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Cinéma congolais

Nadège Batou : pas de quartier pour le cinéma de...quartier

PREFACE DE LA REDACTION DE CONGOPAGE :

" Les commentaires contenus dans l’article ci-après n’engagent que leur auteur et non la cinéaste Nadège Batou"


Le documentaire sur la pénurie de l’eau à Brazzaville Ku nkélo réalisé par Nadège Batou fut accueilli par une vague de critiques élogieuses. Congopage en parla, Mwinda également. Un extrait est visible sur Youtube. Les forums croulèrent sous un ras de marée de réactions. On félicita, on admira, on encouragea. Une cinéaste de talent était née.
Le film laissa le public sur sa soif.

Depuis les années 70 marquées par des génies comme Sébatien Kamba, Alain Nkodia (père), le cinéma congolais traverse un désert qui tranche avec la bonne santé culturelle du voisin Rdécéen ou des pays comme le Burkina, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Sénégal (pour parler juste des francophones). Les patrons des télévisions locales manquent d’imagination comme en témoigne leur recours systématique aux oeuvres étrangères aliénantes pour notre public. Contrôlées par l’Etat autoritaire de Sassou, les rares télévisions (Télé-Congo, Télé-Liberté, DRTV) ont réussi à effacer le goût du cinéma chez un public déjà pénalisé par la disparition dans les années 1980 des salles de projection (ABC, STAR, LUX, REX, VOX, RIO etc.)

Fort heureusement, des génies locaux refusent de croiser les bras et se battent comme jamais pour donner des lettres de noblesse à un art qui, ailleurs (Etats-Unis avec Hollywood, Inde, Bolliwood) a oeuvré dans l’expansion industrielle.

Cinéma itinérant de quartier

Aujourd’hui Nadège Batou récidive. Elle se propose d’organiser un « festival itinérant des 7 quartiers ». Dotée d’une incroyable persévérance, la jeune cinéaste congolaise en est à la 2ème édition.

Le festival aura lieu du 7 au 13 décembre 2009 « Le cinéma itinérant des sept (7) quartiers est un festival qui se déroule tous les 4 mois, pendant sept (7) jours, dans les sept (7) arrondissements de Brazzaville. Il permet à la population Congolaise d’être en contact permanent avec son cinéma afin de lui redonner l’identité culturelle qu’elle a perdue depuis plusieurs décennies. »

En effet, depuis "La rançon d’une alliance", depuis "La chapelle" du mémorable S. Kamba, les écrans sont quasiment devenus noirs au Congo.

Aussi louable semble paraître le projet "cinéma itinérant", les épreuves à surmonter sont nombreuses. Normal, nous sommes au Congo, pays où les ressources des "responsables" politiques sont inépuisables quand il s’agit de mettre les bâtons dans les roues de ceux qui prônent la rupture avec l’ordre tranquille des choses. L’homme politique congolais voit en chaque intellectuel, a fortiori en chaque cinéaste, un acteur susceptible d’instaurer une "Peur sur la ville". Depuis la fin précaire de la guerre civile au Congo, le pouvoir vit dans une indicible paranoïa. Il voit "l’ennemi" dans chaque projet, fut-il (ce projet) culturel, c’est-à-dire, a priori "neutre".

Soutien

Toutefois deux ou trois francs-tireurs apportent leur brique à l’édifice cinématographique initiée par nadège Batou. « Soutenu par le magazine BASANGO, Le Cinéma Itinérant des 7 quartiers de Brazzaville s’est tenu, pour la première fois, du 23 au 27 août 2009, dans les 7 quartiers de Brazzaville. Sans promotion au préalable, le cinéma itinérant des 7 quartiers à rassemblé un grand public. »

Pourquoi s’en étonner ? Les subventions culturelles représentent une rubrique inconnue dans le budget du ministère éponyme. Avare comme Harpagon c’est avec peine que le ministre a lâché la modique somme de 200.000 frs cfa pour soutenir un festival de chorégraphie qui s’est tenu à Brazzaville. Quand j’entends le mot « culture » disait Goebel le ministre d’Hitler « je sors mon revolver ». Au Congo quand ils entendent le mot "culture", ils ricanent. Le seul mot qui les fait fantasmer c’est "revolver". Quand on prétend défendre la paix, n’est-il pas plus judicieux de privilégier le budget culturel que celui de l’armée ?
Nadège Batou ne se laisse pourtant pas démonter. Sa démarche est rationnelle.

Budget de la première édition :

Location d’un vidéos projecteur : 25.000frs/jrsx7=175.000frsCFA -
Location d’une sonorisation composée de deux baffles et d’une table de mixage : 30.000frsx7=210.000frsCFA - La location d’un groupe électrogène (5kva) : 10.000frsx7=70.000frsCFA - Un tissu blanc : 10.000frsCFA - Déplacement du matériel et techniciens : 10.000 frsx7=70.000 frs CFA- Obtention des autorisations d’utilisation du domaine public : 12.000frsCFA/mairiex7=84.000frsCFA

Pour la deuxième édition, Nadège Batou a ensuite stoïquement présenté son budget prévisionnel dont l’articulation est la suivante :

Location Sonorisation : 50.000frsx7=350.000frsCFA - Location Chaises : 200chaisesx100=20.000frsx7=140.000frsCFA - Location groupe électrogène : (5kva) :15.000X7=105.000frsCFA - Location de véhicule : 20.000frsx7=140.000frsCFA - Location écran géant : 100.000frscfax7=700.000frsCFA - Autorisation de la mairie : 12000frsx7=84.000frsCFA - Cachet réalisateurs : 200.000frsx7=1.400.000frsCFA - Cachet techniciens : 25.000frsX7=175.000frsCFA - Conception de banderole : 25.000frsx7= 175.000frsCFA - Spots télévisés et diffusions : 500.000frsCFA

Sous Total : 3.769.000frsCFA
imprévus 7% / 263830frsCFA
Total : 4.032.830frsCFA

Impôt sur la projection

C’était sans compter avec le cynisme du système. Rien ne vous choque dans ce budget ? Mais bien sûr l’« autorisation de la mairie » ! Non seulement il faut la demander (c’est normal) mais il faut payer (c’est fou). La municipalité de Brazzaville a dû se pourlécher les babines en voyant arriver le projet. « Il y a du boukoutage en l’air » se sont dits les spécialistes des films noirs du Chemin de l’avenir. Ils entendent prélever un impôt sur une activité gratuite destinée à faire rêver nos compatriotes. Dans un monde infernal, le cinéma reste une échappatoire. Monsieur le maire ne l’entend pas de cette oreille. Pourquoi se gènerait-il pour "gratter" de ce côté-là ?

Quand certains disent que ce pays marche sur la tête, ils ne se font pas des mauvais films dans la tête. Verser 84.000 frs à Hugues Ngouolondélé pour faire ce que, lui, le premier citoyen de la ville aurait dû faire (distraire ses administrés par la culture) tient de l’aberration.

Caramba ! C’est l’inverse qui devrait être fait ! C’est-à-dire le financement du projet par la mairie ! Voici encore quelques années Brazzaville vivait le scénario d’« Apocalypse now » avec la guerre civile. Quel meilleur scénario que la culture (« le temps de vivre » selon Senghor) pour ramener la paix dans la cité ?

Anecdote : Camille Mouyéké éminent cinéaste congolais croisé à Cannes nous fit état d’un projet long métrage « Voyage au Congo ». C’était avant les évènements de 97. Puis le projet se transforma en « Voyage à Ouaga ». Pourquoi ? » demanda-t-on lors de « la première » à Nice.
« A cause de la guerre au Congo. Les assureurs ont opposé un niet. Trop dangereux, selon eux, de tourner dans les zones à risques » nous dit l’excellent réalisateur.

Si le cinéma contribue à l’émergence de la paix, le cinéma prospère également dans les zones de paix. De nombreux pays, notamment le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, l’ont compris. Ils y ont éloigné le spectre de la guerre civile.

Coup de chapeau à des soldats de la culture comme Nadège Batou, Alain Nkodia (fils) qui, à leur manière, luttent pour la paix entre les hommes au Congo. Mais visiblement, des mauvais acteurs politiques sont résolus de leur opposer des scénarios d’enfer.

Contact Nadège Batou

[email protected]

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