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L’ami Kadhafi

Dire que le régime de Sassou est foncièrement détesté par les Congolais est un doux euphémisme. Il va sans dire que victimes et bourreaux Congolais regardent avec un vif intérêt ce qui se passe en Libye. Selon que l’issue sera défavorable à Kadhafi ou non, les uns jubileront, les autres se prendront la tête entre les deux mains.

On n’a pas besoin de sortir de Sciences-Po pour supposer que Sassou aimerait une victoire du tyran libyen tandis que les Congolais rêvent de la chute du vieux Lion de Tripoli.

Vous vous doutez bien que si le despote libyen s’écroule dans les sables du désert, cette chute donnera un sens à la proposition selon laquelle : aucun tyran n’est assez fort pour résister à la vindicte publique.

Mobutu nous a prouvés que plus on se prétend fort, mois longtemps on résiste à un soulèvement populaire. Récemment encore Ben Ali et Hosni Moubarak ont illustré le paradoxe de la force fragile des dictateurs.

C’est donc le regard brillant d’espoir que les peuples africains au sud du Sahara observent comment se bat et se débat le lion édenté de Tripoli. De ce point de vue, la résistance à laquelle se livre le potentat arabe est suivie par les Africains en se mordillant les lèvres. Car le bonhomme se bat avec l’énergie du désespoir. "Tombera, tombera pas" se demandent, la mort dans l’âme, tous les peuples épris de justice et de liberté, ces "damnés de la terre" de Frantz Fanon.

Sassou a beau dire dans les interviews qu’il est bon que les peuples disposent d’eux-mêmes, on n’a point besoin de le psychanalyser pour comprendre qu’il est plutôt favorable au scénario d’un Kadhafi reprenant le dessus face à l’insurrection qui secoue son régime. On peut même dire que plus le vieux dictateur regagne du terrain, plus Sassou se frotte les mains de satisfaction.

Peur sur la ville

Sassou milite tellement pour l’échec du printemps libyen qu’il est en train de mimer les modalités de riposte du colonel Kadhafi en faisant quotidiennement voler des bombardiers Mig au dessus de Brazzaville et, des hélicoptères de combat sur la capitale congolaise (à basse altitude),

Le message qu’entend faire passer le tyran congolais aux Brazzavillois est clair comme l’eau d’oKiessi : faites seulement mine d’enclencher un mouvement social et vous n’aurez pas assez de larmes pour pleurer sur votre triste sort.

On se souvient qu’en 1997, Sassou n’hésita pas de donner l’ordre à l’aviation angolaise de lâcher des bombes sur Brazzaville. Autant dire que cette fois-ci il n’aura pas de remords quand il s’agira de transformer les brazzavillois en bouillie.

La parade onusienne

Sauf que faire pleuvoir des bombes sur des populations civiles est une stratégie militaire dont Kadhafi ne fera pas longtemps usage. La communauté internationale (moins les Russes et les Chinois) étudie les modalités d’ empêcher la flotte aérienne libyenne de bombarder ses propres populations. Comment ? En occupant son espace aérien et en brouillant les radars du monstre de Tripoli. Normal : la technologie dont se sert Kadhafi pour tuer les libyens fut fournie par les Occidentaux. De plus, grâce à l’embargo, elle est devenue obsolète.

Si Sassou veut empêcher un printemps congolais, il a intérêt à imaginer une autre stratégie que celle consistant à faire voler des vieux coucous au dessus de la ville.

Et si le monstre d’Edou démissionnait tout bonnement ?

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