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IMPFONDO 2005

Municipalisation accélérée, la montagne accouche d’une souris

Lancés, comme toujours à grands renforts de tambours et trompettes, les travaux de la commémoration du 45ème anniversaire de l’Indépendance devaient montrer les effets bénéfiques de la « Nouvelle Espérance ». Hélas, la cérémonie a tourné à l’insulte au chef de l’Etat.

Sur près de soixante projets, les opérateurs économiques n’ont guère été capables que de livrer l’hôtel de police, le commandement de la gendarmerie et quelques écoles réhabilitées. Pourtant, selon le préfet de la région, monsieur Dieudonné Gilbert Djombo (voir son interview), le gouvernement aurait déjà déboursé soixante sept milliards de francs CFA tous travaux confondus.

Le problème se situe sans doute dans le flou de l’interface politique/affaires. Nombre d’hommes politiques de la région et de la nation se sont, au mépris de la loi et de la réglementation, improvisés entrepreneurs avec la complicité tacite des grands décideurs de Brazzaville. L’évidence du délit d’initié ne peut échapper à personne. Mais l’entreprise ne s’improvise pas, de l’incompétence et de l’avidité de ces gens il ressort que Chef de l’Etat n’a pu procéder à aucune inauguration. Le slogan « municipalisation accélérée » est entièrement vidé du moindre sens.

Le Président de la république Denis Sassou Nguesso et son hôte François Bozizé président de la République

Centrafricaine, faute de toute résidence officielle, sont contraint de se faire héberger par madame Edith Bongo Ondimba (première dame du Gabon et fille du président congolais) en son domicile privé. Le gouvernement a pourtant voté la coquette somme de 6 milliards cinq cent dix millions cent quarante deux mille six cent soixante et un francs pour ériger dans cette petite sous-préfecture forestière un palais présidentiel même pas hors d’eau pour la circonstance.

Vexé et ridiculisé Sassou se fâche, « Je reviens dans cinq mois », annonce-t-il en guise de mise en demeure aux dirigeants d’entreprises qui sont bien en peine de mettre en avant les réalisations faites avec les montants déjà perçus.
On trouve parmi elles :
  FRANCO VILLARECI (chantier de la résidence du Sous Préfet) ;
  LA CONGOLAISE DES TRAVAUX (hôtel du Conseil Départemental) ;
  SOME (siège de l’hôtel de la Préfecture) ;
  LA CONGOLAISE D’AMENAGEMENT (réhabilitation de l’ancienne Préfecture) ;
  EKODIS (hôtel du Conseil Départemental) ;
  LA CONGOLAIS DES TRAVAUX (hôtel de ville d’Impfondo) ;
  G.D.M.D « Gilbert Dieudonné Mondjo Djombo » (hôtel des finances)

Le pays est sensé avoir été nettoyé des opérateurs véreux. Alors, on est en droit de se demander pourquoi le président Denis Sassou Nguesso accorde cinq mois de sursis a ces opérateurs de grands travaux qui lui ont fait affront.

Les travaux précités ne sont pas inclus dans un document du 9 août 2005 provenant de la Présidence de la République, Cabinet du Chef de l’Etat, Délégation générale des grands travaux et titré « POINT DES TRAVAUX DE MUNICIPALISATION ACCELEREE DE LA VILLE D’IMPFONDO ». Il nous informe sur les chiffres officiels et de l’état d’avancement des travaux entrepris dans le cadre des cérémonies de célébration du 45ème anniversaire de l’Indépendance.

On y constate que l’on peut séparer ces dépenses en deux parties distinctes :
  celles d’utilité publique

  • L’aéroport qui coûte au trésor 14 milliards huit cent cinquante millions pour la piste au goudron probablement le plus cher du monde.
  • Les voiries de la ville (six avenues) engouffrent plus de 11 milliards, l’équivalent d’une cinquantaine de kilomètres de route goudronnée au tarif congolais.
  • La réhabilitation et l’extension de l’hôpital pour un total de 2 milliards sept cent quarante millions.
  • L’adduction d’eau 2 milliards quatre cent cinquante millions dont un milliard six cent cinquante millions pour trois forages dont un se négocie partout au Congo à 25 millions maximum,
  • L’électrification de la ville pour un montant de 1 milliard sept cent dix millions,

  celles qui relèvent du somptuaire

  • La rallonge pour l’aéroport de la bagatelle de 1 milliard 150 millions pour en achever l’aérogare qui avait déjà été financée antérieurement et pour la construction de son salon VIP.
  • La construction du palais présidentiel qui ne sera occupé qu’anecdotiquement. Il engloutit à lui seul un budget de plus de six milliards et demi dont trois pour son seul équipement. Les professionnels du bâtiment auxquels nous avons montré la photo ont estimé cette construction finie à un maximum de 500 millions avec des prestations de très haut standing.
  • La construction de deux villas de grand standing pour 1 milliard 125 millions. Pour quelle destination ?
  • La réhabilitation de la garnison d’Impfondo où 1 milliard six cent cinquante millions vont disparaître.

La surestimation des travaux est si mal cachée qu’on voit bien que ses auteurs ont l’assurance de l’impunité. On aimerait savoir qui sont en final les bénéficiaires de cette énorme escroquerie dont les ficelles sont tirées par des gens forcément très hauts placés et quelle est la destination des fonds ainsi dégagés. Il serait étonnant d’apprendre qu’ils sont allés à la lutte contre la pauvreté.

Sassou ne s’y trompe pas, après une visite inopinée des chantiers, il se rend compte du décalage entre son projet de société et sa mise en application par les animateurs de la « Nouvelle Espérance ». Le « Congo en marche » qui aurait dû voir son lancement à Impfondo, est resté dans les starting blocks. Qui donc veut saborder les efforts consentis par le Congo ?

Bien sûr, les chantiers ont été « plombés » par leur lancement tardif le 7 avril 2005, par la mise en place d’un guichet unique d’achat des entrepreneurs, par le climat pluvieux de la période de travaux, par l’ensablement de l’Oubangui, par le long parcours d’acheminement des matériaux depuis Brazzaville (8 à 10 jours) et par les délais drastiques imposés par la Municipalisation accélérée. Il s’y ajoute évidemment les difficultés de décaissement au niveau du Trésor Public.

Deux discours diamétralement opposés révèlent les discordances des administrateurs de la Nouvelle Espérance : «  Je suis très satisfait du niveau d’avancement des travaux au regard des décaissements...  » déclare le préfet Djombo. Dans le même temps, le conseiller Dekamo, sur les ondes de Radio Moka, se lance dans une violente diatribe envers les opérateurs des grands travaux. Il dit tout haut ce que personne n’ose exprimer « Trahison ».

De fait, Sassou se fait lâcher par ses propres troupes sur le chantier qui pour lui est le principal : la réduction de la pauvreté, pierre d’achoppement des accords Gongo-FMI. Malgré les efforts du chef, le label « bonne gouvernance » n’a pas pu atteindre les normes exigées par Bretton Woods.

A qui profite le crime ? Mais tout simplement à l’immense courtisanerie qui entoure Sassou. Sans doute touche-t-on là au fond du problème. Caste privilégiée depuis l’avènement de l’indépendance ses membres inamovibles craignent la perte de leurs privilèges. Si le Président Sassou parvient à moraliser le pays et les institutions ne risquent-ils pas de tout perdre ?

Mais alors, comment Sassou, qui a toujours prouvé ses talents politiques et la finesse de ses stratégies, s’est-il laissé enfermer dans ce piège d’où il semble incapable de sortir ?

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