
L’activité de la voyance est sans doute aussi vieille que celle qu’exercent les filles de la rue Saint-Denis à Paris ou du quartier Rex à Pointe-Noire (Congo). Le magazine Psychologies de juillet-août (actuellement en kiosque) consacre une grande et riche enquête sur la question, enquête intitulée : « Que voient les voyantes ? ». D’emblée je me suis demandé pourquoi parlait-on d’ailleurs systématiquement de « voyantes » ? Serait-ce un métier strictement réservé aux femmes ? Heureusement, plus loin, le magazine pose la question sans pointer un seul genre : « ... Nous avons tous envie d’y croire. Mais celles et ceux qui lisent dans l’avenir ont-ils vraiment un don ? » Isabelle Taubes qui a mené l’enquête avoue : "Les neuf voyants que j’ai rencontrés m’ont prédit des événements vraisemblables que l’on peut raisonnablement annoncer à une journaliste de mon âge : des propositions professionnelles, des changements au sein de mon journal, un livre, des voyages et, dans un avenir plus lointain, une séparation d’avec mon mari, mais ouf ! une rencontre avec un homme..."
J’ignore à ce jour les chiffres de cette activité en Afrique. Toujours est-il qu’en France, d’après ce magazine qui cite les sondages du CSA pour L’Evénément du jeudi, Le Monde et La vie, 23% d’individus déclaraient faire confiance aux voyants en 2003. Un pourcentage qui est en nette régression, puisqu’en 1994 ils étaient plus de 46%. En gros, 13% ont déjà consulté un voyant. Tout cela n’est bien entendu pas gratuit - et on sait que certains voyants du continent africain le font gratuitement ou demandent un franc symbolique, mais ne rêvons pas, la vie est dure pour tout le monde, même pour les voyants !
En France, le prix moyen d’une consultation s’élève à 110 euros en cabinet d’une heure pendant qu’une consultation d’une demi-heure au téléphone revient à 50 euros ! C’est dire que c’est une activité qui marche, d’autant que beaucoup ont la manie de prendre le voyant pour un psy.

C’est dans cet esprit que la psychanalyste Djohar Si Ahmed rappelle que « les prédictions ne sont qu’une lecture d’un désir conscient ou inconscient du consultant ». Les voyants ne seraient donc bons que lorsqu’il s’agit de « deviner l’issue d’une affaire, d’un événement du présent, dans lequel le consultant a un rôle actif et sait confusément à quoi s’attendre ». Par conséquent, « quand ils vous prédisent la rencontre d’ici plusieurs années avec l’homme ou la femme de votre vie, méfiance... »

Si Nostradamus (1503-1566)continue à fasciner, à susciter des polémiques quant à ses prédictions - on pense qu’il aurait annoncé la guerre du Golfe en soulignant : "Sous l’opposite climat babylonique, grande sera de sang effusion" -, force est de constater que les voyantes les plus célèbres de France ont aussi brillé par leurs prédictions éloignées de la réalité. Madame Soleil (1913-1996) n’a pas vu la mort d’un Georges Pompidou malade, et annonçait la veille sur les ondes d’Europe 1 qu’il n’y aurait rien de grave !

Quant à Elizabeth Teissier, qui conseilla pendant des années Mitterrand, elle soutint le 7 avril 2001 en Sorbonne, à l’Université de Paris V, une thèse intitulée « Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes » dirigée par Michel Maffesoli. Du coup, elle devint docteur en sociologie ! Ulcérés, outrés par le titre de « docteur » octroyé à cette astrologue, quatre prix Nobel (Claude Cohen-Tannoudji, Jean-Marie Lehn, Jean Dausset et Pierre-Gilles de Gennes) manifestèrent en vain leur protestation en écrivant à Jack Lang, le ministre de l’éducation nationale de l’époque... La même année, alors que l’Amérique allait subir les attaques terroristes les plus terribles de leur Histoire, Elizabeth Teissier prévoyait que le 11 septembre 2001 serait un « point de lumière », une journée positive sur le plan des transports... Le calme plat, quoi. En un mot, on pouvait, sans s’inquiéter, prendre son avion pour New York ce jour-là !...
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