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Post-mortem

Humeur : Sassou Nguesso voudrait être enterré...

Humeur : Sassou Nguesso voudrait être mis en terre après sa mort. Ce qui est normal. Mais lorsqu’on sait que des centaines de milliers de victimes de ses guerres politiques récurrentes, sont sans sépultures, ce serait une injuste de plus. Pire : ça n’apaiserait pas les âmes de ceux qu’il a précipités dans l’outre-tombe.

Depuis quelques semaines, un texte signé d’un certain Yvon Charles Ondongo, journaliste, défraie la chronique. Il fait, entre autres désirs, celui d’une exécution testamentaire inexorable faite devant son homologue camerounais, Paul Biya, en 1997.

D’après l’auteur de ce papier, le vainqueur de la guerre du 5 juin 1997 aurait promis de châtier sévèrement les Congolais, ces insolents.

Pourquoi ? Parce qu’ils avaient souillée son honneur et sa dignité pendant la Conférence nationale souveraine en 1991.

C’est donc sans ambages qu’il aurait déclaré : « les Congolais, après m’avoir insulté copieusement pendant la Conférence Nationale Souveraine, m’ont encore donné le pouvoir. Cette fois-ci, avant qu’ils me mettent sous terre, eh ben…je dois brûler cette terre ».

Cette déclaration, au cas elle s’avérait exacte, est très pertinente. Elle est non seulement une nouvelle version sur la cause réelle des guerres récurrentes et de la crise multidimensionnelle dont sont victimes les Congolais, à savoir la rancune et la vengeance de Sassou Nguesso, mais elle permet aussi de comprendre le comportement personnel d’un homme politique qui a passé plus de quatre décennies à la tête du Congo, et qui n’a jamais été un rassembleur.

Guerres récurrentes, génocide du Pool, pillages des richesses du pays, mauvaise gouvernance… se justifient, selon Yvon Charles Ondongo, à partir de la rancune d’un seul homme envers son peuple !

Il y a de quoi donner raison au moteur de recherches Google qui définit la rancune comme étant un « sentiment d’animosité durable et caché, souvent accompagné du désir de se venger, que quelqu’un porte à quelqu’un d’autre dont il estime avoir eu à se plaindre ».

Cependant, ce texte semble perdre son crédit lorsque l’auteur dit que c’est au cours de deux audiences qu’il aurait eu avec le président camerounais, Paul Biya, qu’il aurait recueilli cette information. Mais, c’est au cours de la première qui aurait eu lieu en 1997, et qui n’aurait duré que cinq minutes que le président camerounais lui aurait donné cette information. Pourtant, l’histoire qu’il rapporte dans son papier, ne pouvait pas lui être racontée en ce laps de temps.

Et d’ajouter que c’est au cours de la seconde audience qui aurait eu lieu cette année, 2018, qu’ils auraient, toujours avec le président camerounais, compris enfin le sens profond de la fameuse déclaration de Denis Sassou Nguesso.

Mais, l’on peut se demander pourquoi notre journaliste a attendu aussi longtemps pour publier cette information ? Et, lui rappeler que la profession du journalisme recommande que l’on protège la source d’information. Ce, d’autant plus que ce texte n’est pas une interview.

Cependant, une autre lecture faite entre les lignes remonte un autre message. Il camouffle une intimidation ou une mise en garde faites à l’endroit des Congolais qui veulent chasser Denis Sassou Nguesso au pouvoir par la force et à tous ceux qui vont participer au dialogue national ou à la Conférence nationale bis ou encore à la Conférence internationale. C’est comme pour les prévenir ou leur dire que cet homme est capable de somaliser le Congo, n’allez donc plus le provoquer. Surtout ne souiller plus son honneur et sa dignité comme à la Conférence nationale souveraine lorsque vous l’avez couvert d’injures et de calomnies. Si vous ne voulez plus vivre d’autres guerres ou d’autres châtiments sachez qu’il possède sa caserne militaire privée de Tsambitsho.

Mais, au delà de tous les commentaires que l’on peut faire sur ce texte et les réactions qu’il peut susciter, il faut dire que cette déclaration choque aussi plus d’un Congolais lorsqu’elle dit que Sassou Nguesso s’attendrait à recevoir les rituels funéraires dignes d’un pharaon, en dépit de tous les crimes économiques, de démocratie et de sang commis. Il veut une tombe alors qu’il a privé de sépultures dignes de ce nom à des centaines de milliers de ses concitoyens dans ses guerres politiques récurrentes.

En effet, si certaines personnes tuées pendant les guerres ont été enterrées à la va-vite sur les bords des routes ou dans des savanes qui ne sont pas des cimetières, d’autres à l’image des quarante paysans de Vinza ont été brulés vifs dans un grenier. Des ninjas (six au total) avaient été enterrés vivant à Kinkala, le chef lieu du département du Pool. Nombre d’innocents ont été fauchés par des balles ou des obus, dans les forêts ou les savanes et leurs dépouilles dévorées probablement par des charognards. Les familles ne savent toujours pas là où sont leurs restes mortuaires.
Mais, comble de sacrilège, il y a aussi le président Alphonse Massamba-Débat et les disparus du Beach de Brazzaville qui resteront à jamais sans sépultures.

A la Toussaint, fête de tous les morts, leurs familles n’auront donc toujours pas où aller se recueillir pour honorer leur mémoire.

C’est pourquoi nous proposons l’aménagement de sites en centre-ville et au lieu dit « Petit Matin » où le Président Alphonse Massamba Débat serait assassiné. Puisqu’il avait été réhabilité à la Conférence nationale souveraine, la Nation lui doit ça. Nous suggérons de faire de cet endroit un lieu de pèlerinage compenserait la cruauté avec laquelle il fut assassiné. Nous exigeons d’ériger un monument en honneur des disparus du Beach de Brazzaville à l’endroit où ils ont été exécutés avant de les enfermer dans des conteneurs et de les jeter dans le Fleuve Congo.

Serge Armand Zanzala, journaliste et écrivain

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