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CRIME CONTRE L’HUMANITE AU CONGO-BRAZZAVILLE

INTERVIEW DU GENERAL JEAN-FRANCOIS NDENGUET

QUESTIONS POUR UN INNOCENT

Désormais tiré d’affaire, Jean-François Ndenguet se représente avec calme et lucidité (voire même avec froideur) les causes et les conséquences de son procès. Le site gouvernemental Congosite l’a soumis à une batterie de questions.


QUESTIONS POUR UN INNOCENT
INTERVIEW DE JEAN-FRANCOIS NDENGUET PRETENDU « BOUCHER DU BEACH »

Interview du Général Jean-François Ndenguet

C’était inévitable. La presse congolaise (pas n’importe laquelle) a interviewé l’homme qui a eu l’heureux privilège de sortir de nuit d’une prison française, d’être embarqué dans un avion dès l’aube, de prendre son petit déjeuné le lendemain à Brazzaville alors qu’il lui était reproché d’être à l’origine du meurtre de plus de 300 Congolais, un détail sans doute dans l’histoire de la reconquête du Pouvoir par Sassou, mais tout de même, un crime contre l’humanité aux yeux de la justice internationale, notamment au regard du TPI où est en train d’être jugé Milosévic, où pourrait être jugé Augusto Pinochet et où aurait pu être probablement jugé Saddam Hussein si les Américains n’avaient pas une dent particulière contre le tyran irakien.

Jean-François Ndenguet devenu blanc comme neige

L’interview (on n’est jamais mieux servi que par soi-même) a été donc menée par le site gouvernemental Congosite. On peut, dans ces conditions "familiales", imaginer la complaisance des questions quand bien-même celles-ci portent sur une affaire judicaire d’une extrême gravité. En effet, on voit mal Jean-François Ndenguet soumis à un feu croisé de questions impertinentes comme sait s’y prendre le journal de Petit David : La Rumeur.

Donc c’est à Congosite que J-F Ndenguet a réservé la primeur de ses impressions post-carcérales. D’ailleurs, il faut le reconnaître, avec ses questions "soft",urbaines et policées, le journal pro-PCT s’en est bien tiré. Pour commencer, l’interviewer lui restitue l’intégralité de la décision de justice qui a failli mal tourner pour le supposé « Boucher du Beach. » Ecoutez ça.

« Congo-Site @ctualité (Cs@) : La Cour d’appel de Paris vient d’annuler l’intégralité de la procédure judiciaire dans l’affaire dite « des disparus du Beach », dont vous avez été concerné. Quel commentaire faites-vous à propos de cette annulation ?

La question plaît. C’est en buvant du petit lait que Ndenguet y répond. Ndenguet se dit « réjouit » . C’est de bonne guerre diraient les philosophes. Pendant que les parents de Disparus du Beach pleurent, l’annulation de la procédure judiciaire fait jouir Ndenguet. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. C’est vraiment de bonne guerre.

Mais, de son propre aveu la période d’attente de la décision n’a pas été facile. Lui qui avait des contrôles médicales à passer en France, lui qui adorait voyager, lui dont le nom était dans la bouche de tous les opposants et des organisations des droits de l’homme, ne savait plus à quel saint se vouer.

Bref, la tempête est passée, le pire est derrière lui. Certes il s’est soustrait de façon rocambolesque d’une des plus sûres prisons de France, preuve qu’il ne savait pas à quelle sauce juridique il allait être consommé ; mais, de toute façon, l’annulation : « confirme le fait que l’on doit toujours faire confiance en la justice. »

Sassou souriant

Ndenguet peut enfin respirer. C’est un homme « soulagé », de surcroît, reconnaissant, qui : « remercie » (ses )amis, (ses) collaborateurs, (ses) parents et toute la population qui (l)’ont soutenu pendant ces moments difficiles. »

Comme chacun sait le pouvoir de Sassou a toujours été contesté par ses opposants. Par conséquent, la décision française d’annuler la procédure tombe à pic. Aussi, affirme Ndenguet : « pour notre pays, il s’agit de la reconnaissance de sa souveraineté. »

Certains pourraient croire que Ndenguet est tellement trempé dans l’affaire du Beach qu’il n’a qu’un seul rêve : qu’on oublie et qu’on enterre l’affaire . C’est mal connaître la soif de la manifestation de la vérité qui l’anime. Au contraire, les choses ne doivent pas en rester là. L’abcès doit être percé : « la recherche de la manifestation de la vérité se fera. » « à Brazzaville » Quand ? Il se garde bien de le dire.

Le journaliste de Congosite, histoire de ne pas être vraiment taxé de complaisance, tente la bousculade ; il a un sursaut "déontologique" : « Maître Patrick Baudoin, avocat de la Fédération des droits de l’Homme (FIDH), pense qu’« il y a une instrumentalisation totale de la justice par le pouvoir politique ». L’observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH), également partie civile dans cette affaire, a crié au scandale. Comment réagissez-vous ? « 

Habile, Ndenguet esquive le coup : Il ne se lance pas dans une diatribe anti-opposition.
J.F.N.  : « Il ne nous revient pas de commenter l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. Les propos que vous signalez n’engagent que ceux qui les ont prononcés. » Quelle sagesse ! Quelle douceur dans la bouche d’un flic réputé cruel et arrogant !

Néanmois, perfide, le journaliste de Congosite tâche de retourner le couteau dans la plaie, par un rappel des douloureux faits : « Le 3 avril 2004, vous avez été mis en examen par un juge d’instruction de Meaux, qui avait ordonné votre incarcération. Votre mise en examen a donné lieu à un véritable imbroglio juridique, l’appel du Parquet de Meaux ayant été examiné lors d’une audience au terme de laquelle vous avez été remis en liberté peu de temps après. Aviez-vous la certitude que vous deviez sortir vainqueur dans cette affaire ? »

La peur bleue qui se lisait sur le visage du prévenu Ndenguet lors de sa capture à Meaux par les filets de la justice française n’était qu’une feinte : « Pas un seul instant, je n’ai douté ; pas une fois, je n’ai été pris de panique. Ma conscience ne me reprochait rien. »

Pour avoir voulu être objectif dans la précédente question, le journaliste, question de se rattraper, prend partie dans la suivante en usant d’un substantif qui fait toujours plaisir quand on l’applique à un adversaire :
« Les auteurs de la machination n’entendent pas se décourager et affirment qu’ils tenteront de faire appel. Qu’en dites-vous ? »

Machination ? La connotation infernale de ce mot a forcément fait monter le journaliste dans l’estime du commissaire Ndenguet. Pas évident l’objectivité en matière de presse !

Satisfait de la question, Ndenguet esquisse une démarche dont personne ne l’aurait soupçonné. Lui, le « supposé boucher du port fluvial », reconnaît une existence juridique à ses adversaires et même, à ceux-ci, le pouvoir de se pourvoir en cassation. Puis, un tantinet philosophe, il pense que : « C’est leur droit » et que « Les voies de recours s’ouvrent à tous. »
Ensuite, il fait une observation d’ordre métaphysique au cours de laquelle son « souhait » se borne à un seul axiome : « que la vérité, seule, triomphe. »

La vérité si je mens

Qu’est-ce que la vérité ? Chacun en possède une. D’où sa relativité. La vérité du général Ndenguet n’est pas celle du colonel Marcel Touanga. La vérité de la justice de Meaux est différente de celle de la justice de Brazzaville. La vérité des révisionnistes nazis n’est pas celle des prisonniers juifs des camps de concentration en 1939.

Enfin, considérons cette dernière question de journaliste : « Le Parquet de Brazzaville s’est saisi de l’affaire. Etes-vous prêt à répondre devant la justice congolaise ? »

Réponse sans surprise de Jean-François Ndenguet. Pour lui, il le fera « sans la moindre hésitation » et, qu’on se rassure, il se présentera devant la justice « chaque fois que besoin serait »
Mu par cette soif de voir la vérité se manifester il répondra à toute convocation « devant la justice de (son) pays », ne cherchera pas à se dérober, il le fera « comme tout justiciable. »

A partir d’ici, la remarque qui vient à l’esprit est la suivante : peut-on envisager Himmler jugeant, sous l’Allemagne nazie, les SS auteurs des tueries des juifs dans les fours crématoires et les condamnant ?

Soyons sérieux !

François-Xavier Verschave ironisait, lorsque les autorités congolaises convièrent Survie d’allez enquêter sur place à Brazzaville. C’est comme si, critiqua-t-il Goebbels invitait Amnisty International d’aller faire des investigations sous le III è Reich.

Jean-François Ndenguet a beau jeu d’exiger d’être jugé non pas à Meaux mais à Brazzaville. Pas bête le bonhomme. Il sait qu’au bord du fleuve Congo il y est juge et partie. Autant dire qu’il n’y sera jamais condamné. Ce qui n’est pas le cas s’il est traduit en justice sur les bords de la Seine. Et même s’il estime que pas un seul instant il n’a douté, pas une fois il n’a été pris de panique quand la justice française l’avait pris au collet, c’est que les ficelles de cette justice étaient tirées depuis l’Elysée où règne Jacques Chirac, lui aussi, gibier des juges parisiens, mais protégé par son immunité présidentielle ; Chirac ami de trente ans de Sassou. Jean_François Denguet est l’ami de Sassou. Les amis des amis sont des amis. On comprendra l’absence d’angoisse de Ndenguet lorsque le juge de Meaux lui mit la main dessus ou lorsque le parquet de Paris entretint le vrai faux suspense en attendant de produire sa décision sur la procédure de Meaux.

Ndenguet a donc raison de vouloir chanter la ballade des gens heureux . Protégé en France, il l’est aussi au Congo.
Jusqu’à quand ? Car malheureusement, les faits qui lui sont reprochés sont imprescriptibles.

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