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Le Togo a voté pour un successeur au général Eyadéma, l’opposition accuse

LOME (AFP) - Les Togolais ont voté en nombre dimanche pour élire un successeur au général Gnassingbé Eyadéma, dans un climat de tension, l’opposition radicale dénonçant dès avant la fin du scrutin des "fraudes massives" pour porter au pouvoir Faure Gnassingbé.
Au moins trois personnes ont été tuées et treize blessées, dont trois par balles, dimanche à Lomé, lors de violences au moment de la fin du vote pour l’élection présidentielle, selon des sources diplomatique et hospitalière.

Fils du président décédé en février après 38 ans de pouvoir absolu, Faure Gnassingbé est le candidat du Rassemblement du peuple togolais (RPT - ex-parti unique, fondé par son père).
A Lomé, la capitale, des groupes de dizaines de jeunes gens se réclamant de l’opposition, certains armés de machettes et de gourdins, ont érigé dans la soirée des barricades et brûlé des pneus sur plusieurs artères pour protester contre "la fraude".

Le coordinateur de l’opposition, Me Yaowi Agboyibo a dénoncé des "fraudes graves et délibérées", et il a cité l’exemple d’une femme trouvée en possession de 767 cartes d’électeurs, qu’il a montrées.
"Les heures à venir vont être déterminantes", a-t-il dit. La population se mobilise, a-t-il affirmé, et "elle est déterminée à se battre".

L’élection, un scrutin majoritaire à un tour, se résumait en un duel entre le RPT et la coalition de l’opposition radicale. Un petit candidat de l’opposition modérée, Harry Olympio ne semblait pas en mesure de s’imposer.

Faure Gnassingbé, 39 ans, brièvement installé par l’armée à la tête de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest à la mort de son père, le 5 février, se trouvait donc face à Emmanuel Akitani Bob, 74 ans, candidat de la coalition de l’opposition, qui avait en vain réclamé un report du vote.

"Nous connaissons bien le système du RPT, mais on dirait qu’ils agissent comme si l’impunité était toujours garantie. Mais cela ne sera pas le cas", a déclaré Emmanuel Akitani Bob, en dénonçant des "bourrages d’urnes à grande échelle".

Plus tôt dans la journée, le candidat du RPT, avait, pour sa part, affiché sa sérénité, et s’était exprimé comme un futur président.

"Nous avons déjà remporté une première bataille : l’élection a eu lieu au moment prévu par la Constitution", a déclaré M. Gnassingbé, décontracté et vêtu d’une chemisette blanche, après avoir déposé son bulletin au bureau de vote du camp militaire RIT, dans le centre de Lomé, là où le général Eyadéma avait coutume de dormir et de voter.

Il a réaffirmé son intention de former un "gouvernement d’union et d’ouverture". "Si (l’opposition) parle de fraude c’est peut-être qu’elle sent déjà qu’elle va perdre", a-t-il dit. "Je ne pense pas qu’il y aura explosion de violence parce que j’ai confiance dans les forces de sécurité".

A Lomé, des tentatives de fraude ont été notées dans plusieurs bureaux, selon des témoins, impliquant des personnes trouvées en possession de plusieurs cartes d’électeurs ou de bulletins de vote pour le RPT. Les bureaux étaient surveillés par des observateurs du RPT et de l’opposition.

Le risque d’affrontements à l’annonce des résultats a suscité les craintes de certains électeurs.

"C’est un virage dangereux et glissant que le pays négocie", a expliqué Salifou Amidou, un retraité septuagénaire A Sokodé (centre), deuxième ville du pays.

"J’ai voté pour le vrai changement", dit Evariste, 20 ans, à Tsévié (35 km au nord de Lomé). Une octogénaire raconte avoir choisi "celui qui va donner à manger à mes enfants ".

L’opposition, dont le leader, Gilchrist Olympio, vit en exil à Paris et ne pouvait pas se présenter, a promis la fin de "l’ancien système", et veut empêcher l’instauration d’une "monarchie". "Faure" s’est présenté comme le candidat de la jeunesse et de la stabilité.

Le 25 février, il avait dû se retirer, sous la pression internationale, de la présidence intérimaire, que lui avait "confiée" l’armée dès la mort de son père.

Pendant la campagne, des affrontements entre militants du RPT et de l’opposition ont fait plusieurs dizaines de blessés.

Vendredi, le ministre de l’Intérieur François Esso Boko avait fait encore monter la tension, en réclamant la suspension de l’élection face aux risques de "guerre civile", avant d’être limogé. Il est depuis réfugié à l’ambassade d’Allemagne.

Dans les années 90, le Togo avait connu une transition démocratique chaotique, qui avait fait des centaines de morts.

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