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De quelques rivalités dans la musique congolaise : Koffi Olomidé, Papa Wemba et les autres...

Derrière l’éclat des pochettes d’albums de la musique congolaise, entre les lignes des chansons, se trament des enjeux qui échappent au mélomane non averti : les rivalités fratricides d’artistes qui se lancent des « pierres » (mabanga, en lingala urbain).
Les rivalités les plus visibles, de nos jours, concernent Koffi Olomidé et Papa Wemba. Le premier se fait appeler Grand Mopao, Number One, Michael Jackson, Quadra Kora (parce que lauréat de 4 Kora, les « Victoires » de la musique africaine) ; le deuxième se fait appeler Fula Ngenge - voire Nkolo Histoire (celui qui est à l’origine de l’Histoire). Papa Wemba porte donc le costume du "sage", j’allais dire du vieux lion, celui qui, chez La Fontaine, refuse jusqu’au bout le coup de pied de l’âne... Il est, selon ses mots "l’intelligence et la sagesse de la musique congolaise". Or cette paternité historique est de plus en plus niée par Koffi Olomidé qui affirme : "Il y a les wagons, et puis il y a la locomotive, Le Grand Mopao". Koffi se fait donc fort de replacer les choses dans leur contexte. Un des ses chanteurs lance d’ailleurs dans l’album Attentat :

Ouvre ton livre d’Histoire/Tu te rappelleras qui a fait de toi/ Celui que tu es aujourd’hui/Ton sort ici-bas C’est d’être loin derrière moi/Lanterne rouge !

Etait-ce, pour Koffi, la réponse aux attaques de Wemba dans son fameux album Fula Ngenge ? Wemba chantait alors :

Tu ne te blesseras pas les mains/
En applaudissant et en rendant hommage/
A celui qui t’a porté au pinacle/
Au pays des cafards le coq est le roi/
Même en m’insultant/
Même en médisant de moi/
Tu ne pourras jamais changer l’Histoire/

Il faut dire que l’album Attentat de Koffi Olomidé est presque un réquisitoire contre Papa Wemba. La plupart des chansons sont des attaques frontales, avec ces rires dont l’artiste ne se prive jamais d’album en album. Les insultes à la personne abondent :

Regardez ce père/Il est tellement imbécile/Qu’il en est arrivé a oublier même le nombre/D’enfants qu’il a eus

Un peu plus loin, le texte se fait plus précis en pastichant La Fontaine :

Maître Corbeau tenait en son gros nez un fromage...

Wemba, pour sa part, lance une lourde pierre en traitant son adversaire de "Mutu nguba" (Crâne d’arachide)... Et les noms d’oiseaux ne sont pas loin...

Wemba et Koffi

En réalité, les deux artistes aujourd’hui opposés - leurs fans respectifs se livrent parfois à des pugilats à l’entrée des concerts ou dans les ngandas -, ces artistes, disais-je, ont eu à travailler ensemble. Qu’il est bien loin ce temps où, étudiant à Bordeaux, Koffi Olomidé - surnommé alors L’Homme à idée par Wemba - rentrait à Kinshasa pendant les vacances, collaborait avec le "Vieux lion" dans son orchestre Viva La Musica. Au point que certains prétendent que Koffi aurait été pendant longtemps le nègre de Papa Wemba. Olomidé a cependant toujours été une espèce d’électron libre dans le paysage musical congolais, alignant des disques en solo, jusqu’à la création de son

propre groupe Quartier Latin. Malgré ces rivalités, dans les années 90 les deux artistes se retrouvèrent dans un album d’anthologie, Wake up qui, selon les observateurs était plus qu’un duel au sommet, un combat de pachidermes de la musique congolaise au grand bonheur des mélomanes puisque la musique atteignit son summum : la voix de velours (Koffi) et la melodie de rossignol (Wemba) furent au rendez-vous... A quand donc un autre duo de cette hauteur ?

La rivalité fratricide est-elle synonyme d’émulation ? La lutte, qui se poursuit, est sans merci : Koffi aurait rempli la salle de Bercy "sans passer chez Michel Drucker" (dixit Koffi). Wemba s’y est produit également. Or les fans des deux camps se disputent encore sur la réalité des chiffres d’entrées de ces deux concerts mémorables. Le Bercy de Wemba ? Il n’était pas rempli, dit-on. C’était à moitié vide. Ou à moitié plein. Les fans de Wemba montent au filet : allons, allons, on a exagéré les chiffres d’entrées de Koffi, il n’avait pas rempli Bercy. Bref, on n’est pas sorti de l’auberge... congolaise ! Et ce constat, cette divergence dans les chiffres ressemble bien aux statistiques risibles des grèves en France : les organisateurs de la grève et la préfecture ne portent jamais les mêmes lunettes.

En tout cas les deux grands ont fait des émules depuis, puisque deux autres rivaux de taille occupent actuellement la scène de la musique congolaise : JB Mpiana (alias Souverain Premier) et Werason (alias Le Roi de la forêt) ! JB Mpiana est connu pour sa "grande gueule", ses "pierres" mortelles, au point de s’autoproclamer "L’Unité de mesure" ! Il est par ailleurs considéré comme le "chouchou" de Papa Wemba avec qui il a fait un duo exceptionnel, et Wemba ne se lasse pas de le citer dans ses albums. Alors, si JB Mpiana est si proche de Papa Wemba, serait-il par voie de conséquence un adversaire de Koffi ? Celui-ci adouberait-il Werason pour contrer Wemba ? Equation à resoudre. Parfois il faut ses lieutenants faire la guerre. C’est sans doute la stratégie de Wemba et Olimidé. J’ignore si cette technique est évoquée dans L’Art de la guerre de Sun-Tzu qu’il faudra toutefois offrir à tous ces rivaux...

Werason

Quoi qu’il en soit, JB Mpiana et Werason ont chacun fait Bercy, avec les mêmes polémiques sur la salle à moitié vide ou à moitié pleine. Leurs musiciens respectifs vont d’un groupe à l’autre quand ce n’est pas pour atterrir chez... Koffi Olomidé ! Encore une autre histoire puisque ces deux derniers artistes rivaux ont été des partenaires à l’époque de la création de Wenge Musica aujourd’hui éclaté entre Wenge Musica BCBG de Mpiana et Wenge Maison Mère de Wera Son...

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