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Un Juste

Jean-Luc Malékat (1951 -2024)

Photo: Jean-Luc Malékat, ancien ministre des Finances sous la Transition

Jean-Luc Malékat (1951 -2024) est décédé à Nice. Avec la vitesse de l’éclair, ce lundi 15 avril, dès 15 heures, la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux, créant une véritable onde choc dans la diaspora congolaise. Combien de fois ne l’avait-on pas donné pour mort ? On peut, en passant, parler, comme Gabriel Garcia Marques, de « chronique d’une mort annoncée » qu’auront écrite nombre de compatriotes depuis la longue période où il a souffert, car il a beaucoup souffert.

Faire l’objet d’une spéculation ante-mortem, c’est à ça qu’on reconnaît la popularité d’un Etre selon qu’il est bon ou mauvais. Or le moins qu’on puisse dire, le défunt a fait l’unanimité pour son intégrité éthique. « Il était humain, humble et intelligent  » reconnaissent, a posteriori, amis et adversaires.
Certes, atténua Jésus dans les Saintes Ecritures, « Personne n’est bon, Dieu Seul est bon ». Il ne demeure pas moins que certains ici bas, ont le mal, le vol, la cupidité, le cynisme en horreur. On peut, ceux-là, les classer dignes de bonté.

Parcours

Docteur en Economie, Jean-Luc Malékat passait pour un maniaque de la théorie fiscale et il fit de l’impôt un objet d’étude qui donnait des sueurs froides aux fraudeurs du temps où il exerça le métier de contrôleur au Ministère des Finances. L’histoire est catégorique à ce propos : ce fut la seule période où le Congo paya salaires, pensions et bourses grâce aux seules recettes fiscales. Un âge d’or dont tout le monde parle avec admiration et respect. Le professeur Jean-Luc Malékat parvenait à vous dénouer et expliquer les dossiers économiques les plus sophistiqués dans lesquels était empêtré le Congo. Démystifier les montages douteux qui font et continuent de faire désastre dans notre économie était jeu d’enfant pour cet ancien étudiant de Rennes, de Grenoble et de Clermont-Ferrand.
Les malfrats du Chemin d’avenir ne l’ont jamais porté dans leurs cœurs puisque ce calviniste de l’intégrité éthique a été de ceux qui prônaient les audits financiers dans les sociétés d’Etat siphonnées par les oligarques d’Oyo. Les audits, on sait, sont la bête noire de ceux qui cannibalisent les entreprises sans pitié et avec morgue.

André Milongo

C’est pour cette raison que ce disciple de Keynes eut la faveur du très orthodoxe André Milongo, Premier Ministre de la Transition en 1991, quand il eut besoin d’un ministre des Finances afin de mener à bien l’assainissement de notre pays ravagé par une incroyable mégestion des prédécesseurs du régime issu de la Conférence Nationale Souveraine.

A l’arrivée de Pascal Lissouba au Pouvoir en 1992, les compétences du Mozart de la fiscalité, ancien lecteur d’Adam Smith et Ricardo, ne furent jamais employées à bon escient. Lissouba préféra Moungounga Nkombo-Nguila avec toute la gabegie que cela engendra. Lorsque survint la guerre civile de 1997, Jean-Luc Malékat comme nombre de cadres de haut niveau que compte notre pays alla lutter sur le champ de la bataille politique que l’exil avait suscité dans la diaspora. Une canaille politique, Florent Ntsiba (qui un jour repassera par là) disait « L’exil c’est dur. »

On se souviendra des combats épiques de Jean-Luc Malékat menés vaille que vaille , sans le moindre financement, au sein des associations New-Concept Humanitaire, Accor, Les Assises, autant d’instruments de résistance œuvrant à mettre un terme à la politique de ceux qui siphonnent le Trésor Public au Congo.

Puits de connaissances

Né à Brazzaville, l’ancien Ministre des Finances aimait sa ville comme jamais et passait pour un érudit quand il s’agissait d’évoquer ses faits historiques les plus marquants.
« Mes parents ont été les premiers propriétaires du terrain où a été érigée la Basilique Ste-Anne du Congo » narrait Jean-Luc Malékat qui pouvait se revendiquer à juste titre « Enfant de Poto-Poto ».
« Ma tante, Gabrielle Malékat fut l’épouse de Paul Kamba » disait-il. Autant dire que l’art musical demeurera une institution familiale quand on sait notamment que sa mère ; Firmine Malékat née Lezo fut à l’origine de la fraternité des femmes chrétiennes et fut aussi l’auteure de plusieurs cantiques du répertoire catholique congolais.

C’est une bibliothèque qui vient de s’éteindre et, il est regrettable que cet ancien chanteur ténor de la Chorale des Piroguiers de Ste-Anne de Brazzaville n’ait pas laissé des écrits. Aucun chapitre de l’histoire du Congo n’avait de secret pour cet illustre compatriote qui nous laisse sur notre faim maintenant qu’il a rejoint le monde des Anges.

Messe de Noël

C’est avec un vif intérêt que Jean-Luc Malékat vous narrait les péripéties de la célèbre messe de la Nativité que les petits chœurs d’Emile Oboa chantèrent en direct à Paris devant Edith Piaf et sous les oreilles attentives du général de Gaulle, « l’homme de Brazzaville ». La mythique messe fut retransmise sur les ondes d’ORTF. C’était en 1959. La voix de tête de « Mwana ndessi la léya, » c’était lui.

L’Ecole de Nice

Ayant planté sa tente dans les Alpes-Maritimes depuis plus de vingt ans, Jean-Luc Malékat, on peut le dire, appartenait à « L’Ecole de Nice », un cercle d’analyse politique, un cadre d’intelligibilité qui a eu son impact sur le débat national congolais.

Nos pensées vont à Charlotte Malékat, son épouse qui a été formidable jusqu’au bout. Nos sincères condoléances à toute la famille Malékat, notamment à son père Félix Malékat.
Le seul regret c’est que la chute de ceux que Jean-Luc Malékat a sincèrement combattus arrive après sa mort, de surcroit en exil, loin de son Congo natal.

Non, ce n’est pas l’exil qui est dur. Ce sont les desseins de la Providence qui sont dur à sonder.

Repose en paix digne fils du Congo
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Thierry Oko

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