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Les habitants d’Oyo n’auront plus soif

Le symbole est fort. Le grand architecte qui manie le compas et l’équerre n’a pas fait dans la dentelle. Le bâtisseur infatigable, Denis Sassou Nguesso, n’a pas ménagé ses forces pour étancher la soif des populations du Congo-Brazzaville en proie à une pénurie chronique d’eau potable. Pas la soif de n’importe quelle population. La soif des populations de la localité d’Oyo. Le village natal de Denis Sassou Nguesso. Le « chemin d’avenir » commence à Oyo. Les habitants de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Nkayi, Impfondo et Ouesso peuvent continuer de patienter. Pour ces « citadins là  », l’accession à l’eau potable n’est pas une urgence.
Charité bien ordonnée…

Denis Sassou Nguesso a frappé un grand coup est sur les traces de Mobutu avec Gbadolité et Houphouet Boigny avec Yamoussoukro. Les similitudes entre le comportement clanique des Ben Ali et autres Hosni Moubarak et le clan Sassou-Nguesso sont frappantes. Comme les dictatures adorent se copier et se reproduire à l’identique ! Au Congo-Brazzaville, la politique des grands travaux maçonnée par Sassou Nguesso et Jean-Jacques Bouya commence à produire des résultats dans le domaine des infrastructures dans la localité d’Oyo. Une bourgade moderne fantôme est en passe de sortir de terre et de la forêt par la seule volonté d’un homme : Denis Sassou Nguesso. Le Congo-Brazzaville vient de marquer un pas de géant dans son projet de modernisation accélérée de la ville de Oyo et ce, grâce à la Chine. Dans le cadre de la coopération bilatérale, le gouvernement chinois a aidé le gouvernement du Congo-Brazzaville à construire une usine de traitement d’eau à Oyo.

Pour ce faire, les ingénieurs de la société chinoise Zengwei Technique Congo, la filiale de la Société Anonyme de Coopération Internationale Economique et Technique Wheihaï en charge du projet, n’ont rien laissé au hasard. Ils ont installé trois forages dont l’eau sera aspirée par quatre pompes. Ensuite, celle-ci sera épurée dans un système de traitement avant d’être recueillie dans deux bassins. Pour parachever leur œuvre, les techniciens ont placé une station de refoulement, un château d’eau et des canalisations. Fin prête, l’usine, dont l’édification a nécessité 2,4 milliards de FCFA (5 millions de dollars américains) fournira, jusqu’en 2030, un débit de 3 000 mètres cubes par jour à la ville d’Oyo et son voisinage. Les populations pourront ainsi jouir d’un réseau hydraulique rénové et performant (AFP, 29 Mars 2011). A quand une usine de traitement d’eau de la même capacité à Mbanza Nganga dans le Pool, à Londéla Kaye, à Mbomo, à Makabana, à Souanké ?

Ailleurs, la galère

Au Congo-Brazzaville, des millions d’adultes et d’enfants meurent chaque année faute de pouvoir accéder à une eau saine. En cause, un développement économique inégal et des gestions désastreuses à l’échelle locale et nationale. L’accès à l’eau pour tous est d’abord un problème de politiques publiques, qu’elles soient gérées par le privé ou par des administrations. Au-delà de son mode de gestion, l’eau a un coût .

On connaissait le Mouvement des sans-terres, né parmi les paysans déshérités brésiliens. Voici celui des sans-eaux, lancé par des Péruviens qui n’en peuvent plus de devoir payer au prix fort une eau de qualité douteuse, délivrée par des avions-citernes dans les zones non raccordées aux réseaux de distribution. Six millions de Péruviens (sur vingt-huit millions) sont privés d’accès à l’eau potable, dans une région, l’Amérique du Sud, qui abrite pourtant le quart des réserves d’eau douce disponibles dans le monde.

Environ 900 millions d’habitants de la planète sont dans le même cas(Le Monde, 21 Août 2009). Les Etats membres des Nations unies, dont le Congo-Brazzaville, s’étaient pourtant engagés, en 2000, à travers les Objectifs du millénaire pour le développement(OMD), à diviser ce nombre par deux d’ici à 2015. Il est à peu près certain aujourd’hui que cet objectif ne sera pas tenu.

L’eau n’a pourtant jamais fait couler autant de salive et d’encre. Au Congo-Brazzaville, la situation est catastrophique. Les populations du Congo-Brazzaville oseront-elles lancer une croisade de l’eau contre les évangélistes du chemin de l’agonie ?

Spectacle insoutenable

Les rues de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Jacob présentent un spectacle de désolation et de tristesse. Les femmes et les enfants, la mine défaite et la rage au cœur, jerricanes sur
la tête et bidons jaunes à la main, traversent la ville d’un bout à l’autre à la recherche de l’eau. Les tonneaux qui servent à stocker l’eau sont devenus des nids de moustiques à l’origine du paludisme. Les corvées d’eau dans les rues de nos villes appartiennent à un scénario inédit il y a encore quelques années.
Ces scènes sont d’autant plus choquantes que le Bassin du Congo est un véritable château d’eau. En réalité, il ne manque pas d’eau au Congo-Brazzaville, un pays arrosé par plusieurs cours d’eau, dont le fleuve Congo, deuxième du monde avec un débit de 75.000m3 d’eau par seconde (209.000m3/s pour l’Amazone).

Il s’agit d’une pénurie d’eau potable. L’eau buvable est devenue une véritable denrée rare que seuls les nouveaux riches congolais peuvent s’octroyer.

Comment diable en est-on arrivé à faire mourir de soif des populations au bord d’un gigantesque cours d’eau ?

Chronique d’une pénurie annoncée

La raréfaction de l’eau potable est un phénomène récent au Congo-Brazzaville. Sous la colonisation et au lendemain de l’indépendance, avoir de l’eau courante dans son foyer était un signe extérieur de richesse. Peu soucieux du sort des citadins, les compagnies concessionnaires avaient installé des rares fontaines
publiques dans les quartiers des grandes villes. Les années 1970 coïncident avec la vague des nationalisations. La régie de l’eau devenue Société Nationale
de Distribution d’Eau (SNDE) élargit le réseau de distribution d’eau des grandes villes, négligeant cependant les zones rurales. Dans le même élan La SNDE
assure le raccordement au réseau d’eau potable des populations par branchements successifs. L’eau devient une denrée à la portée de tous. Mais un réseau, ça s’entretient. Faute d’y penser, la machine de distribution d’eau s’est grippée. Le bateau commence paradoxalement à prendre l’eau dès la nationalisation de la régie, c’est-à-dire à cause du clientélisme pécétisant où les hommes qu’il ne faut pas sont mis aux commandes des entreprises.

On assiste impuissant à la mauvaise gestion de la SNDE par des agents véreux régis par l’idéologie marxiste dominante selon laquelle le Parti dirige l’Etat ; la cellule du parti dirige l’entreprise. La source des ennuis des Congolais réside dans ces formes d’organisation d’entreprise importées de Moscou. C’est
le cas de la tristement célèbre « trilogie déterminante » (Parti, syndicat, administration). Monstre à trois têtes, ce phénomène noie nombre d’entreprises. Face à ce spectacle un tantinet triste, Sassou Nguesso et ses agents du « chemin d’avenir », sans sourciller, détournent le regard. Consternant.

Si l’eau jaillit des robinets de la localité d’Oyo, combien de grandes agglomérations du Congo-Brazzaville souffrent encore de pénurie d’eau potable ? Faut-il un « fils du coin » aux manettes du pouvoir pour être doté d’une usine moderne de traitement d’eau ?

Benjamin BILOMBOT BITADYS

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