal Biayenda non seulement pour son pays, mais aussi pour les autres. En témoigne cette adresse à l’endroit des chrétiens français et pèlerins de Lisieux, en ces termes : « Que Noël 1975 et l’année 1976 ne soient pas pour nous de simples expressions sentimentales, mais un engagement dans la part que nous voulons prendre pour la construction de la Paix dans le Monde. Puissions-nous en Europe comme en Afrique et partout sur la terre, dans cette époque de changement dont les uns sont indispensables et les autres nuisibles être les témoins actifs de la force et de la tendresse de Dieu et que la Paix de Dieu qui surpasse toute espérance, garde nos esprits et nos cœurs ».

S’exprimant sur l’assassinat du Cardinal Biayenda, le Cardinal Marty, ancien Archevêque de Paris fit cette déclaration en mars 1977 : « Je connaissais bien le Cardinal Biayenda. Je l’avais rencontré encore à Mouila au Gabon. (...) Il m’avait dit à plusieurs reprises que son premier souci était l’unité et qu’il travaillait dans ce sens. »

A Paris, le 22 mars 2006

Pour l’Association Cardinal Emile Biayenda - France

Gabriel SOUNGA- BOUKONO

Président


Par : ACEB-FRANCE
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