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Brazzaville (1) : « Mais où est donc la culture ? ». Essence. Case de Gaulle...

1. MAIS OU EST DONC LA CULTURE ???.... « Les Rencontres du livre vivant » se déroulent donc ici à Brazzaville depuis le 24 juillet au Centre Culturel français (photo). Aucun officiel du pays ne fait le déplacement, personne du Ministère de la culture depuis une semaine. La télévision nationale congolaise tourne carrément le dos à l’événement. Aucune annonce. Aucun élément de sensibilisation. Aucun passage en direct. Madame l’Ambassadeur de France est là, ainsi que beaucoup de Français et de jeunes congolais qui me demandent où sont les « nôtres », les « officiels » ? Que leur répondre ? Rien. Le silence. Au cours d’un débat presque houleux, un intervenant charge, lance une attaque contre l’indifférence des officiels. Nous écoutons sans broncher. On s’en fout presque, puisque la jeunesse est là. Une salle comble venue voir la version théâtrale de Verre Cassé par le comédien Fortuné Bateza. Celui-ci est prodigieux. Je le dis en toute franchise, et j’aurais eu des mots plutôt durs si mon roman avait été travesti.

« Mais où est donc la culture ? » relance un jeune homme. Un autre jeune désigne le bâtiment dans lequel nous nous trouvons - le Centre culturel français - , puis il montre discrètement les Français assis dans la salle en concluant : « C’est eux la culture ! C’est eux qui invitent, c’est eux qui payent les billets d’avions des auteurs congolais, c’est eux qui les logent dans les grands hôtels, c’est eux qui les nourrissent ! Qu’est-ce que vous croyez encore, hein ? C’est vous dire que le livre ici c’est pas la culture ! Ah ! Vraiment ! Tchiadi !!! »


2. EN ATTENDANT L’ESSENCE... Triste tragédie que celle de ces chauffeurs de taxis de Brazzaville qui peinent pour avoir de l’essence. Il n’est donc pas étonnant de voir de longues files d’automobiles - souvent des taxis - devant les stations de curburant prises d’assaut. Ce qui embouteille les artères principales et pousse les conducteurs à s’échanger des noms d’oiseaux migrateurs. Par curiosité, et comme nous étions aux alentours de 22 heures, j’ai abordé un de ces chauffeurs pris dans la nasse de l’attente. Le visage "fermé", l’homme patientait à l’instar d’un personnage sorti tout droit du Désert des Tartares de Dino Buzatti :

« - Quand est-ce que tu espéres avoir un peu d’essence pour ton véhicule ? ai-je demandé au type à la mine patibulaire et qui m’a toisé des pieds à la tête, l’air de dire que je sortais d’une autre planète, celle des singes.

« - J’aurai de l’essence demain ! lance-t-il, ouvrant enfin à moitié son visage de pierre.

« - Mais tu fais la queue dès ce soir à 22 heures ?

« - Si je bouge d’ici, un autre prendra ma place, je dois dormir dans mon taxi jusqu’à la livraison !

« - Mais laisse donc le véhicule ici et ferme-le à clé pour rejoindre au moins ta famille qui doit t’attendre...

« - Et si on me le vole, c’est toi qui vas m’en payer un autre, hein ?

« - Donc, si je comprends bien, tu n’auras de l’essence que demain très tôt ?

« - Tu parles ! Ce sera vers la fin de la matinée, voire en début d’après-midi. Y a de fois je n’ai rien, et je rentre à la maison comme un idiot. Or ma femme elle croit toujours que j’en profite pour dormir chez mon deuxième bureau, une fille bien qui habite à Moukondo et qui me prépare de bons poissons salés aux aubergines, si tu vois ce que je veux dire... Bon, mon gars, là tu vois de tes propres yeux que la file de taxis va atteindre plus d’un kilomètre dans quelques minutes seulement ! Alors je ne bouge pas de ma place... Je dois surveiller les cons qui donnent de l’argent aux serveurs afin de voler notre tour. Tu as quelques cigarettes pour moi ?


3. LA CASE DE GAULLE... Ce soir l’Ambassadeur de France et son épouse nous reçoivent, Boniface Mongo-Mboussa, Christian Burgué - Directeur du Centre culturel Français -, l’Ambassadeur de l’Union Européenne et votre serviteur. Nous arrivons pile à l’heure à la résidence privée de l’Ambassadeur, La Case de Gaulle. Atmosphère agréable. Immense résidence.

On ressent l’ombre du général de Gaulle. Les photos sont là. On nous montre où il passait ses journées. Son bureau. La ville de Kinshasa est en face. On aperçoit les lumières. Hier c’était les élections. La ville est calme. Trop calme. Et ce calme ressemble fort à l’attitude d’un boa qui vient d’avaler une grosse proie et qui ne peut bouger. Les gens craignaient le pire. On respire. Mais on retient le souffle, puisque dans trois semaines on saura qui aura remporté ces élections et quelle sera la réaction des "perdants"... Nous souhaitons une attitude responsable et digne.

Et nous revenons à nos moutons. Le plat est servi. Nous parlons de Voltaire, d’Adotevi, de Céline, de Camus, de Guy Menga, d’Henri Lopes et de Sony Labou Tansi. Il y a un exemplaire du livre de Mongo-Mboussa, Désir d’Afrique, posé ostensiblement sur le bureau du domicile de Monsieur l’Ambassadeur. Madame l’Ambassadeur est aussi peintre. Elle nous montre ses toiles aux couleurs vives, jouant sur les visages et les masques punu entre autres. Elle nous dévoile quelques toiles qu’elle a préparées pour une exposition qui aura lieu à Kinshasa... Nous entrons dans son atelier. Une vraie artiste...

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