email

Coup de balai dans les forces de sécurité - 10/1/2005

Lassé de leurs débordements répétés, le président congolais Denis Sassou Nguesso a décidé de donner un sérieux coup de balai dans ses forces de sécurité, toujours agitées par les séquelles des guerres civiles qui ont déchiré le pays à la fin des années 1990.

Recevant le 31 décembre les voeux de Nouvel an des chefs des unités de l’armée, de la police et de la gendarmerie, le chef de l’Etat congolais a annoncé son intention purger leurs rangs des "réseaux mafieux" qui, selon lui, détournent une partie du budget qui leur est destiné.

"Il faut mettre en dehors des rangs de la force publique ceux qui ne méritent d’y être, parce qu’ils ne participent pas à l’édification des relations de complicité entre le peuple et la force publique", a déclaré M. Sassou Nguesso dans un message diffusé la semaine dernière par Radio-Congo.

A l’origine du coup de colère du président, la multiplication ces derniers mois d’actes isolés de pillage et de vandalisme dans la capitale Brazzaville, perpétrés par des jeunes recrues des forces de l’ordre.

Enrôlés entre 1998 et 2001, ces soldats, gendarmes ou policiers exigent le paiement d’arriérés de traitements de décembre 1999 versés par le gouvernement à tous les fonctionnaires civils et militaires en activité à cette époque. Au-delà de cette revendication, les membres des forces de sécurité sont plus généralement excédés par la fragilité de leur condition et le désordre régnant dans leurs rangs.

Officiellement, leurs effectifs ne sont pas connus mais, selon un officier interrogé, ils oscilleraient entre 25.000 et 30.000 hommes, dont près d’un tiers enrôlé entre 1998 et 2004.

Des milliers de ces jeunes soldats sont issus des ex-milices privées qui se sont affrontées pendant les guerres civiles qui ont déchiré le pays des années 1990, "cobras" du Parti congolais du travail (PCT) du président Sassou Nguesso, "ninjas" de l’ex-Premier ministre en exil Bernard Kolelas ou "cocoyes" de l’ancien président Pascal Lissouba.

Ces milices ont toutes été dissoutes par les accords de paix qui, de 1999 à 2003, ont mis fin aux guerres civiles. Et une large part de leurs quelque 30.000 membres intégrés dans la force publique, mais souvent de façon totalement anarchique et dans des conditions très précaires.

Aujourd’hui, chaque nouvelle recrue perçoit une solde mensuelle de 36.900 francs CFA (57 euros). "Ces jeunes sont payés sur des ordres de paiement établis par les autorités et agents des services de la solde militaire", explique un officier des services administratifs et financiers. "Ils ne sont donc pas immatriculés dans les caisses de sécurité sociale et ne bénéficient pas des avantages sociaux accordés aux fonctionnaires".

Surtout, ce système des ordres de paiement, au lieu de bulletins de solde officiels, est l’occasion de vastes escroqueries. "Il favorise la fraude et la mafia parce que ceux qui les établissent peuvent à loisir, et avec la complicité des agents du Trésor public, inscrire des agents fictifs et ainsi gagner indûment de l’argent", déplore le même officier.

Pour apaiser la situation, les autorités ont déjà décidé de verser l’arriéré de salaire de décembre 1999 aux jeunes recrutés entre 1998 et 2001. Et, pour tordre le cou aux réseaux, le président Sassou Nguesso a ordonné un recensement précis des effectifs des forces armées avant la fin mars 2005.

Mais de l’avis de certains militaires, la lutte qui s’engage est loin d’être gagnée. "Il va être difficile de mettre fin à ces réseaux mafieux et de réaliser des purges dans la force publique parce que tous ces maux sont générés par l’absence de justice", avertit un officier. "On ne peut pas comprendre que la situation administrative des nouvelles recrues ne change pas".

Laissez un commentaire
Les commentaires sont ouverts à tous. Ils font l'objet d'une modération après publication. Ils seront publiés dans leur intégralité ou supprimés s'ils sont jugés non conformes à la charte.