Une nouvelle rentrée littéraire s’annonce, celle de janvier 2006, dans moins d’un mois et demi, et juste avant le Salon du livre de Paris qui mettra la Francophonie en valeur...
Janvier, dis-je ? Oui, le mois approche, les écrivains veillent, s’énervent, passent des coups de fil aux journalistes qu’ils connaissent pour leur rappeler d’une voix plaintive, presque d’avance moribonde : "Vraiment mon gars, tu es mon seul espoir, ne m’oublie pas sinon je suis foutu !"
C’est dire que les auteurs piaffent, qu’ils se demandent chaque matin devant leur glace quelle réception aura leur livre dans un mois et demi...
Janvier est devenu aussi embouteillé en matière de livres que la fameuse rentrée de septembre qui permet aux grands éditeurs de Paris d’aligner leurs "poulains-missiles" pour la course aux prix littéraires d’octobre-novembre...
En fait, ce sont les livres de janvier qui viennent balayer sans pitié les parutions de septembre de l’année d’avant.
Il vous suffit de scruter aujourd’hui l’horizon pour découvrir que les livres de janvier 2006 remuent déjà dans les cartons et circulent dans les couloirs des maisons d’édition, de mains en mains, de journalistes en journalistes.
Pendant ce temps, les écrivains concernés par ce bal de janvier, anxieux, vont trois à quatre fois chez leur éditeur dans l’espoir de décrypter un petit signe qui leur permettrait de se rassurer du bel avenir de l’oeuf qu’ils ont pondu avec conviction. Marchera ou marchera pas ? Telle est la question. Sauf que rien n’est prévisible avec le public. Du coup l’auteur pose des questions fondamentales à son Attaché(e) de presse :
"Alors, dis-mois, Untel va-t-il faire un papier sur le bouquin ou pas ? Une page seulement ? Et quand est-ce qu’il le sort, ce papier, hein ? Et pourquoi qu’Ardisson et Ruquier ne veulent pas de mon livre, hein ? Y a pourtant assez d’images osées dedans et qui feraient leur audimat ! Ben voyons, je veux bien passer dans Des Mots de minuit, mais le truc c’est que c’est à minuit ou une heure du matin, je sais plus, et tout le monde dort, y compris dans les hopitaux et les prisons ! Dis donc, y a pas moyen de capter un passage au 20 heures de PPDA, non ?"
Bref, dans ce que sera la marée de livres de janvier 2006, j’ai recensé quelques titres d’amis, et je vous conseille de les regarder de très près. A mes collègues et amis profs aux Etats-Unis, voici peut-être des titres pour vos prochains cours de littérature francophone...
Un nomade chez Jean-Claude Lattès
C’est finalement le 4 janvier qu’Abdourahman Waberi ouvre le bal et livre au public son roman dont tout le monde souffle le titre : Aux Etats-Unis d’Afrique, chez JC Lattès. Il nous suffira alors de retourner la carte du monde, d’imaginer que les Européens deviennent des pauvres du Tiers-Monde... En tout cas, pour avoir lu les épreuves de ce livre, je vous certifie que "Waberi rit", et nous avec lui ! Que demande le peuple (des Etats-Unis d’Afrique), sinon le rire, hein ???
La Blanche : La Diva, Le Pensionnaire et Partir
Ananda Devi "La Diva" des Lettres mauriciennes nous propose le 15 janvier, avec la finesse d’écriture qu’on lui reconnaît, un roman intitulé Eve de ses décombres chez Gallimard. C’est peu dire aussi qu’elle est attendue, puisqu’elle vient d’opérer une migration spectaculaire de la collection "Continents noirs" (qui accueille l’Afrique, le monde noir) à la collection plus classique et dite "La Blanche" qui est la plus prestigieuse et la plus prisée de Gallimard (on y retrouve entre autres poids lourds Glissant, Chamoiseau, Le Clézio, Modiano, Ruffin...).
Toujours chez Gallimard, dans « La Blanche », Salim Bachi, le talentueux auteur du Chien d’Ulysse et de La Kahéna, actuel pensionnaire de la Villa Médicis à Rome nous donne de ses nouvelles avec un roman dont le titre me rappelle mon enfance, les films du Far-West. Son roman s’intitule Tuez-les tous...
Petite indiscretion : Salim Bachi sera notre invité spécial pour une table-ronde au Salon du Livre de Saint-Jean d’Angely (Charente Maritime), du 8 au 12 décembre, en compagnie de la Sénégalaise Aminata Zaaria et du Burkinabé Sayouba Traoré...
Nouveau venu dans cette collection "Blanche" de Gallimard, Tahar Ben Jelloun est paraît-il très en forme dans son prochain roman qu’il a intitulé tout simplement, et sans rancune contre Le Seuil, son ancien éditeur, Partir...
"Continents noirs" : talent et coup de théâtre
Il faut signaler, toujours chez Gallimard, mais cette fois-ci dans la collection « Continents noirs », deux romans qui peuvent "troubler" le jeu de la rentrée de Janvier 2006. Pourquoi le dis-je ? Pour deux principales raisons :
1.Parce que le premier texte, signé par le Togolais Edem, un jeune homme qui vit au Canada, est une véritable découverte. Cet écrivain est le "fils spirituel" de Kossi Efoui ! Mais il a sa singularité, heureusement ! Il campe les personnages, les nourrit, les jette dans des fosses ; il joue avec tout, la culture, les livres, les slogans politiques, la comptabilité cynique des cadavres dans les rues poisseuses, l’absurdité, la dictature, la délation... Bref, ce jeune homme est un "danger de mort". Comme dirait la Fnac : ATTENTION TALENT !!! Son manuscrit fut couronné cette année à l’Unesco, (prix du jeune écrivain africain). Le livre sort donc sous le titre de Port-Mélo.
2. Le deuxième roman de "Continents noirs", sans doute le plus inattendu de la rentrée négro-africaine de janvier 2006 est l’œuvre de Koffi Kwahulé, dramaturge de renom, figure incontournable du théâtre
africain. Nous espérons que notre ami Koffi a mis la gouaille et l’inventivité de ses pièces dans ce premier roman qu’il intitule Baby face et que nous attendons de pied ferme...
Editions UBU : renaissance du "vrai" Serpent à Plumes ???
Et puis, il y a une nouvelle maison d’édition, consacrée aux littératures "originales"(version "Serpent à Plumes" des origines). Cette collection, chez UBU, est dirigée entre autres par Pierre Bisiou, ancien éditeur au Serpent à Plumes. C’est une des bonnes nouvelles de Janvier. On est certain des choix de Pierre Bisiou. L’experience et le flair plaident pour les deux Pierre...
Pour l’heure, on nous annonce que deux titres seront lancés sur le marché le 19 janvier 2006. Les auteurs concernés ne sont pas des inconnus : Ken Bugul et Florent Couao-Zotti. La pièce d’or est le titre du livre de la Sénégalo-béninoise Ken Bugul, tandis que le Béninois Florent Couao-Zotti nous invite au Brésil avec son roman Les Fantômes du Brésil. Bonne chance aux Editions UBU !
