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Les Conseillers culturels des ambassades congolaises sont-ils des "agents dormants " ?

"Les Dépêches de Brazzaville" ont publié un entretien de Monsieur Ruthin Bayélé Goma (ici en photo), Directeur de la Bibliothèque Nationale du Congo, un homme qui m’a l’air sympatique et habité par des projets louables, comme tout Directeur. Mais cela suffit-il dans un domaine - le livre - quasiment sous-estimé par les instances politiques congolaises ?
Cet homme a certes raison de se définir comme le gardien de la mémoire du pays. C’est bien, Monsieur. Oui, j’applaudis des mains et des pieds. C’est tout ce que je peux faire. Sauf que, je m’excuse, le propre d’un gardien ne serait-il pas de préserver au lieu de dilapider les livres comme on peut le deviner à travers les extraits suivants de l’entretien :

Les Dépêches de Brazzaville : Pourquoi notre politique culturelle ne fonctionne-t-elle plus à l’étranger ?

Ruthin Bayélé Goma : Parce que la fonction même du conseiller culturel est devenue ambiguë. Ses missions n’étant plus précisées, organiser une manifestation culturelle relève de l’impossible et n’est donc plus envisagé. Nous assistons peu à peu à un véritable manque de formation dans ce domaine.

Pourquoi intervenez-vous aujourd’hui sur ce sujet ?

R.B.G. En tant que gardien de la mémoire nationale congolaise ! La Bibliothèque nationale du Congo distribue en effet aux différents services culturels installés à l’étranger, par le biais du ministère des Affaires étrangères, toutes les publications plus ou moins récentes qui parlent du Congo. Les ambassades ne peuvent pas représenter notre pays sans posséder ces documents et les faire circuler d’une manière ou d’une autre.

Comment les ambassades se procurent-elles ces écrits ?

R.B.G. Dans la mesure où nos concitoyens et les étrangers qui aiment notre pays, écrivent des articles et des livres sur le Congo, ils ont l’obligation d’en remettre plusieurs exemplaires à la Bibliothèque nationale. Celle-ci se charge ensuite de les répartir entre les différentes ambassades.

Les extraits de cet entretien suscitent plusieurs remarques que je regroupe en deux points :

1. Les services culturels des ambassades congolaises dans le monde ne peuvent plus rien faire de culturel, c’est entendu. Pourquoi alors perpétuer la présence encombrante des Conseillers culturels dans ces paradis où ils dorment profondément en ronflant sur les piles des dossiers des pauvres compatriotes qui attendent un coup de pouce pour une manifestation culturelle quelque part, hein ?

Et pourquoi donc les missions de ces Services culturels ne sont PLUS "précisées" comme s’en inquiète le Directeur de la Bibliothèque nationale ? Si elles ne sont PLUS "précisées", a contrario elles sont devenues floues, imprécises, sans définition exacte.
Le raisonnement logique nous pousse à déduire que JADIS les missions des Conseillers culturels étaient précisées ! Leur donnerait-on ainsi désormais un chèque en blanc qu’ils rempliraient selon leurs caprices ? Et alors, tout deviendrait culture pour eux, sauf le livre, sauf la musique, sauf l’art, sauf, sauf, sauf et sauf !!!

Attendez, je me pose cette question : qu’écrit-on réellement sur leur "feuille de mission" lorsqu’on les affecte hors du Congo pour remplir leurs nobles services qui ne sont PLUS du tout précisés ? Sans doute la mission impossible du genre : "Chers Héros nationaux, vous avez la lourde mission de défendre notre image. Vous serez rattachés aux Services culturels, c’est-à-dire à rien du tout, mais accrochez-vous comme il faut et faites semblant de travailler !"

C’est certainement ce qu’on appelle ailleurs des "agents dormants"...

2. Monsieur Ruthin Bayélé Goma affirme : "Dans la mesure où nos concitoyens et les étrangers qui aiment notre pays, écrivent des articles et des livres sur le Congo, ils ont l’obligation d’en remettre plusieurs exemplaires à la Bibliothèque nationale. Celle-ci se charge ensuite de les répartir entre les différentes ambassades."

Doit-on rappeler qu’un auteur n’a pas l’obligation de déposer un livre à une quelconque Bibliothèque nationale, ce travail de professionnel incombant aux éditeurs - sauf si, bien entendu, l’auteur est publié par ses propres soins, c’est-à-dire à compte d’auteur ? (Le compte d’auteur est un contrat dans lequel l’auteur paye pour se faire publier. Beaucoup d’"éditeurs" - en réalité des escrocs - jouent sur ce genre de contrats pour déplumer les individus qui veulent voir enfin leur nom sur la couverture d’un livre). L’éditeur - le vrai et non l’escroc qui fait payer l’auteur - a une obligation légale de déposer des exemplaires au Ministère de l’Intérieur et à la Bibliothèque nationale avant la mise en vente du livre : c’est ce qu’on appelle le dépôt légal)...

Je ne vois donc pas pourquoi une Bibliothèque dite nationale et censée garder la mémoire distribuerait tous ses livres aux Services culturels des Ambassades des quatre coins du monde - surtout quand lesdits Services culturels ne fonctionnent plus et que leurs missions "ne sont plus précisées" !

Une Bibliothèque nationale doit sauvegarder les livres et non les faire balader dans le monde sans espoir de les voir revenir en bon état ! Imaginons un seul instant que la Bibliothèque nationale de France s’amuse à balader les bouquins de son fonds à travers les services culturels de France à l’étranger ! La Bibliothèque Nationale est le lieu où on devrait tout trouver sur la mémoire écrite congolaise. A moins d’offrir des billets aux lecteurs, aux étudiants du pays afin qu’ils aillent dans les ambassades congolaises lire les livres de Sony Labou Tansi ou de Daniel Biyaoula ! Ils iraient alors en Namibie, puis à Paris en passant par Kuala Lumpur et Bogata avant d’atterrir au Paraguay ou à Kourou, en Guyane ! Mais voilà, les livres qu’ils chercheraient auraient sans doute été envoyés par notre Directeur Monsieur Ruthin Bayélé Goma à Séoul, voire à New York, si ce n’est à Niodior, l’île natale de la romancière Fatou Diome, au Sénégal !

Les livres ont leur place à la Bibliothèque Nationale de France...

Monsieur le Directeur, les Ambassades ont suffisamment de budget pour acheter les livres, et qu’on ne vienne pas nous casser les pieds avec l’éternelle mendicité et la responsabilité de l’auteur à tous les coups !

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