C’est une ville bien calme que celle de Santa Monica (Californie), et toutes les avenues semblent mener vers la mer. La politesse des conducteurs me surprend, au point que j’hésite de traverser ! Mais ce n’est pas de cela que je voulais vous parler. C’est que, sans m’y attendre, hier j’ai eu droit à un grand cours de géopolitique de la part de ma propriétaire, heureuse d’avoir vu l’Afrique par le petit écran. Le dialogue suivant résume à lui tout seul ce cours magistral :
"- Vous êtes donc du Congo, n’est-ce pas ? fit la proprio
"- Oui, répondis-je
"- Ah le Congo, que je vous en parle donc ! Est-ce que vous avez regardé la télé hier soir, hein ?
"- Non, rétorquai-je, je n’ai pas encore installé la télé...
"- Ah les pauvres Congolais, il faut faire quelque chose pour eux ! Y a de maladies, la famine, ils ont plusieurs femmes, et puis ils se battent tout le temps, les pauvres !
"- A ce point-là, Madame ?
"- Mais est-ce que vous avez vu la télé hier soir, hein ?
"- Non, je n’ai pas encore mis la télé, elle est dans un de mes cartons...
"- Je vous dis qu’il faut faire quelque chose. Et leur Président à eux les Congolais, comment qu’il s’appelle déjà ?
"- Denis Sassou Nguesso...
"- Ah non, c’est pas ce nom que j’ai entendu à la télé, c’était un nom plus long...
"- Mobutu Seseko NKuku Wendo Wazabanga ?
"- Oui ! Oui ! Oui ! C’est ce nom ! Il faut faire quelque chose, les pauvres Congolais vont tous mourir...
"- Il est mort ce Président, Madame...
"- Non, je l’ai bien vu à la télé hier soir ! Il fait souffrir son peuple, ce vilain, on devrait envoyer les Américains faire le nettoyage là-bas ! Et qu’est-ce que vous faites pour ce pauvre pays, hein ?
"- Je suis de l’autre Congo, Madame.
"- Non c’était votre pays, avec le président qui a un long nom et qui porte des lunettes et un truc en peau de léopard sur la tête. Il marche avec une canne, vous voyez ? Je vous dis que je l’ai vu de mes propres yeux hier soir à la télé ! D’ailleurs est-ce que vous avez regardé la télé hier soir, hein ?
"- Non, je vais installer la télé demain...
"- D’accord, mais c’est hier soir qu’il fallait regarder la télé !
"- Alors, Madame, j’installerai la télé hier soir...
"- C’est parfait, et vous verrez que les pauvres Congolais, ils souffrent, ils se battent en eux, ils ont beaucoup de femmes, mais vraiment faites quelque chose...
Et notre dialogue, très riche et digne de figurer dans un roman d’un écrivain en panne d’inspiration se poursuivit ainsi.
