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"Consensus Citoyen" a fait son Université d’automne à Aix-En-Provence samedi 25 novembre 2006

"Rencontre citoyenne" : c’est sous ce label que les Congolais se sont réunis ce samedi 25 novembre 2006 à Aix-en-Provence en posant l’éternelle problématique : comment sortir le pays de la crise politique qu’il traverse depuis plus d’une décennie ?

(Photo en médaillon : Bureau du Consensus Citoyen : Dr M. Guitoukoulou, Me. Kissambou, Dr S. Mianfoutila)

Ce samedi 25 novembre 2006, fête de la Ste-Cathérine, dans un cadre bucolique provençal finement peint par Cézane, magnifiquement décrit par Pagnol, une fois de plus, des Congolais ont cogité sur le cas de leur pays profondément malade. En effet, s’est tenu à Aix-En-Provence un séminaire doctement intitulé « Université Citoyenne ». Ce cadre intellectuel a regroupé une trentaine d’invités parmi lesquels une figure emblématique, le colonel Marcel Touanga, Président de l’Association des Parents des Disparus du Beach.

Matérialisation d’un consensus : M. Touanga, P-S-Benga, M. Guitoukoulou à Aix-en-Provence

La rencontre d’Aix, dans les Bouches du Rhône, s’est faite (ceci n’est pas hasard) sous la direction des Dr Marcel Guitoukoulou, Séraphin Mianfoutila, et de Me Guy Kissambou. Le thème abordé a été le suivant : « Consensus citoyen pour la renaissance du Congo-Brazzaville ». Etant donné la qualité des organisateurs, il faut sans doute comprendre aussi : thérapeutique pour une pathologie chronique nommée "totalitarisme récurrent".

Les Dr M. Guitoukoulou et S. Mianfoutila sont des routiers de l’humanitaire, des forçats (j’allais dire) du bien-être de leurs compatriotes. C’est sans doute leur métier de médecin qui justifie cet investissement à la fois moral et physique. On se souviendra de leurs actions depuis « Rhéa Terre des Hommes » en relation avec New Concept Humanitaire et depuis PLC la Rupture (Parlement Libre du Congo) au colloque de Pertuis en avril 2000.

Communiqué final

Le communiqué final lisible in extenso sur le site Kimpwaza n’a pas reflété l’intensité des débats qui ont eu cours à Aix-en-Provence. L’auditoire, politiquement hétéroclite, ne s’est pas inscrit (on s’en doute) dans un consensus analytique béat. D’ailleurs les échanges sur la loi de financement des partis politiques au Congo ont suffisamment montré les divergences d’interprétation pouvant se dégager sur la vision que chacun se fait du champ politique congolais notamment sur les définitions des notions.

Qu’est-ce qu’un parti politique ? En existe-t-il au Congo au sens où l’entendent les politologues ? Et qu’est-ce qui fonde un parti politique ? A cette question, certains ont répondu : « son idéologie ». De sorte que, sur la base de ce contenu, il a été suggéré que seul le PCT répondrait à la définition d’un parti puisque étant le seul à avoir une « idéologie ». Reste à savoir ce qu’on entendait par « idéologie » car, soit dit au passage, le marxisme supposé être l’idéologie du PCT a été renié par ses membres depuis la chute du Mur de Berlin. « D’ailleurs qu’est-ce que la gauche, qu’est-ce que la droite dans nos pays ? » se sont demandés les « universitaires » d’Aix. Cette dichotomie ( gauche/droite) propre au champ politique français n’a aucune représentation sur l’échiquier congolais. Seuls ceux qui adorent fantasmer à tout bout de champ sur la politique occidentale trouvent un malin plaisir à transposer ces concepts dans un pays comme le Congo où n’existent depuis des lustres qu’une oligarchie politique et un vaste prolétariat, c’est-à-dire une classe de voleurs et une classe de victimes de vol et où la seule idéologie, à en croire les anthropologues, est le népotisme parental et la sorcellerie.

Vous avez dit consensus ?

A Aix, quatre communications ayant suscité des discussions ont été faites ce 25 novembre à l’hôtel Campanile. Elles étaient centrées sur le processus de démocratisation au Congo et la réhabilitation de la démocratie, sur l’alternative et le concept de Constitution. Les conférenciers furent, entre autres, Cicéron Massamba, Alain Kounzilat. Ce dernier a traité du « K-Politique dans le cadre du Consensus. » De quoi s’agit-il exactement ? « K est une mesure mathématique, un essai d’explication de la propagation des ondes maléfiques (sorcellerie) en utilisant les symboles mathématiques » explique le conférencier A. Kounzilat dont l’une des problématiques a jadis porté sur le K-Kundu (un essai d’explication de la sorcellerie magique par les mathématiques)

« K-politique est une notion de topologie, la topologie étant une astuce consistant à mesurer un ensemble dont on ne maîtrise pas tous les paramètres. L’idée est d’avoir des astuces ou si l’on veut des « topos » pour, justement, cerner le domaine d’étude » a problématisé Alain Kounzilat.

« Le meilleur topo, c’est de se baser sur les observations, d’aller sur le terrain côtoyer les hommes politiques, voir comment vit la population, mesurer les écarts. » Comme le ferait n’importe quel spécialiste des Sciences Humaines. « En fait il s’agit d’une analyse sociologique où les statistiques ne doivent pas être négligées car il s’agit de faire des moyennes, des variances, ces co-variances, des écart-types, les risques » précise A. Kounzilat, ingénieur en mathématiques.

De ce point de vue Marcel Guitoukoulou ou Jean Gustave Ntondo qui se sont risqués sur le terrain (ils sont allés dans le fief de Ntoumi ) passent pour de bons « topologues. » L’équipe des médecins de PLC la Rupture s’est en effet illustrée depuis près d’une dizaine d’années dans l’humanitaire à destination du Congo nécessitant de nombreux voyages sur le terrain. Et au moment où s’écrivent ces lignes, l’association humanitaire est confrontée à un dilemme : comment acheminer une ambulance et un hôpital mobile à Mfilou (arrondissement 7 de Brazzaville) alors que les moyens financiers font cruellement défaut (il manque 4.000 euros) et sans que ce matériel médical ne soit détourné par quelques fonctionnaires véreux ?

Les débats

Peut-on ou non organiser les élections au Congo alors que le Pool est totalement déstructuré ? A cette question, les avis ont divergé. Un orateur a évoqué un précédent, celui où, sous Lissouba, on se passa des résultats d’une élection législative parce que les députés d’une circonscription n’arrivaient pas à se départager. Les Institutions de la République ne fonctionnèrent pas moins malgré cette situation inédite. Mais peut-on comparer élections législatives et élections présidentielles ?

Qui dit Pool, dit Ntoumi. Son représentant, Jean-Gustave Ntondo, pris à parti au cours des débats fut dans ses petits souliers quand il fut question de répondre aux attentes des débatteurs. J-G Ntondo s’est lancé dans une rhétorique où il « conditionne » la situation de la région au « statut » de son leader Ntoumi. M. Guitoukoulou, modérateur, recentrera les débats en faisant promesse que les fils et les filles du Pool « vont se retrouver à travers une concertation pour mettre un terme définitif au drame que vivent les populations civiles. »

Le dernier débat, tout aussi passionnant que celui qui portait sur l’abrogation ou non de la loi sur les partis politiques votée par le Parlement congolais, avait un caractère didactique même s’il dégageait un parti pris évident de la part de l’orateur, Nombo. Il portait sur une étude comparée des deux dernières Constitutions votées récemment ; celle de 1992 et celle de 2002 que certains ont dit « taillée sur les mensurations de l’abacost de Sassou... pour qu’il y entre. »

Après débats et échanges fructueux, des points de convergence ont été dégagés et le conférencier a conclu que « c’est à l’usage que l’on jugera cette constitution et que toutes les constitutions ne valent que par leurs animateurs. »

Interventions : morceaux choisis

Marcel Touanga (Association des Parents des Disparus du Beach) est intervenu dans le sens de l’unité des forces favorables au changement démocratique dans notre pays. « J’ai contribué à l’analyse de la situation nationale aujourd’hui catastrophique. J’ai réaffirmé la détermination des Parents des Disparus du Beach à poursuivre cette affaire en lui donnant un caractère beaucoup plus large » nous a confié ce militant des droits de l’homme joint au téléphone.

« Désormais l’action ne s’arrête pas aux victimes du Beach, mais à toutes les victimes d’incurie du pouvoir de Brazzaville. Tous les parents doivent se mobiliser pour qu’une reconnaissance soit faite de la mémoire de toutes les victimes » a-t-il estimé.

Sur le plan économique, Marcel Touanga a exigé plus de clarté dans la gestion, en responsabilisant non pas des « sociétés fantômes créées par des familles » mais des « ministères institutionnellement constitués. »Pour la sécurité dans le Pool, ce père éprouvé a préconisé qu’une grande action soit engagée « non pas pour tuer mais pour un dialogue quels que soient les milieux. »Conscient de la faiblesse de la nature humaine M. Touanga a « invité les populations du Pool de ne plus être l’instrument de certains dirigeants manipulés par le pouvoir et que pour des raisons de cupidité ont vendu leur âme. »

Marcel Touanga et Paul Soni Benga : un échange franc

En marge de l’Université d’automne du Consensus Citoyen, Marcel Touanga et Paul Soni Benga ont eu un échange que chacun a qualifié de « courtois ». C’est peu de dire que ces deux acteurs de la politique congolaise ont une vision respective de l’état de la Nation. Cela n’a pas empêché P.S. Benga de qualifier leur échange à bâtons rompus de « respectueux et plein d’émotions », et que le colonel M. Touanga, selon l’auteur des "Non-dits des violences politiques du Congo-Brazzaville" (Paris 2005) avait des « positions consensuelles qui l’ont surpris ». Paul Soni Benga a rappelé à M. Touanga qu’il « comprenait sa douleur par rapport à ce qui est arrivé » (allusion à l’affaire du Beach). » ce d’autant plus que « la douleur demeure dans la mesure où rien n’est épongé » tint-il à souligner, précisant que dans cette affaire lui aussi fut « touché » car quelqu’un qui lui est très proche fut « injustement » responsabilisé. « J’ai raisonné sur la base factuelle selon les matériaux que j’avais à ma disposition » a précisé l’animateur de Diagnostic’s & Challenges conscient de la douleur dont était porteur son interlocuteur. Somme toute P.S. Benga dit avoir apprécié globalement « la façon dont les débats ont eu lieu » . A noter que Joseph Ossibi, également membre de Diagnostic’s & Challenges, a participé aux Universités de Rencontre Citoyenne d’Aix.

« Je fus content de faire sa connaissance et parlé de vive voix de l’action que nous menons » a estimé, très consensuel, M. Touanga, qui, deux précautions valant mieux qu’une, exigea que l’entretien se déroulât devant tiers, en l’occurrence le Dr Marcel Guitoukoulou.

Pour Marcel Touanga, président de l’association des parents des Disparus du Beach : « Il faudra que tous les litiges trouvent leur solution dans le dialogue. L’information doit être l’expression de la réalité et non celle d’une contribution à la délation et au mensonge. » Colonel à la retraite, M. Touaga sait que la presse a braqué ses projecteurs sur notre Justice depuis l’Affaire dit des "Disparus du Beach" et, par conséquent, tout propos qui se véhicule doit être fait « en vérité et en droit »

« La concertation doit être privilégiée dans chaque analyse et dans les solutions des problèmes qui se posent à nous » a poursuit le Président des familles des Disparus du Beach .

« Je lui ai fait part de ma déception suite à l’analyse que nous trouvons erronée faite à notre contribution à l’action du Pool »
ajoute à l’attention de son jeune compatriote M. Touanga, ressortissant d’une région dont il condamne la mainmise qu’y exerce le Pasteur Ntoumi.

Respectueux des choix politiques de chacun, le colonel Marcel Touanga s’est dit « très peiné qu’une telle intelligence soit mise au service d’un pouvoir qui n’a pas de considération pour la personne humaine » tout en regrettant que l’on puisse « construire le pays dans les diatribes, la haine, la désinformation. »
Au bout du compte « on s’est échangé les numéros de téléphone pour contacts en cas d’actions à engager. C’est un moyen pour nous de dire la vérité à ceux qui veulent savoir » nous a-t-il confié.
Que pense-t-il des enjeux politiques de la Nouvelle Espérance ? « Pour les élections, les conditions ne sont pas encore réunies pour avril 2007 » a convenu cet homme, farouche démocrate épris de justice et du respect des Droits de l’Homme.

De gauche à droite : colonel M. Touanga, Jean-Gustave Ntondo, Cicéron Massamba

Un communiqué final a été élaboré. Il est visible sur le site de Kimpwaza et donne malheureusement l’impression d’être trop généraliste, négligeant toutes les nuances qui font qu’un colloque est autre chose qu’un moment où brille la langue de bois.

Liste des participants

Cédric

Clos Pierre

Georges

Guitoukoulou Marcel

Kavalas Côme

Kounzilat Alain

Manu

Massamba Cicéron

Mathias

Mianfoutila Séraphin

Nombo Emmanuel

Opiel

Ossébi Joseph

Pierre

Roch

Soni-Benga Paul

Sylvain

Sylvestre

Touanga Marcel

Vincent

Cannes 1er décembre 2006

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