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Alain Mabanckou : les petits fils nègres de Vercingétorix

Destinées trompées

Publié aux éditions du Serpent à plumes au printemps 2003, le troisième roman d’Alain Mabanckou « Les petits fils nègres de Vercingétorix » débute par une énigmatique « note de l’éditeur » ; et puis on entre dans le vif du sujet avec « l’avant cahier » qui donne sa pleine mesure à deux histoires amours interethniques sur fond de guerre civile fratricide.

Foncièrement attachée à son devoir de mémoire, la narratrice raconte tout ce qu’elle a cru comprendre, aux intentions morales qui se cachaient derrière les exécrables émulations qui opposèrent « les petits fils nègres » et « les Anacondas. » De flash-back en images arrêtées, avec l’énergie du désespoir du soldat qui marche à l’assaut, Christiane Illoki déroule comme une avalanche le film de son histoire personnelle intrinsèquement liée à la nationale. Il s’agit d’enrayer l’inévitable, d’arrêter le destin.
Comme elle a raison d’évoquer l’amour, à travers sa rencontre avec Kimbembé, celle de ses amis Christiane Kengué et Gaston Okemba dont les portraits révèlent une réelle grandeur. Si les lignes consacrées à la description de la vie à Pointe rouge, Mapapouville, Louboulou, Batalébé et Oweto feront battre plus fort le cœur des natifs qui retrouveront « Les rapides, les mères ya kilo, les mamas Benzs », elles enchanteront ceux qui les découvriront. Le lecteur s’attendrira des pages dévolues à l’enterrement de la mère Kengué, au chasseur Massengo et de celles réservées à Mam’soko. Et puis on découvrira avec effarement le président Lebou Kabouya, le général Edou et ses romains Anacondas, Vercingétorix le gaulois et ses petits fils nègres. Tous se mentent les uns aux autres, afin de gagner du temps pour leur propre cause, et font un tapage infernal. Chacun cherche à être plus patriote que les autres, il s’agit de crier fort, de canaliser, d’exciter secrètement le peuple pour accumuler la haine, ne pas espérer le retour du calme et de la paix, mais au contraire augmenter à l’extrême l’injustice et le mécontentement. Chacun voudrait tirer avantage du désordre et ne fait qu’augmenter par ses menaces l’insécurité générale. Leur devise : ne reculer devant rien, même pas devant la guerre civile. Cela donne véritablement la chair de poule.
Que ceux qui ont déjà lu ce roman restent calmes, un personnage « clé » manque volontairement à l’appel pour la bonne soif des nouveaux lecteurs.

Que dire de plus, sinon que ce beau texte pudique résonne dans mon cœur comme un couplet de Pamelo extrait de « Ce n’est que ma secrétaire » * « bolingo na pesa epayi na yo, na koki kokabela ndambo nibalé té mama », un moment choisi dans le long chemin de l’existence

L’auteur

Poète, romancier, chroniqueur littéraire, Alain Mabanckou est né en 1966 à Pointe Noire au Congo. Il commence des études de Droit à l’université Marien Gouabi de Brazzaville et les poursuit en France. Titulaire d’un DEA en Droit des Affaires (Université de Paris-Dauphine 1993), il devient conseiller dans une filiale du groupe Suez-Lyonnaise des Eaux à Paris.
Parallèlement, il produit et anime des émissions culturelles à Média Tropical. Il fait ses premiers pas en poésie avec un ouvrage de jeunesse, Au jour le jour (Saint-Estève, Maison rhodanienne de Poésie, 1993). Mais c’est L’Usure des lendemains (Ivry-sur-Seine, Nouvelles du Sud, 1995), couronné par le Prix Jean-Christophe de la Société des Poètes Français, qui le révèle en faisant montre d’une inspiration plus personnelle et plus travaillée.

Oeuvres

Receuil de poésies

 La Légende de l’errance (L’Harmattan, 1995),
 Les arbres aussi versent des larmes (L’Harmattan, 1997)
 Quand le coq annoncera l’aube d’un autre jour (L’Harmattan, 1999).

Romans

 Bleu, blanc, rouge (Présence africaine, 1999)Grand Prix littéraire de l’Afrique noire,
 Et Dieu seul sait comment je dors (Présence africaine, 2001)

A paraître prochainement chez le même éditeur African Psycho, nouveau sujet, univers différent.

* traduction très libre
Ma mie, je ne puis offrir ni le quart, ni la moitié de l’amour que je t’ai donné.

Copyright © 2003 - C.B.

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