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C’est dans "le" Poche !

Un livre publié doit en principe vivre longtemps. Pour cela, seul le format dit « Poche » (parce que facilement maniable) peut faciliter ce miracle. C’est dire que le poche est une survie pour un ouvrage - celui-ci coûtera alors moins cher (entre 2 et 8 euros en général) que le "format ordinaire" (qui coûte en moyenne 16 euros).
Par ailleurs, le poche reste souvent plus disponible dans les rayons des libraires que le livre en grand format qui compte beaucoup de "retours" (après un certain temps, généralement 2-3 mois, le libraire retourne à l’éditeur un livre qui "encombre" ses tables parce que se vendant mal ou pas du tout). En général les livres arrivent chez le libraire avec la faculté pour celui-ci de les retourner à l’éditeur si les ventes ou les critiques ne suivent pas. Mais il y a des exceptions, comme en toute chose...

Le poche est enfin une preuve pour un éditeur de l’intérêt qu’il voue pour l’oeuvre d’un écrivain. En gros, pour un auteur, voir son livre "entrer" en poche est un rêve, mais ce n’est toujours pas si simple que cela. Les critères sont impitoyables dans les grandes maisons, voire injustes et aveugles...

Le principe est que, en dehors des grosses pointures incontournables des Lettres - Edouard Glissant ou Richard Millet par exemple -, ce sont d’abord et avant tout les livres qui ont été "visibles" et qui ont eu un écho commercial qui sont repris presque immédiatement en poche l’année suivante ou deux ans après leur parution.

Tout est en fait question de chiffres, de ventes. Et les grands éditeurs imposent comme condition un nombre d’exemplaires minimum - cela varie selon les éditeurs entre 5.000 à 10.000 exemplaires - vendus avant le passage en poche. (Un chiffre que n’atteint pas la plupart des parutions de fiction). Du coup, la majorité des livres ne connaissent toujours pas la de vie en poche. Certains petits éditeurs ont de ce fait créer leur propre collection de poche et y publient leurs auteurs maison, sauvant au passage la littérature qu’ils veulent défendre quel qu’en soit le prix.

Il arrive que la condition de passage en poche soit l’objet d’un enjeu crucial, et donc insérée dans un contrat de "transfert". Ainsi lorsque Waberi quitta jadis

Le Serpent à Plumes pour la collection Continents noirs de Gallimard, Pierre Astier - alors directeur du Serpent à plumes - imposa au nouvel editeur l’achat en poche d’un titre (Balbala) du Djiboutien pour la collection Folio.

Cependant - et heureusement -, par coup de cœur, par la reconnaissance de l’importance d’une œuvre, un éditeur peut rééditer un livre en poche même si ce celui-ci ne s’est pas bien vendu en format ordinaire.
Si ces cas sont rares - et il s’agit souvent des achats qu’effectue un éditeur dans le catalogue d’un autre - on peut citer en francophonie les achats des livres de l’écrivain algérien Abdelkader Djemai aux Editions Michalon par la collection de poche Folio ou de l’écrivaine suisse Pascale Kramer qui publiait chez Calmann Lévy et voyait ses livres "automatiquement" achetés par Folio.

Le poche fait actuellement vivre les grandes maisons d’éditions, et selon Le Monde des livres de la semaine dernière qui y a consacré tout un dossier, « Le marché du poche présente pour caractéristique d’être très concentré. Les 10 premiers éditeurs font près de 80 % du marché et sont aux mains des principaux groupes. »
Chaque grande maison d’édition ou groupe a sa collection de poche. Ainsi en est-il d’Hachette et Albin Michel (Coll. Livre de poche), ou de Gallimard (Coll. Folio), Seuil (Coll. Points) ou Flammarion (Coll. J’ai lu, Coll. GF et Coll. Champs) ...

Nathacha Appanah

Pour ce mois de mars riche en publications et en manifestations culturelles, un tour d’horizon des titres parus en poche en littérature francophone s’impose -et c’est tant mieux pour votre portefeuille !
Cela tombe aussi à pic pour nous autres qui nous plaignons d’enseigner des livres qui coûtent chers ! Il y aura de quoi satisfaire le plus grognard des profs de littératures ! Plus d’alibis du genre : "Je ne mets pas tel livre au programme parce qu’il est cher, et j’attends son passage en poche !"
En attendant, voici une petite sélection des livres qui sont arrivés chez votre libraire. Vous rencontrerez ces auteurs au Salon du livre de Paris (Porte de Versailles) qui s’ouvre le 17 mars prochains et qui est, comme vous le savez maintenant, consacré aux lettres francophones...

Dans la collection Folio de Gallimard, il y a de bonnes nouvelles : Nathacha Appanah y fait pour la premiere fois son entrée avec son roman Les rochers de Poudre d’or, initialement publié dans la collection Continents noirs. Applaudissons cela puisque - sauf erreur erreur de ma part, mais je ne crois pas me tromper - c’est la première fois - depuis les six ans de l’existence de la collection Continents noirs - qu’un auteur y ayant publié est repris dans la prestigieuse collection Folio ! Chapeau Nathacha !!!
Bon, il est vrai que nous avons noté dans notre chronique "Des Noirs dans la Blanche" que Nathacha Appanah était la meilleure vente de cette collection Continents noirs. Ce n’est donc que justice et équité qu’elle se retrouve en Folio !

Toujours dans Folio, signalons la journaliste Audrey Pulvar avec son roman L’Enfant-bois initialement paru chez Mercure de France (parution le 16 mars) ; Raphaël Confiant sort aussi en Folio avec son livre Le Cahier des romances...

Dans la collection Points des Editions du Seuil, notons entre autres les rééditions de Césaire, Cadastre, suivi de Moi, laminaire, de Senghor, Œuvre poétique, d’Henri Lopes, Chercheur d’Afriques, d’Abdelkader Djemai Le Nez sur la vitre.

Audrey Pulvar

Les "petits éditeurs" et ceux de taille moyenne alignent également plusieurs publications francophones en poche. Ainsi, la Rwandaise Esther Mujawayo est republiée en poche chez L’Aube poche (son livre-témoignage intitulé Survivantes) tandis que Lionel Trouillot voit son roman Bicentenaire allé dans la collection Babel d’Actes Sud...

La guerre des poches fait rage en France, semble-t-il, en lisant le dossier du Monde. Mais pour une fois qu’une guerre fera des "victimes" consentantes (les lecteurs), que demander de plus ? Mettez les livres en poche et que la lecture soit vulgarisee...

Bonne lecture !

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