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Flambants sapeurs, la néo SAPE

Apparu au milieu des années 1980 à Brazzaville, un groupe de Zaïrois et de Congolais, autoproclamés « Dandies africains », réinventent en toute ironie et distance le concept du sapeur. Reprenant à leur compte les rites de parade vestimentaire propres à leur culture, arborant en les mixant les symboles coloniaux et les africanismes griffés vus depuis Londres et Paris, ces sapeurs étaient tous membres de la SAPE, initiales consacrées de la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes. Frime smart à gogo sur le grand air d’Afric’-c’est-chic.

Très proches du mouvement musical rumba-rock mené par Papa Wemba, nos Ambianceurs sapés comme des milords renouvelaient leur garde-robe en effectuant des razzias chez Francesco Smalto, dans les bonnes maisons de Savile Row à Londres, avec un faible pour l’Anglo-Ghanéen Ozwald Boateng, alors à ses tout débuts. Aux marques de prédilection, dont Brooks Brothers, s’ajoutèrent les icônes musicales et les graffiteurs. Lenny Kravitz, André 3000 et Jay Z pour exemples révérés.

Au terme d’une éclipse, les Sapeurs semblent reprendre du poil de la bête, et l’élégance moqueuse, tapageuse, stylée et créative qu’ils suscitèrent refait surface dans le cadre de l’exposition-vente « Expressions africaines » (jusqu’au 13 mai) organisée au Printemps à Paris avec, entre autres, un décodage photo réalisé par le magazine Code d’Accès (1). Une actualité où la création africaine textile, distinguée par le Festival international de la mode africaine, se pousse du col avec les vestes de baroudeur africain taillées par le Ghanéen Mack Squire et les bijoux masculins réalisés par le cordonnier sénégalais Wanga.

Cela suffit-il à redonner à la SAPE toute sa superbe ? Certes, les temps ont changé - Brooks Brothers est devenu italien, Boateng oeuvre pour Givenchy Homme, les enjeux du continent noir sont devenus des urgences - mais l’esprit demeure. Smalto peut encore tenir la dragée haute aux nouveaux venus et un outsider inattendu a fait son apparition : S.T. Dupont. Oui, le roi du briquet, qui n’est pas loin de mettre une veilleuse à son business tout feu tout flamme depuis 1941 pour cause de no-smoking, et dont la mode masculine, créée sous l’effervescente direction artistique de Jason Basmajian, court dans le droit-fil de cet héritage.

Un coup d’oeil à sa luxuriante collection d’été pour comprendre que l’on tient là l’expression contemporaine d’une SAPE digne de ce nom. Sinon, prendre exemple sur le Denzel Washington du jour arborant dans « Inside Man » (Spike Lee) ses costumes en lin rayé café au lait, ses panamas et ses cravates post-coloniales de flic roué. Et trouver la pépée bien roulée assortie qui minaudera comme dans « Shaft » et autres « Superfly » de la Black’xploitation, dont les héros étaient en leur genre de vrais sapeurs - pas sans reproches.

Perre Léonforté, Lesechos.fr

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