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Les Congolais rêvent-ils vraiment d’une "recolonisation" ?

Au regard de tous les dommages collatéraux que ce Mundial a laissés, il faudra un un jour créer une chaire de "Philosophie du ballon rond". La victoire d’une équipe -surtout celle de l’ancienne puissance coloniale - ne fait toujours pas l’unanimité, et elle est disséquée, prend de l’ampleur selon les éructations ou les transes collectives des anciens colonisés qui, semble-t-il, ne devraient pas pousser le culot jusqu’à se laisser aller au jeu des applaudissements aveugles et irréflechis...
Si Karl Marx soutenait que la religion était l’opium du peuple", rayez donc de nos jours le mot religion, mettez "football", et vous aurez l’état d’esprit actuel de certains. Pour preuve, une tribune aux accents bien lyriques d’un certain Musi Kanda, tribune qui a retenu mon attention et qui est parue sur le site congolais Mwinda.org sous le titre plus qu’affirmatif et sans voies de recours : "Les Congolais rêvent de la recolonisation". L’auteur de ce billet, après avoir appris que les Congolais étaient en liesse à Brazzaville pour fêter alors la victoire de la France se qualifiant en finale, entonne d’entrée de jeu :

Quand je lis que des Brazzavillois envahissent l’avenue de la Paix pour fêter les victoires de l’équipe de France à la coupe du monde de football, je suis très mal dans mon être. Et quand je lis encore que ces heureux fêtards voient en la France leur patrie, je suis tout simplement effondré et au bord des larmes. Ce ne sont malheureusement pas des larmes de bonheur, mais de honte. Quarante-cinq ans d’indépendance pour en arriver-là, voilà qui dépasse tout ce que j’avais jusqu’ici imaginé sur notre degré d’aliénation et d’indignité. André Matsoua et ses compagnons qui se sont battus pour notre liberté et pour l’égalité des droits entre Blancs et Noirs des colonies sont morts pour rien. Nos grands-parents, victimes des atrocités du travail forcé, ont sacrifié leur vie pour rien. Nous avons oublié le code de l’indigénat qui faisait de nous des sous-hommes. Les cris de révolte de Franklin Boukaka se perdent dans la forêt du Mayombe...

Musi Kanda - regrettant cette attitude des Brazzavillois, rajoute, avec un regard vers les départements d’outre-mer :

Même dans les départements français d’Amérique qui ont subi trois siècles d’esclavage et de colonisation, nos frères antillais et sud-américains se disent et se vivent d’abord Martiniquais, Guadeloupéens, Guyanais avant d’être des citoyens français. Ils se battent chaque jour pour la reconnaissance de leur histoire, de leur langue, de leur identité et du rayonnement de leur culture. Le 20 mai passe avant le 14 juillet.

L’article est accompagné d’images qui montrent des autochtones tout rachitiques et presque tout nus construisant le chemin de fer Congo-Océan devant des hommes coiffés de casques coloniaux. Une autre image affiche le Mausolée en cours de construction à Brazzaville, à la mémoire de Savorgnan de Brazza...

L’auteur s’interroge alors, un peu plus loin : « Qu’avons-nous donc fait au bon Dieu pour refuser de grandir ? »
Et, presque par fatalité, il fait le constat suivant :
« Je nous plains pour nos illusions. Je nous plains pour notre stupidité. Je nous plains pour notre lâcheté et pour notre servilité. »

Comme quoi, jamais une Coupe du Monde n’aura autant soulevé la question identitaire et l’épine qu’est la colonisation, bien enfoncée dans le pied de la France. La France ? On aurait presque envie de dire : elle n’avait qu’à la gagner, cette Coupe, et nous n’en serions pas là...

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