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Affaire Mounzéo : encore un coup pour rien.

Ce Mardi 28 Novembre 2006, au Tribunal de Grande Instance de Pointe-Noire, Dans une salle d’audience trop exigue pour contenir les centaines d’auditeurs, la justice a encore accouché d’une souris, en raison de la non notification, aux sieurs Christian Mounzéo et Brice Makosso d’un chef d’accusation additif : "Abus de confiance".

« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude » a lancé au parquet le bâtonnier Hervé Malonga, chef de file du corps défendant, pendant la démonstration du vice de procédure. C’est donc un débat de droit, un véritable ping-pong procédural qui a été servi en lieu et place du réquisitoire et des plaidoirie, au dense public de curieux et de journalistes venus dans l’espoir d’entendre l’épilogue de la fameuse "Affaire Mounzéo"

L’intelligence nous impose quatre interrogations :
  Cherche t-on les poux sur la tête de Christian Mounzéo ?
  Le Congo n’a t-il pas de magistrats capables de maîtriser les règles élémentaires de procédure ?
  Qui a intérêt à ce que l’affaire Mounzéo n’aboutisse pas ?
  Les ratés judiciaires et l’écho international fait autour de cette affaire ne lui offrent-ils pas une façade qu’elle n’aurait jamais du avoir, sacralisant les prévenus et diabolisant la justice congolaise ?

Trop de vices de procédure dans une affaire de droit commun déclarée banale aussi bien par le parquet que par la défense. De là on passe facilement de la banalité au sérieux et même au complexe autrement dit : il y a anguille sous roche. Des signes qui trompent peu accompagnent le fameux procès dans lequel aucune des parties ne veut perdre la face.
Si les services spéciaux ont aligné des maladresses, telle l’interpellation, pour interrogatoire, de Christian Mounzéo au pied de l’avion qui le ramenait de France pour répondre à la convocation de la justice. La partie défenderesse n’a guère été plus adroite, conférer l’interview accordée par monsieur Christian Mounzéo à Christophe Boisbouvier sur les ondes de RFI-Afrique.

Ce dossier est vide, nous confirmait maître Ikangalat, l’un des collectifs de la défense. Ce 28 Novembre Maître Laurent Ngombi le dit clairement : « Si vous cherchez les poux sur la tête de Mounzéo, s’il vous plaît faites le avec la manière. »
A son tour le Procureur de la République André Charles Loemba n’a pas hésité à renchérir : « Ils n’ont plus que la ruse car les carottes sont cuites. » C’est donc dans cette ambiance de tension que le procès a été reporté au 13 décembre pour plaidoirie et réquisition.

Le procureur de la République André Charles Loemba

Au sortir de l’audience monsieur André Charles Loemba, Procureur de la République a expliqué à la presse les raisons du énième report de ce procès au 13 Décembre 2006.

Daniel Lobé Diboto : Monsieur le Procureur de la République, pourquoi l’affaire Mounzéo a t-elle été reporté au 13 Décembre ?

André Charles Loemba : L’audience de ce jour a été consacrée à un débat sur des points de droit, car nous tenons à ce que ce procès soit équitable. Il faut donc que toutes les parties interviennent. Les prévenus Mounzéo et Makosso ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel sur des charges d’abus de confiance que la Chambre d’Accusation a déclarées suffisamment établies. Dès que le tribunal a notifié cette charge, cela a suscité des remous du côté de la défense, qui a soulevé des exceptions de nature à dire que l’arrêt de renvoi ne lui a jamais été notifié mais en soutenant, d’autre part, qu’elle a fait un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
On ne peut dire deux choses à la fois. Ou bien on en a pris connaissance et cela permet de faire le renvoi, ou on n’en a pas pris connaissance, et le pourvoi est impossible.
Nous avons donc débattu sur cette question de droit et vous avez pu constater que les débats ont été animés. Le tribunal a été contraint de se retirer et de délibérer. Au final la cour a rejeté cette exception, en motivant son délibéré sur le fait que : s’agissant de la non notification par le Procureur Général, cela a été purgé du fait que les prévenus se sont présentés à la barre.

Le deuxième point est que le tribunal a soutenu que s’agissant de l’arrêt de renvoi, un jugement d’instruction qui ordonne le renvoi n’est pas susceptible de pourvoi. Par conséquent, il a renvoyé l’affaire d’une manière globale pour l’audience du 13 prochain.

DLD : La défense vous reproche d’avoir politisé le procès. Qu’en dites-vous ?

ACL : Bien au contraire, ce sont eux qui ont politisé ce procès. Vous avez entendu la réponse que j’ai donnée dans la salle, j’ai fait comprendre que j’avais un dossier et qu’il me fallait poursuivre l’accusation. Ce n’est pas une question de politique. La politique ce sont eux qui en parlent, puisqu’ils en font grand battage sur les chaînes internationales. D’ailleurs dans la salle, j’ai rappelé la déclaration antérieure de maître Ikangalat, qui a dit à l’occasion d’une audience qu’il s’agit d’une affaire banale, qui n’engage pas les politiques.

DLD : Monsieur le Procureur, nous ne comprenons rien dans cette cacophonie judiciaire à la congolaise. Les vices de procédure sont légion dans ce procès, que dites vous à l’opinion nationale et internationale à ce propos ?

ACL : Les vices de procédure... vous devez interroger ceux qui déclenchent ces exceptions là. Quand ils vous disent qu’il y a des vices de procédure, en fait c’est leur droit le plus absolu. Ils sont à la défense, donc ils défendent des gens qui sont poursuivis, par conséquent tous les moyens sont bons. A notre avis, le plus important c’est la décision du tribunal. C’est à dire que le tribunal a répondu à ces questions là, disant que si les vices de procédure avaient pu exister, ils ont été anéantis par l’arrêt et la comparution personnelle des prévenus.

DLD : Qu’est ce qui va se passer à l’audience du 13 Décembre ?

ACL : On a renvoyé à l’audience du 13 prochain pour que nous puissions servir les actes d’accusation aux prévenus sous les chefs d’abus de confiance et complicité d’abus de confiance. Eventuellement on pourra plaider et requérir, enfin mettre l’affaire en délibéré, si le tribunal l’estime.

DLD : Vous voulez dire que les prévenus n’ont pas été notifiés ?

ACL : Vous avez pu constater à l’audience que l’avocat de la partie civile, maître Kalina a donné la signification de la notification.

DLD : Pouvez-vous préciser pour nous, les profanes, ce qu’est une notification ?

ACL : C’est porter à la connaissance d’une des parties d’un fait ou d’une décision. En pareille circonstance, dès lors qu’on a pu faire un pourvoi en cassation, cela implique qu’on a pris connaissance de la décision. A ce niveau là il est impossible de dire qu’on a pas eu connaissance de l’arrêt concerné.

DLD : Vous avez donc d’abord traité ce dossier sous les charges de faux et usage de faux et complicité de faux et usage de faux, puis dans un second temps, d’abus de confiance et complicité d’abus de confiance. Pourquoi ?

ACL : Vous ne pouvez avoir oublié qu’au début de cette affaire, quand elle était encore à l’instruction, monsieur Bouaka William avait porté plainte pour abus de confiance et faux et usage de faux. Il s’est avéré que l’instruction du premier degré n’avait retenu que les charges de faux et usage de faux. Cependant, monsieur Bouaka William et le procureur général, monsieur Ngoulou Narcisse y ont fait appel. Le dossier a donc été éclaté, une partie continuant au tribunal de grande instance, l’autre étant renvoyée en cour d’appel.

Le dossier étant allé en appel contre la décision de non lieu a été infirmé et la cour d’appel nous l’a renvoyé. Il a été réintégré au premier redevenant un seul et unique. C’est ce point que les avocats de la défense contestent. Ils veulent à tout prix éviter le chef d’accusation d’abus de confiance qui manifestement les dérange davantage.

DLD : En clair, que va-t-il se passer ?

ACL : Et bien, rien de plus, le tribunal a statué en joignant les deux procédures et en renvoyant l’audience au 13 décembre afin que les actes d’inculpation soient servis et qu’on puisse requérir et plaider sur tous les chefs d’inculpation.

DLD : Monsieur le procureur, la défense soutient que le renvoi au 13 décembre est une mise en demeure qui lui est faite.

ACL : Quelle mise en demeure ? C’est la décision du tribunal tout le monde doit s’y soumettre.

DLD : Vous savez que toute la presse sera présente, le monde est fatigué de cette affaire qui s’éternise et dont il semble que nous ne verrons jamais la fin.

ACL : Disons que les procédures judiciaires sont généralement lentes, nous sommes pourtant persuadés que cette lenteur permet aux droits de la défense d’être garantis, vous pouvez d’ailleurs constater qu’ici, c’est la défense qui use de procédés dilatoires.

DLD : Les accusés seront-ils libres de leurs mouvements dans l’attente de la prochaine audience ?

ACL : Ils sont en liberté. Seul tribunal décidera de leur liberté, mais néanmoins, nous pouvons prendre des mesures d’assignation à résider pour garantir leur comparution à cette audience.

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