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Destins d’écrivains (2) : Jean Genet, le marginal lumineux, meurt en 1986 d’un cancer au Jack’s Hotel à Paris

On aurait tant à dire sur le destin de Jean Genet (en photo ici, à Chicago, en 1968), considéré aujourd’hui, à juste titre, comme l’un des plus grands écrivains français. Abandonné dès sa naissance par Gabrielle Genet, né de père inconnu, le jeune Genet sera recueilli par une famille du Morvan qui lui assure une éducation convenable. Le gamin est d’ailleurs brillant, mais son esprit est ailleurs. L’errance, la liberté et une espèce « d’anarchisme » l’habitent. Cette société est trop petite pour contenir ce génie. Les lois l’étouffent, les conventions l’horripilent. Alors, il va les fouler, marquer par des gestes marginaux sa présence. Son adolescence sera donc traversée par une série de vols dont le premier est perpétré à l’âge de 10 ans. Bien plus tard, lorsqu’il est enfermé à Mettray (une institution pénitentiaire), ses émois homosexuels - déjà présents dans sa jeunesse, notamment avec le jeune Cullafroy qu’il immortalisera dans son Notre-Dame-des-Fleurs - se précisent ; et, lorsque paraissent ses premiers livres, la censure le guette. On évoque la pornographie. Pourtant, beaucoup chantent la naissance d’un grand écrivain dont Jean-Paul Sartre consacrera d’ailleurs un pavé intitulé Saint Genet, comédien et martyr.

L’œuvre de Genet est un véritable dédale, un parcours parsemé d’indices qui se recoupent, se séparent pour en revenir à sa vie, une vie plutôt palpitante. Tandis que l’un de ses romans les plus connus, Le journal du voleur revient sur ses errances de jeunesse, Miracle de la rose évoque ses passages en prison, sa fascination pour un assassin. C’est Notre-Dame-des-Fleurs qui campera avec force l’univers homosexuel des années trente. L’écrivain Simone de Beauvoir, les peintres Giacometti et Matisse comptent parmi ses amis. Genet allie à la fois l’écriture et l’engagement. On le voit dans les années 70 défendre aux côtés des Black Panthers et du peuple palestinien. Il rencontre d’ailleurs Yasser Arafat. Une tragédie va s’abattre sur lui lorsqu’il perd son compagnon, le Marocain Abdallah. Il semble que celui-ci s’est donné la mort lorsque l’écrivain l’a quitté. Genet va vivre avec le chagrin de ce funambule au point de décréter d’être enterré au Maroc auprès de celui-ci. Lorsqu’il meurt au Jack’s Hotel, son voeu est scrupuleusement respecté. L’écrivain repose au Maroc... non loin de son compagnon.


Pour aller plus loin sur Jean Genet, lire :

Claude Bonnefoy, Jean Genet, Éd. universitaires, Paris, 1965.

Mohamed Choukri, Jean Genet à Tanger, Quai Voltaire, Paris, 1992.

Jean Cocteau, Le Passé défini, 3 vol., Gallimard, Paris, 1983.

Marc Dambre, « Journal du voleur » de Jean Genet, Gallimard foliothèque, Paris, 2000.

Jacques Derrida, Glas, Galilée, Paris, 1974.

Albert Dichy & P. Fouché, Jean Genet, essai de chronologie, 1910-1944, Bibliothèque de littérature française contemporaine, université de Paris-VII, I.M.E.C., Paris, 1988.

Aïcha El Basri, L’Imaginaire carcéral de Jean Genet, L’Harmattan, Paris, 1999.

Didier Eribon, Une morale du minoritaire. Variations sur un thème de Jean Genet, Fayard, Paris, 2001.

Jane Giles, Un chant d’amour. Le cinéma de Jean Genet, Macula, Paris, 1993.

J.A. Gitenet,Réflexions sur l’univers homosocial dans Splendid’s de Jean Genet. L’homme divisé, L’Harmattan, Paris, 2002.

J.A. Gitenet, Jean Genet:problématique des masculinités dans Haute Surveillance. L’homme déplié, L’Harmattan, Paris, 2003.

F. Ekotto, Ecriture carcérale et le discours juridique chez Jean Genet, L’Harmattan, Paris, 2003.

J.A. Gitenet, Le no man’s land de l’image dans "Elle" de Jean Genet. L’homme disloqué, L’Harmattan, Paris, 2004.
Juan Goytisolo, Les Royaumes déchirés, trad. J. Lacor, Fayard, Paris, 1988.

Jérôme Hankins, Genet à Chatila, Solin, Arles, 1992.
Mairéad Hanrahan, Lire Genet, une poétique de la différence
, Presses universitaires de Montréal et de Lyon, Montréal et Lyon, 1997.

Marie-Claude Hubert, L’Esthétique de Jean Genet, Liège, SEDES, 1996.

Hédi Khelil, De l’extranéité à l’altérité, figures de l’écriture dans l’œuvre de Jean Genet, Academia Bruylant, Louvain-la-neuve, 2003.

I. Jablonka, Vérités inavouables de Jean Genet, Seuil, Paris, 2004.

B.G Kennely,PubliUnfinished Business:Tracing incompletion in Jean Genet’s Posthumously Published Plays,Rodopi, Amsterdam, 1997.

Hadrien Laroche, Le Dernier Genet, Seuil, Paris, 1997.

Violette Leduc, La Folie en tête, Gallimard, Paris, 1970.

Arnaud Malgorn, Jean Genet, qui êtes-vous ?, La Manufacture, Lyon, 1988.

Jean Genet, portrait d’un marginal exemplaire, Gallimard Découvertes, Paris, 2002.

A.B Marchand, Genet. Le joueur impénitent,Les Herbes rouges, Montréal, 1997.

Kate Millett, La Politique du mâle (Sexual Politics, 1969), traduit par Elisabeth Gille, Stock, Paris, 1971, rééd. Seuil points actuel.

Jean-Bernard Moraly, Jean Genet, la vie écrite, La Différence, Paris, 1988.

Les Nègres au port de la Lune, Genet et les différences, ouvr. coll., ibid., 1988.

Marie Redonnet,Jean Genet, le poète travesti, Grasset, Paris, 2000.

Jean-Pierre Renault, Une enfance abandonnée : Jean Genet à Alligny-en-Morvan, La Chambre d’échos, Paris, 2000

Jean-Paul Sartre, Saint Genet, comédien et martyr, Gallimard, Paris, 1952.

Edmund White, Jean Genet, trad. P. Delamare, ibid., 1993.

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