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Au Congo, les animaux sauvages finissent souvent dans une assiette

vendredi 18 juin 2004

KINSHASA (AP) - Au menu au choix, crocodile, boa, tortue ou antilope avec des frites. Et pour ceux qui sont prêts à tout, steak de singe... En République démocratique du Congo (RDC) comme ailleurs en Afrique, les animaux sauvages finissent souvent dans les assiettes. Au grand dam des défenseurs de l’environnement, qui mettent en garde contre la disparition d’espèces menacées.

Au restaurant Inzia de Kinshasa, la "viande de brousse", acheminée par avion, est frite. "Cela vient de la province de l’Equateur", explique la serveuse, Julie Ntshila, pour encourager un client hésitant à essayer une spécialité du nord-est du pays. "C’est très bon."

En RDC, tout animal vivant est considéré comme un mets potentiel. Et les défenseurs de l’environnement sont inquiets car le commerce de viande exotique dans le pays menace de faire disparaître complètement certains animaux. Deux espèces menacées, le gorille de plaine oriental et le bonobo (chimpanzé nain), vivent exclusivement au Congo-Kinshasa.

"Quelques milliers de chasseurs soutenus par les exploitants forestiers vont tuer illégalement pour plus de deux millions de dollars d’animaux sauvages cette année, dont 8.000 grands singes menacés", estime l’association américaine Bushmeat Project (Projet viande de brousse). A ce rythme, les derniers grands singes sauvages d’Afrique disparaîtront d’ici 15 à 50 ans, ajoute cette organisation de défense des animaux.

La grande pauvreté qui afflige la RDC explique l’existence d’un tel trafic. Alors que le revenu annuel moyen par habitant s’établit à seulement 100 dollars par an (80 euros), selon la Banque mondiale, les chasseurs d’animaux sauvages peuvent gagner dix fois plus sur la même période, souligne le Groupe de travail de crise sur la viande de brousse (Bushmeat Crisis Task Force) basé aussi aux Etats-Unis.

En outre, l’évolution démographique sur le continent et l’implantation croissante des sociétés minières et forestières dans les forêts d’Afrique centrale devraient entraîner une hausse de la demande de viande sauvage de 2% à 4% par an.

En Afrique de l’Ouest, la faune a été tellement décimée que "les rongeurs ont remplacé les antilopes et les primates (...) comme animaux sauvages les plus souvent consommés", souligne le Groupe de travail. En Afrique centrale, on estime qu’un million de tonnes de chair d’animaux sauvages sont mangées chaque année par 24 millions de personnes, pour lesquelles cette nourriture représente 80% de leur consommation de viande.

En RDC, la plupart des habitants ne peuvent se permettre d’être difficiles quant à leur alimentation. Lors de la guerre qui a déchiré l’est du pays de 1998 à 2002, les habitants vivant près des lignes de front ont été réduits à manger des rats ou même de l’herbe. Les humanitaires estiment que le conflit a fait plus de trois millions de morts, principalement par famine et maladie.

Il y a aussi le facteur culturel. "Chaque pays a sa spécialité. En Italie, c’est les pâtes, en Amérique les hot-dogs. Au Congo, la viande de singe en est une", souligne Mama Ekila, propriétaire du restaurant Inzia à Kinshasa. Si des expatriés et des touristes goûtent souvent les mets les plus exotiques à son menu, ce sont les Congolais qui en sont le plus friands, précise Mme Ekila, qui affirme ne pas cuisiner d’espèces menacées.

"Nous mangeons tout ici. Rien ne se perd", souligne de son côté Diner Folo, un habitant de Kisangani dans le nord-est du pays déambulant sur un marché en plein air proposant larves vivantes, serpents grillés, escargots, rats musqués ou encore du macaque.

Reste que la viande de brousse peut nuire gravement à la santé. Les experts estiment que plusieurs épidémies de fièvre hémorragique Ebola, une maladie qui a fait plus d’un millier de morts en Afrique depuis son identification en 1976, sont liées à la consommation d’animaux sauvages malades. Et selon une théorie, le virus du sida serait ainsi passé du singe à l’homme. AP

http://fr.news.yahoo.com

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