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Congo : Le Mythe de l’ethnie et/ou de la tribu (suite)

A la suite du texte que j’avais eu l’honneur de soumettre à votre réflexion et surtout aux réactions des uns et des autres, je me suis vu dans l’obligation de sortir de ma réserve, car il n’est pas question que j’engage des polémiques inutiles dont seuls les Congolais ont le secret. Je nourris le secret objectif de susciter une réflexion interrogative en chacun de nous et non des débats sans fin, comme c’est souvent le cas. Je m’abstiens donc dans la plupart des cas à répondre aux posts des internautes.

L’objet de ce texte est d’essayer d’apporter certains éclaircissements, en définissant certains mots de façon absolu d’un côté et de l’autre en analysant ce qui ressort comme conséquence idéologique notamment en ce qui concerne la sémantique et la charge (s) que véhiculent certains mots que j’ai utilisés dans mon texte
 :

1- Définition de certains mots de façon absolue

« Génocide, Mythe, Homogénéiser et Violence »

Je vais ici donner les définitions de ces mots tirées du grand Larousse de la Langue française. Pour mieux compléter leurs connaissances, je conseillerais vivement au lecteur (comme nous sommes à l’heure du net) d’aller fouiner sur les moteurs de recherche ce que ces mots veulent dire et de faire l’exercice de traduire dans chacune de vos langues maternelles ou paternelles les définitions du Larousse que je vous ai livrées, vous vous rendrez compte de la supercherie que la rhétorique fait impliquer comme dialectique. Quand nous aurons donné la Définition du mot violence ; la Définition du mot Génocide ; la Définition du mot Mythe ; la Définition du mot Homogénéiser ainsi que des autres mots survenant dans l’argumentaire qu sera développé ci-dessous. :

Définition du mot violence :
In le grand Larousse, le mot violent se définit comme mot d’origine latine de violentus qui est enclin à user avec brutalité de sa force physique, qui est très emporté, susceptible d’utiliser des armes
Violent est aussi synonyme de : agressif, brusque, brutal, coléreux, frénétique, furieux, impétueux, irascible, terrible, véhément, virulent,
De cette définition , et il serait par conséquent possible de la retourner de la façon suivante : Les Congolais sont-ils agressifs, brusques, brutaux, coléreux, frénétiques, furieux, irascibles, terribles, véhéments et enfin virulents. Avec en subsidiaire pourquoi ?
De façon sémantique et idéologique, Selon Françoise Héritier [1] : appelons violence toute contrainte de nature physique ou psychique susceptible d’entraîner la terreur, le déplacement, le malheur, la souffrance ou la mort d’un être animé ; tout acte d’intrusion qui a pour effet volontaire la dépossession d’autrui, les dommages ou la destruction d’objets inanimés. …

Et donc pour compléter ma définition je vous soumets la traduction de la définition ci-dessus en munukutuba (kikongo ya l’état) :

MUNUKUTUBATRADUCTION
beto bokila bunkeshi nionso yina ké salama na ngoolo to na kilunsi mambu yina kietsi kunata booma, kukiima, kiiadi, mpasi to lufwa ya bimooyo(muntu) ; konso diambu ya ku kota na ngolo yina kenaata na kukaniissa kubotola ya ngana, ba ma mviimpi to ku mwanguisa ya biima ya ngana appelons violence toute contrainte de nature physique ou psychique susceptible d’entraîner la terreur, le déplacement, le malheur, la souffrance ou la mort d’un être animé ; tout acte d’intrusion qui a pour effet volontaire la dépossession d’autrui, les dommages ou la destruction d’objets inanimés...

2- En ce qui concerne la sémantique et la charge que véhiculent certains mots utilisés dans mon texte

Depuis plusieurs années, les violences en Afrique sont expliquées sous l’angle idéologisant de la séparation communautaire (Hutus et Tutsis au Rwanda et Burundi, Yoruba et Ibo au Nigéria). Et de ce fait à cause de la durée de ces violences sur le continent l’ethnie et/ou la tribu deviennent des mythes africains à tel point que les Occidentaux ont eu du mal à extrapoler les mêmes phénomènes en Yougoslavie. Il est à noter que les mythes naissent et disparaissent avec les peuples, cela compte tenu de la loi naturelle des choses et du brassage intense des populations congolaises, on peut parler de l’inexistence de l’ethnie au Congo.
C’est ainsi que l’on a vu et voit encore se développer une pseudo littérature scientifique d’abord sur la race, dans les années de l’esclavage et de la colonisation, de la tribu dans les années post-indépendances, de l’ethnie dans les années quatre-vingts et cette fin de ce siècle. On tend actuellement vers les appellations pleines d’euphémisme : le groupe linguistique ou communauté linguistique.
Beaucoup d’analyses semblent évoquer le tribalisme ou l’ethnicisme comme cause principale des maux dont souffre l’Afrique. En réalité, il ne s’agit que d’un mythe. En effet, l’ethnie et/ou la tribu sont systématiquement utilisées pour expliquer les faits en Afrique. Pourquoi donc cela ?
Deux réponses viennent à l’esprit : soit, il s’agit d’une volonté délibérée de divertir l’Afrique de ses vrais problèmes, soit il s’agit d’une idéologie raciale de total mépris envers les Africains. C’est ce que pense Jean-François Bayart, lorsqu’il écrit : "En revanche, nous voyons comment ce mythe, inhérent au raisonnement culturaliste, inspire un relativisme politique qui tend à denier aux Africains l’accès à l’universel" [2]
Ces derniers (les Occidentaux), répugnent ou rechignent à considérer les Africains, comme des humains à part entière. Cet argument a la conséquence d’enlever aux Africains toute humanité, leur conférant plutôt des qualités bestiales. C’est-à-dire que toutes les qualités physiologiques et psychologiques de tout être humain face à des problèmes leur sont déniées.
Maintenant si cet argument, comme c’est souvent le cas, est utilisé à tort par le politicien africain, cela par contre prouve son incapacité à lire et à comprendre la société dans laquelle, il prétend évoluer au quotidien. Il s’agit de son énorme cécité sociale, de sa réelle volonté de mensonge pour camoufler son incompétence dans la gestion des choses publiques et de sa propre existence et surtout pour maquiller sa kleptomanie pathologique.

C’est cette carence de création sociale, faute de véritable élite, qui fait croire à l’existence des ethnies.
C’est aussi cette cécité qui empêche à tous les congolais de constater avec bonheur, que l’homogénéisation dans la diversité humaine des Congolais, dans un mouvement irréversible, à cause du développement accéléré des techniques de communications, se réalise dans le sens du progrès humain.
Une homogénéisation qui rend de manière objective, l’ethnie dans sa forme archaïque tout à fait inexistante et caduque.

Au niveau sociopolitique, c’est plutôt le résultat d’une absence quasi-certaine de propositions alternatives aux difficultés sociopolitiques et économiques actuelles. D’une coupable et flagrante défaillance de la part de ceux qui prétendent faire la fameuse élite congolaise (qui en réalité n’existe pas) à établir des rêves, à construire des normes sociales, philosophiques, morales, politiques, et économiques à proposer des repères d’ancrage psychologique et de lecture sereine de l’évolution du monde tout comme de réaction face aux rapides mutations sociales, se déroulant tant au niveau interne qu’externe.

La présence en plus, des espaces géographiques sur lesquels, les non-politiciens congolais tentent de faire évoluer leurs discours dits politiques n’est que conventionnel voire factice et relève de la pure invention, la preuve nous a été donnée par la création récente et artificielle du Nibolek ou Niboland.

Ce genre d’invention répondant parfaitement à un besoin légitime d’appartenance et de considération, de la part d’une catégorie de la population, que les politiciens, en panne d’imagination sociopolitique et de propositions pour une véritable transformation sociale, utilisent mal et souvent contre leurs intérêts.

Donc on le voit au prime abord l’ethnie est avant tout une création de l’esprit, et non une contrainte naturelle. En effet, pour survivre dans un environnement hostile et incertain, il faut à l’homme délimiter son territoire d’évolution. Cette opération lui permettant de se différencier des autres et de s’identifier par rapport à eux. C’est pourquoi le colon procédera à la division territoriale pour différencier les gens et éventuellement les opposer. Dans ce genre d’opération, pour ce faire et réussir on passe par des mythes. L’ethnie en est une.

Définition du mot ethnie :

Avant de poursuivre à démontrer en quoi l’ethnie est un mythe, il importe d’abord de définir ce qu’est l’ethnie ? Ce mot au concept flou et difficilement rigoureux ne peut se résumer à une seule définition comme je l’avais déjà indiqué dans mon livre paru en 1995 intitulé « la nouvelle utopie africaine ».

L’ethnie peut se définir, à partir de ces manifestations, comme un ensemble communautaire regroupant des personnes parlant la même langue ou ayant les mêmes origines à propos de leur lieu de naissance ou celui de leurs parents.
Dans le cas du Congo, l’histoire de ces trente dernières années a fait de la région l’élément central de l’identité ethnique. C’est pourquoi le pouvoir actuel de Brazzaville comprenant et dans sa volonté d’instrumentaliser les problèmes identitaires inhérents à tout être humain, a vite fait de transformer les régions en départements. Dans le cadre de la psychologie sociopolitique, ce nouveau mot n’ayant pas de charge affective, ne saurait cristalliser les passions identitaires ayant secoué ce pays depuis bientôt trois décennies.
Cette première définition du mot ethnie ne fait pas appel à d’autres éléments tels que les mœurs sociales. Elle paraît dans sa forme actuelle très insuffisante et dans beaucoup de cas, ne permet pas de donner aux individus une identité viable.
L’ethnie se présente plutôt comme une identité collective à la manière de l’ethos (comme chez les grecs : même origine, même condition humaine) ou à la manière de la tribu (comme dans la Rome antique : même lieu de vie).

La définition du mot ethnie communément entendue partout par l’Africain moyen et même le fameux intellectuel quand elle est appliquée au Rwanda et Burundi ne tient plus car les Hutus et les Tutsis ont les mêmes mœurs, préparent les mêmes plats, les mêmes lieux de naissance et parlent la même langue, ce qui crée l’ethnie dans ces deux pays c’est le mode social de travail au départ, disons à l’arrivée du blanc ; les uns sont éleveurs et les autres sont agriculteurs, voilà sur quoi se fonde l’ethnie dans ces deux pays.
Dans ce cas l’apparition de l’ethnie survient en même temps que la pénétration occidentale.
Et définir l’ethnie est totalement difficile.

Il est plus facile de procéder par l’analyse du mode opératoire ainsi que de ces expressions c’est-à-dire l’ethnicisme ou le tribalisme qui sont, on doit le dire des idéologies coloniales récupérées par les prédateurs autochtones. C’est en lisant dans leurs manifestations que l’on pourrait conclure sur leur véritable caractère et dire si c’est vraiment l’ethnie et/ou la tribu qui pose problèmes.

Pour revenir donc aux fameuses ethnies congolaises, qui sont en réalité des groupes ou communautés linguistiques, l’on est frappé par la similitude des habitudes sociales en ce qui concerne les rites de mariage, de naissances, et de funérailles. Le sens aigu de l’hospitalité (mfuumu ngaana), de vie familiale et de conception de l’homme est presque identique à 99%. Il est quasi certain que les Congolais partagent aujourd’hui à 99% les mêmes croyances spirituelles ( un seul dieu : nzaambi ya puungu et le ki ndooki), les mêmes rituels (tous les hommes sont circoncis, pas de mutilation sexuelle des femmes), mœurs sociales (exogamie pour le mariage, foyer conjugal patrilocal,) et d’autres choses comme les langues lingala, munukutuba et français. Toutes les langues congolaises sont d’essence bantoue. Dans tout le sud du Congo c’est le matriarcat qui domine comme système de filiation, au contraire du nord qui pratique le patriarcat. C’est là l’unique différence si ç’en est une.

Toutes les communautés congolaises ont montré de la même façon leur capacité et limites à se moderniser tout comme à supporter les chocs externes. Toutes, par leurs activités ont créé d’autres mythes ou explications du monde que je peux appeler de symbiose [3] congolaise : un début d’ethnie moderne.

Prouvant à l’évidence de l’inexistence actuelle des ethnies dans leurs archaïques formes coloniales au Congo et révèle le déficit culturel.

Affirmer qu’il existe différentes ethnies au Congo c’est manquer de culture sur l’origine des hommes, des migrations des populations qui composent l’Afrique et/ou relève beaucoup plus d’une volonté délibérée de réinventer de toutes pièces (je le répète) ce qui est faux au départ.

C’est en fait méconnaître la vraie histoire de l’Afrique en général et du Congo en particulier depuis les origines.
C’est aussi une façon d’introduire à tout prix une différentialisation culturelle ayant pour but d’établir une hiérarchisation dans les relations sociales. Un genre des relations sociales conduisant inévitablement à terme des relations pyramidales de type dominateur/dominé.
Tout le contraire de l’égalité, de la non-violence, de la tolérance et du respect de la vie. C’est ce qui arrive au Congo, le Koongo se sentant différent du Ngaala et de part et d’autre on veut dominer l’autre. D’où le caractère conflictuel de la relation qui existe entre ces deux groupes d’humains, faisant du coup ressortir une forte impression de juxtaposition de différentes communautés dites ethniques dans le territoire du Congo n’ayant rien en commun, et surtout une vision rétrograde tournée vers un fictif glorieux passé.

L’évocation de l’ethnie toujours dans ce cas, tient beaucoup plus aux éléments suivants : une perte d’identité angoissante créant un état anxiogène face aux difficultés présentes, aux incertitudes grandissantes face à l’avenir et à une volonté culturaliste de la part des alphabétisés aux français face aux antagonismes historiques de travestir dans le mensonge et l’omission la vraie histoire des hommes et femmes peuplant ce pays.
De fiction coloniale, on en a fait un mythe social, puis politique.

En conclusion, l’ethnie devenant tout simplement mythe, les politiciens en panne d’intelligence et de compétences sociales l’ont transformée en outil de stratégie. Cela pour cacher le lourd déficit culturel des Congolais malgré ce qu’ils semblent croire et faire croire aux autres « qu’ils sont intelligents ».
Ces derniers en réalité étant en face d’une inculture de deux ordres : primo : ils ne connaissent pas leurs propres traditions et valeurs secundo ils méconnaissent tout des autres, que ce soit son voisin immédiat que ceux qui viennent de loin qu’ils soient Africains ou Européens ou encore Asiatiques.
Les Congolais ne disposent d’aucune connaissance et savoir pour faire face à l’altérité. Cela, faute de culture, ils sont victimes d’un double mensonge de la part du personnel politique, qui fait croire à ces derniers sur la base du discours teinté d’ethno-régionalisme, qu’il les aime et va résoudre leurs problèmes à leur place.
Un second mensonge pour venir justifier leur échec, que ce sont les autres des ethnies en face, qui sont responsables, occupent tous les postes et empêchent par là l’évolution normale des choses.
Les Congolais qui sont dans des difficultés quotidiennes angoissantes identifient les autres ethnies, d’ennemies à abattre. C’est le début de la haine qui empêche toute réflexion objective et créant surtout des êtres schizophrènes.

C’est pour cela, allant à contre courant de la littérature congolaise, qui continue à affirmer l’existence des ethnies au Congo et/ou à vouloir lire les événements du Congo sous ce dangereux angle. Il paraît plutôt juste d’affirmer l’inexistence des ethnies et de constater la grande difficulté culturelle d’obtenir un envol des hommes de ce territoire par l’idéologie de l’unité nationale ou de la nation à partir des ethnies ou des sous-cultures évoquées dans les discours de production sociale et/ou politique, empruntés au personnel politique et aux alphabétisés au français, qui restent tous empreints d’ethnicisme.

L’ethnicisme, selon moi, représente la somme des conséquences d’une non-socialisation des territoires, par faute de culture de dignité et de réalisation économique.

Voilà selon moi une présentation pas trop exhaustive de ce que j’entends par ethnie, et je me ferais le devoir dans les prochains jours de définir les autres mots cités ci-dessus.

D’autres articles traitant de la question se trouvent sur mon blog

http://lepangolin.canalblog.com

http://lepangolin.canalblog.com/archives/2007/09/20/6270999.html

http://www.canalblog.com/cf/my/index.cfm?pageNum=3&nav=blog.content&bid=92198

Ethnie, notions et reflexions (30 octobre 2006)
http://lepangolin.canalblog.com/archives/2006/10/30/3040259.html

http://lepangolin.canalblog.com/docs/Le_couple_mythe_de_l_ethnie.htm

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