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Harry "Potter" Roselmack gagne, Serge "Big" Bilé monte sur le dos des hippopotames

Le moins qu’on puisse dire c’est que la thématique et les discussions houleuses sur les Noirs en France ont encore de beaux et longs jours devant elles, et on ne peut les évoquer sans soulever des passions, surtout par ces temps d’agitation...
On a parfois envie de passer à autre chose, et la réalité nous ramène sans cesse au malaise de cette France qui est sans doute la seule grande nation qui a du mal à gérer les dommages collatéraux de son histoire coloniale...

Dans ce remue-ménage, il y a parfois des signes qui peuvent se lire comme un début de progrès, sauf à les prendre pour de la poudre aux yeux.
Tenez, un de mes amis - nous étions collègues pendant 5 ans dans une radio afro-antillaise de Paris - a été nommé présentateur-vedette du sacro-saint journal télévisé (JT) en France, le JT de TF1 dominé depuis des décennies par Patrick Poivre d’Arvor.
Cette nommination ? Du jamais vu ! Cet ami commencera ses apparitions au mois de juin prochain, son ancien employeur Canal+ l’ayant enfin "libéré" de son droit d’exclusivité qui devrait normalement courir au-delà du mois de juillet.

Harry Roselmack... le gagnant

Bref, c’est dire que l’arrivée de celui que j’appelle Harry "Potter" Roselmack est une véritable révolution dans le paysage audiovisuel de France. Cette nouvelle fait sans doute perdre des cheveux à la pauvre ménagère française de 50 ans, habituée aux émissions tranquilles et sans histoires de Michel Drucker et de Pascal Sevran - ce dernier anime "La Chance aux chansons", sorte de moment nostalgique qui renvoit le téléspectateur dans la France profonde en chansons. Il y a de l’accordéon depuis Bourvil en passant par Boby Lapointe et Charles Trenet...

La ménagère française de 50 ans tombera vite dans les pommes, d’autant qu’on a réduit le pouvoir d’un "pauvre" journaliste Blanc "qui n’a rien fait de mal", pour mettre un Noir à la place. Certes, dira-t-elle, ce Martiniquais a vu le jour en France, il est beau, charmant, sympa, souriant, ambitieux et s’exprime sans aucun accent, mais c’est un Noir, merde !

Et comme la nouvelle fait du bruit en France,tout le monde donne son avis. Souvent on cache les vraies pensées pour jouer l’ouverture d’esprit en public : "C’est super, c’est bien, il le fallait !" ; et quand la nuit tombe, on pense le contraire...
On attend en fait Harry au tournant, disent certains. Il y aura des peaux de bananes. Il n’ira pas loin, ce type, prophétisent d’autres.

Un journaliste issu de l’immigration africaine s’inquiétait encore au Salon du livre de Paris en ces termes plus qu’apocalyptiques : "Oui ce Harry Roselmack sera en vedette, certes, et c’est bien pour lui ! Mais combien de Nègres seront encore recrutés par la suite à TF1, hein ? C’est fini ! Il faut attendre la retraite ou la mort de Roselmack !".

Un autre journaliste - français - et qui présente des chroniques respectables dans une des télés du service public s’indignait tandis que nous nous bousculions pour nous resservir une coupe de champagne avec des auteurs venus d’Afrique :

"Monsieur Mabanckou, vous vivez aux Etats-Unis - donc mieux placé pour comprendre que c’est aussi du racisme pur que d’enlever un Blanc pour mettre un Noir ! Vous savez comme moi qu’en Amérique l’affaire finirait devant le tribunal, avec la victoire du Blanc !!! C’est con, mais je ne peux pas le dire officiellement au regard de mes fonctions... Qui dans notre profession d’ailleurs va respecter Harry Roselmack qui ne mérite sa place que parce qu’il est Noir, hein ?".

Bof, laissons Harry faire son boulot, son chemin. Personne ne l’a envoyé

en sauveur d’une quelconque communauté. Son parcours est individuel, personnel. Pour le reste, taisez-vous messieurs et regardez la télé en juin prochain. Branchez-vous sur TF1 par exemple...
On a inventé la télécommande pour les capricieux de votre accabit. Et si vous tombez sur un Noir, zappez donc ! Mais vous reviendrez un jour ou l’autre, parce qu’Harry sera devenu un membre de votre famille. Parce que vous tomberez sous son charme. Parce que vous verrez que derrière la "barrière" de la peau se cache un homme sensible, tolérant, respectueux et proche du genre humain. Vous viendrez à lui. Ou alors il viendra à vous, les bras ouverts...

Thomas Hugues... le perdant

Et puis, soyons fair-play, il y a un perdant dans cette histoire. C’est un Blanc, forcément, puisqu’il n’y avait pas de Noirs avant. C’est lui qui présentait le journal jusqu’ici avant l’arrivée d’"Harry Potter" Roselmack qui, en quelque sorte, l’éjecte, prend sa place, lui dit d’aller attendre dans les vestiaires. Ce Blanc "qui n’a pourtant rien fait de mal" et qui est aussi jeune et aussi beau que notre Harry Potter, c’est Thomas Hugues. Celui-ci attendait son heure, son temps pour remplacer un jour l’inamovible Patrick Poivre d’Arvor alias PPDA. Thomas Hugues doit maudire dans son coin de

PPDA... l’inamovible

placard cette affaire de discrimination positive.
J’ai lu dans Paris-Match que le malheureux evince - on lui a offert autre chose - parle de discrimination négative en ce qui le concerne.
La question est la suivante : que faire des Noirs qui vivent en France ? Doit-on les ignorer ou les exposer pour mettre en adéquation l’image et la réalité quotidienne ?

C’est sans doute à ces questions que tente de répondre Serge Bilé, un autre Noir célèbre de la Gaule. En effet, après nous avoir livré un essai surdimensionné traitant des préjugés longuement ancrés sur le sexe des Noirs (La légende du sexe surdimensionné des Noirs, éditions du Serpent à plumes), voici notre journaliste franco-ivoirien qui passe à confesse dans un livre à paraître le mois prochain et intitulé « Sur le dos des hippopotames. Une vie de nègre ». (Clin d’oeil au fameux roman de Ferdinand Oyono Une vie de boy ?...

On espère que notre ami saura nous donner de quoi satisfaire notre soif de le connaître un peu plus que par les heurts causés il y a deux ans lors de son « éviction » du Prix France Télévisions - son livre Noirs dans les camps nazis était bien placé pour l’emporter - éviction dont les motifs demeurent encore aujourd’hui très obscurs...

C’est dire que le sujet du nouveau livre de Bilé - en tout cas d’après la feuille de promo qui vient de m’être envoyée - n’est plus du tout la longueur du sexe ou les Noirs pendant l’Occupation allemande. Serge Bilé a décidé de parler de... Bilé ! Je me demande ceci : Va-t-il se tutoyer ou parler de lui à la 3ème personne ? Nous verrons...
Quoi qu’il en soit, Il a raison de parler de lui, puisqu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Alors, Bilé se pose des questions du genre : comment être Noir dans la France d’aujourd’hui ? Son éditeur affirme que l’auteur donne des éléments de réponses à ces questions que tout le monde se pose. Pour cela, notre Bilé national plonge dans son propre parcours, revient dans son pays de cœur, la Côte d’Ivoire. Son enfance éclatée lui permet de regarder avec distance la province française des années soixante-dix et de revenir sur plusieurs nœuds gordiens de la condition de l’immigration en France : l’embrasement des cités, les problèmes de carte de séjour etc.
Bref, l’éditeur conclut que « Sur le dos des hippopotames, une vie de nègre » est « d’abord un récit dont chaque étape... permet de mesurer les bouleversements de la communauté noire depuis trente ans. » Vaste programme, non ?

Il faudra noter également le changement d’éditeur : Bilé avait été jusqu’alors publié par Le Serpent à Plumes. Son nouveau livre sort ailleurs, chez Calmann-Lévy.

Plus cocasse est la courte biographie de l’auteur sur la feuille de promo : « Né nègre, devenu journaliste, Serge Bilé traque l’actualité partout où elle interpelle les hommes... »

A bon entendeur salut !

Serge Bilé, Sur le dos des hippopotames. Une vie de nègre, éd. Calmann-Lévy. En librairie le 19 avril.

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