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Dialogue avec Jean Felix Demba Tello :

Sévère appréciation du processus électoral, L’armée responsable des troubles à Brazzaville

Ancien Secrétaire Général du RDPS dont il a démissionné, Jean-Félix Demba Ntelo était candidat malheureux à l’élection présidentielle du 10 mars 2002, avec un score de 1.68% de voix.
Né le 28 mars 1948 à Boko-Songho (région de la bouenza), il est Architecte urbaniste de profession, marié et père de cinq enfants.
Formé à l’école d’architecture de Nantes (en France) de 1969 à 1976, il dirige un cabinet privé d’architecture depuis 1989. De 1976 à 1989, il a été fonctionnaire au Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat dont il a démissioné en 1988 pour convenance personnelle.
Il a été Ministre des Travaux Publics, de la Construction et de l’Urbanisme de 1991 à 1992 (gouvernement de transition après la Conférence Nationale).

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Congopage  : la guerre a repris dans le Pool. A Brazzaville-sud c’est la débandade et l’incertitude. Comment expliquez-vous ce retour à la violence ?

J.F. Demba Tello :C’est la conséquence de l’échec du dialogue national. Le pouvoir a manqué cette occasion de résoudre la question de la paix.. Nonobstant le retour de certains exilés politiques, c’était un raté. Les organisateurs ont donné à ce dialogue national une mauvaise orientation. Les questions non réglées en amont ressurgissent maintenant en aval.

Le retour à la violence et les troubles auxquels nous assistons actuellement, sont la conséquence de la mauvaise manière dont les problèmes ont été réglés au cours de ce Dialogue. Les troubles dans la région du Pool et au sud de Brazzaville ne sont que l’aspect visible de l’iceberg. Aujourd’hui c’est au Pool, on ne serait pas étonné que demain ça soit dans une autre région.

Congopage  : pensez-vous que le dialogue national était passé à côté de l’essentiel ?

Demba Tello  : La gestion d’un pouvoir taillé sur mesure se heurte toujours à la réalité. Cette réalité, ce sont les contradictions internes au pouvoir dans le partage du gâteau. La réalité, c’est aussi la majorité du peuple résigné, mais qui rumine beaucoup de raisons de révolte. C’est une bombe à retardement.

Dans le monde d’aujourd’hui on n’accepte plus les systèmes à pensée unique. La réalité d’aujourd’hui, ce sont ces armes qui circulent librement, et dont le ramassage n’a pas été viable et fiable.

Cependant, il faut souligner que l’insécurité est aussi le fait de la force publique. L’armée n’est formée actuellement que d’écuries et de factions de guerriers. Si des actions de dit-on « simple opération de police » se terminent toujours en drames dans notre pays, il y a donc un réel problème de gestion de la force publique.

Avec ce qui vient de se passer dans les quartiers sud de Brazzaville, il est établit que la force publique est à l’origine des troubles et des pillages. Et aucun responsable n’est puni. Le chef de l’état devrait être interpellé, puisque c’est lui le garant de la sécurité de tous.

Congopage : Que faire pour aboutir à une paix durable et réelle ?

Demba TELLO  : Il faut un vrai dialogue réellement sans exclusive, qui associe tous les fils du Congo. A cette occasion, Lissouba, Kolélas, Yhombi et les autres, devraient donner leur gage à la paix. Ce sera aussi l’occasion pour le Président Sassou Nguesso d’assoire son pouvoir après son élection. Ce n’est pas trop tard pour le faire. En Côte-d’Ivoire le Président Laurent Gbagbo a organisé un vrai dialogue avec Ouattara, Bédié et Robert Gueï. Chacun vaque à ses occupations, personne n’est plus poursuivis.

Le ralliement ou l’allégeance de certaines personnalités politiques de seconde zone n’est pas un gage suffisant pour la paix. Car, ce n’est pas prouvé que Lissouba , Kolélas et Yhombi et les autres aient perdu leur popularité. Beaucoup de congolais se reconnaissent encore en eux.

Congopage : Parlons de vous-même : pourquoi êtes-vous parti du RDPS (Parti de J.P. Thyster Tchicaya) dont vous étiez secrétaire général ?

Demba Tello : Le RDPS a pour symbole la colombe. Ce symbolisme n’est pas un hasard. Le RDPS est un Parti qui privilégie la paix et qui a toujours favorisé le dialogue comme mode de règlement des différends en politiques. L’histoire lui a donné raison dans ce sens.

D’autre part, le RDPS a un projet, celui de promouvoir la démocratie, la sociale démocratie. Or en arrivant au pouvoir, le Président Sassou Nguesso a donné un coup d’arrêt au processus démocratique enclenché en 1992. Personnellement je n’ai pas compris et surtout pas accepté que le RDPS qui a un projet à soutenir et aussi l’ambition d’accéder au pouvoir fasse le choix de soutenir le candidat du PCT. Ce Parti et ses alliés ont une politique tout à fait différente et même opposée à celle du RDPS, avec des agissements anti-démocratiques. On le voit bien. Je n’ai pas encore perçu la reconversion du PCT, de Parti communiste en quelque chose d’autre. Le PCT n’a fait aucune mutation idéologique. A mon avis, le RDPS a fait une erreur politique. Il lui sera dorénavant difficile de se démarquer du PCT.

Rester au RDPS me paraissait alors aller contre ma conviction. Car moi j’étais convaincu que le RDPS devait se présenter à l’élection présidentielle. Hélas !. Pour ne pas être la cause de blocage du Parti de par mes fonctions (secrétaire général), j’ai préféré démissionner.

Congopage  : Le Président Sassou s’est présenté (ou a été présenté) comme celui qui est capable de ramener la paix au Congo. N’était-il pas raisonnable de le soutenir ?

Demba Tello : dans le triangle de la guerre fratricide au Congo, le PCT fait partie des belligérants et de ceux qui en déclenché la guerre. On ne peut pas dire que son candidat, le Président Sassou Nguesso est le mieux placé pour ramener la paix au Congo. Ce serait de l’hypocrisie pour moi de le soutenir.
Je pense que le rôle du RDPS était de tirer les trois belligérants vers une convergence et non pas de soutenir l’un des belligérants. Ce choix me paraît subjectif.

Congopage : Quelle appréciation avez-vous du processus électoral en cours ?

Demba Tello : Tel qu’engagé à partir du dialogue national, le processus électoral a commencé par des dérapages. Le processus électoral a été faussé, parce que le PCT et ses alliés ont voulu en faire une finalité de légitimation d’un pouvoir acquis par les armes. Ainsi, depuis le forum national jusqu’aux élections, tout a été fait pour que les idées du PCT triomphent. Ils n’ont rien concédé à l’opposition. Aucune idée de l’opposition n’a été retenue.

Du contenu de la constitution (qui est le prolongement de l’acte fondamental) jusqu’à l’organisation des élections, tout a été fait de manière non démocratique. On a fait semblant de donner la parole à tout le monde, sans accepter aucune proposition, même judicieuse, de l’opposition. La seule règle de participation c’est l’allégeance au pouvoir ou la cooptation. Le processus électoral a donc été vicié dès l’origine. Cela s’est concrétisé par les faits suivants :

Le recensement administratif a abouti à la non maîtrise du corps électoral et même à sa falsification. Le découpage des circonscriptions pose le problème de non équilibre. Ce n’est pas démocratique.

Congopage : Pourquoi alors vous avez été candidat à l’élection présidentielle, si les dés étaient pipés d’avance ou sachant que le processus était vicié ?

Demba Tello : Y avait-il une attitude alternative face à la détermination du pouvoir de faire les choses, y compris par la force ? Le boycott non actif aurait-il changé les choses ? Je dis non ! Le boycott passif n’a jamais empêché un dictateur de passer au pouvoir et être reconnu par la communauté internationale.
La deuxième raison de ma participation à l’élection présidentielle, c’est que je venais de rompre avec mon Parti d’origine le RDPS. Je n’avais pas d’autres moyens d’exister politiquement. J’ai donc pris date en me faisant connaître devant le monde et l’opinion, en vue de mettre en pratique ce que je voudrai faire en politique.

La troisième raison de cette candidature, c’est le témoignage qui en politique est nécessaire face à l’imposture de détourner la conscience du peuple, l’achat des consciences et le mensonge. Je suis allé à cette élection un peu comme pour témoigner et dire aux populations qu’elles pouvaient jouir de ses droits sans céder à la peur. Face à l’histoire et le peuple, j’ai pris date pour des batailles futures.

Enfin la quatrième raison de ma candidature, c’est d’exorciser le recours à la violence qui malheureusement tend à être seule voie de recours en lieu et place des urnes. Mais pour l’avenir j’ai créé un mouvement appelé « ACTION 2000 PLUS ». L’adhésion des militants à ma campagne a débouché sur ce mouvement. ACTION ; cela veut dire qu’il faut agir, avoir de l’audace. Nous sommes dans le millénaire 2000 ; le Congo ne doit pas rester dans l’archaïsme. PLUS, cela signifie que devons aller de l’avant. Nous voulons bousculer, choquer l’intellectuel qui est devenu défaitiste.

Congopage  : accepterez-vous d’entrer au Gouvernement de Sassou Nguesso ?

Demba Tello  : la question ne m’est pas encore posée. Je peux répondre à votre question par une autre question : Le Président Sassou a dit-on tout le Congo avec lui. Est-ce raisonnable que quelqu’un qui est élu avec 90 % ait besoin de s’associer ou de s’allier avec quelqu’un qui a 1,68 % des voix ? J’aimerai bien comprendre les motivations d’une telle démarche. Si une telle proposition m’est faite, le moment venu j’en apprécierai les motivations.

Mwissi Kitsotsolo

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