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Le Parti socialiste est devenu un navire sans capitaine

Les Français ont donc choisi de manière nette et franche Nicolas Sarkozy comme leur prochain Président, lequel prendra ses fonctions le 16 mai dans l’après-midi. Devant le verdict de la démocratie, il faut s’incliner, saluer un pays qui a redonné le goût de la politique à ses citoyens – la participation aux deux tours a été massive, reculant ainsi le taux de l’abstention. Du coup, plusieurs points peuvent être mis en valeur : le comportement des électeurs de Le Pen, celui des électeurs de Bayrou et le « désastre » d’un parti socialiste qui accumule à présent trois échecs successifs lors de ces rendez-vous les plus importants de la nation.

1.

Les électeurs de Le Pen n’ont pas suivi le mot d’ordre de leur chef et ont donné leurs voix à Nicolas Sarkozy en grande partie. Sarkozy peut alors se targuer d’avoir « brisé » cet électorat sans pour autant chercher à négocier avec Le Pen, même dans les coulisses. Hier sur France 2, Jean d’Ormesson disait à juste titre que Sarkozy avait réussi avec les lepénistes ce que Mitterrand avait fait avec les communistes. En 1981, en effet, Mitterrand avait « négocié » avec le parti communisme pour un "programme commun", une manière de d’embrasser ce parti politique pour mieux l’étouffer. Sarkozy, lui, n’aura pas négocié avec le Front national, mais aura tout de même pu l’étouffer ! Ses propositions inspiraient la peur, disaient certains. Pourtant 53% de Francais les ont adoptées et attendent qu’il les applique...

2.

Le centre fut l’objet de toutes les dragues des deux candidats. Les électeurs de François Bayrou (presque 7 millions) ont quasiment repris leur chemin naturel : la droite avec laquelle le Centre gouverne souvent. Ils ont en effet plus voté pour Sarkozy que pour Royal. Cette situation marginalise un peu Bayrou qui espère peser désormais sur le paysage politique français. Mais comment le faire devant un Sarkozy assis sur son score écrasant ? La déclaration de Bayrou reconnaissant la victoire de Sarkozy avait des accents apocalyptiques. Bayrou est-il vraiment en position de peser ? La politique du ni droite ni gauche est-elle possible dans un pays qui est habitué à l’affrontement bloc contre bloc (droite contre gauche et vice versa ) ? Les législatives du mois de juin prochain nous le diront...

3.

La gauche a subi une « claque », d’après la formule de Jules Joffrin de Libération, le quotidien pro-Royal. Depuis trois élections présidentielles consécutives, le PS n’arrive plus à s’affirmer. Elle a perdu plus que des plumes. Au fond, ce parti avait-il vraiment choisi la bonne personne pour ce rendez-vous face à un Sarkozy bien rôdé sur les dossiers de l’Etat ? En tout cas, Dominique Straus-Kahn en appelle à un chamboulement et semble s’autoproclamer comme le refondateur dans les semaines à venir. A l’entendre, pas question de laisser Royal poursuivre un élan qui a été fatal pour le parti entier. Il n’a pas avalé son éviction à la candidature à la Présidence. Il faut s’attendre à des coups. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’en face de la cohérence de la droite, la gauche paraît veule, épuisée, sans enthousiasme. L’héritier ou l’héritière de Mitterrand est à naître. Pour l’heure, ce parti en est à espérer de bonnes législatives afin de « coincer » Sarkozy par le biais de la Cohabitation [ en gagnant clairement les législatives de juin prochain, la gauche gouvernerait alors avec Sarkozy qui serait obligé de nommer un Permier ministre dans le camp socialiste !]

Mais c’est mal connaître les forces actuelles. Espérer la Cohabitation pour revenir au pouvoir est une des paresses que seule la démocratie française peut accoucher. La Gauche doit s’ouvrir, se rendre cohérente, rassemblée et ambitieuse et non nous offrir une cacophonie politique qui a rendu illisible son programme et incrédible sa candidate pour cette élection cruciale. Elle doit moderniser ses thèmes et sa vision du monde en tenant compte des forces du centre comme le souhaitent par exemple Bernard Kouchner, Michel Rocard et Jacques Delors. L’angélisme et le "monopole du coeur" ne payent plus de nos jours : on ne peut pas arriver à la victoire en portant le feutre noir et l’écharpe rouge de Mitterrand. Au fond, ce parti risque de goûter longtemps les fruits aigres de l’opposition éternelle sans Chef, "en attendant Godot"... donc jusqu’au jour de la naissance d’un Mitterrand aussi habile et aussi stratège que le vrai. En somme, le constat est alarmant : le Parti socialiste est devenu un navire sans capitaine. C’est largement suffisant pour perdre les élections pendant un siècle, et donc de vivre "cent ans de solitude"...

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