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Congolais débrouillards : Les roulages

Gazette kinoise : Ça ne peut pas arriver chez nous...

Dans son excellent blog congoblog.net, Cédric Kalonji nous expose avec humour et clairvoyance les tracas des kinois. Il est bien entendu impensable que de tels faits puissent avoir lieu à Brazzaville ou Pointe-Noire. Jugez vous même :

Ils sont très nombreux à me demander de parler de choses positives ou encore de ces congolais qui se débrouillent pour s’en sortir dans un pays dépourvu de structures formelles. Je commence donc une série « congolais débrouillards » et à l’honneur aujourd’hui, les policiers de la circulation plus communément appelés Roulages .

Leur travail
Le rôle du roulage est de régler la circulation et veiller au respect du code routier. On les retrouve le long des rares routes encore asphaltées à Kinshasa et dans les autres coins du Congo. Ils bravent tous les jours en faisant leur travail le chaud soleil tropical mais ils n’aiment pas trop la pluie. Dès qu’elle arrive, ils courent s’abriter et pendant ce temps, les usagers de la route n’ont qu’à se débrouiller.

Quelques chiffres
Un roulage qui requiert l’anonymat m’a livré quelques chiffres très intéressants. Lorsqu’il a la chance de le toucher, son salaire mensuel tourne autour de 30 dollars américains. Il a 6 enfants, deux sont à l’université, trois à l’école et le tout petit dernier dans les bras de sa mère.

Son loyer lui coûte 80 dollars américains. Il paie sans compter syllabus et différents frais supplémentaires 180 dollars par année et par enfant pour ceux qui sont à l’université et environ 120 dollars par année et par enfant pour ceux qui sont à l’école. Faut-il que je mentionne qu’en père de famille, cet homme doit aussi nourrir, vêtir et assurer pour lui et pour sa famille un accès aux soins de santé ?

Pas besoin d’être un expert en finances pour réaliser avec ces données chiffrées que ce fonctionnaire dépense bien au delà de son salaire.

« Je me débrouille », m’a-t-il répondu lorsque je lui ai posé la question de savoir comment il faisait pour s’en sortir.

En quoi consiste cette débrouille ?
Arrêter tout au long de la journée le maximum de conducteurs en infraction et leur faire cracher quelques francs. Quand il n’y a pas infraction, il faut en trouver, en créer une s’il le faut. Le montant des amendes varie en fonction de la tête du client, de la marque de la voiture et même de la couleur de la peau du conducteur. Tradition orale oblige, pas de quittance après paiement.

En fonction de la rentabilité du coin où ils se retrouvent, les roulages s’en sortent avec une moyenne de 20 dollars par jour. Ils doivent verser une partie de la somme aux « commandants » qui eux restent enfermés toute la journée dans leurs bureaux. « Je donne une partie de l’argent que je gagne au commandant afin qu’il veille à ce que je sois toujours placé dans des coins rentables » m’a laissé entendre mon ami roulage.

Les meilleurs clients :
Les premiers dans la liste des meilleurs clients sont les chauffeurs taxi. Pas très éduqués et ne connaissant pas trop leurs droits, il ne sont souvent pas en règle et donc prêts à payer sans trop faire d’histoires. Il faut quand même faire attention parce qu’ils sont très imprévisibles. Un moment de distraction et ils vous glissent entre les doigts.

Viennent ensuite les expatriés (blancs de préférence) qui ne connaissent pas très bien les règles du pays et tremblent devant les policiers pensant qu’ils sont aussi méchants que ceux qu’ils ont chez eux. Prudence cependant, Il est possible qu’ils connaissent des autorités haut placées et faire des problèmes.

Faut-il au regard de cette situation traiter ces policiers de corrompus ou doit-on considérer que comme tous les autres fonctionnaires congolais sous-payés, ces gens se battent à leur manière pour leur survie, pour trouver chaque jour leur pain quotidien ?

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