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Naissance d’un vrai poète !!!

Qui a dit que la poésie était morte et que les poètes étaient les parents pauvres des Lettres ? Je n’ose y croire. La poésie n’est pas morte, elle est là, ouvrons les yeux ! Et lorsque nous tombons enfin sur une voix juste, originale et mûre, l’émerveillement nous saisit, nous transporte loin, dans une sorte d’extase de mots, d’images et de symboles. C’est ce que j’ai ressenti en lisant le premier recueil de poèmes de Paul N’zo Mono (photo), Une lumière sur la chandelle qui vient de paraître chez l’Harmattan (un des derniers éditeurs à encore accorder un espace à la poésie). L’auteur est né au Congo-Brazzaville il y a 42 ans et vit entre la France et Saint-Paul de la Réunion. Son recueil est préfacé par le poète mauricien Khal Torabully, saluons donc cette fraternité littéraire éloignée de l’esprit de ghetto. Khal souligne à juste titre que le recueil de Paul N’zo Mono « dit la violence et la terreur avec une substance qui accroche à la langue, comme un besoin de conjurer un silence qui s’est épaissi en mots, arrêtés à la gorge, prêts à dire leur salve d’imprécations et d’espoirs cataclysmiques ». N’Zo Mono ouvre d’ailleurs son livre par une très belle citation de La parenthèse de sang de son illustre compatriote congolais Sony Labou Tansi « ...Dans cet enchevêtrement de morts et de vivants. On ne saura jamais plus qui. Qui est dans la lumère et qui est dans l’ombre. » Ce "clair-obscur" se ressent dans la subdivision du livre, les principales parties employant un vocabulaire à la fois exsangue et brûlant : Sang soleil, Ville à l’encre rouge... La description du pays est à l’image d’une déliquescence qui rappelle les malheurs du Congo, avec sans cesse cette obsession de la « brûlure » :

La verte prairie a brûlé

soleil et rivière ont séché

à l’ombre squelettique des roseaux

De la terre féconde nos paysans ont vu naître

des cailloux

et pour toute moisson des débris de toits brûlés

Le poète, outre son regard de visionnaire, montre du doigt les coupables de cette apocalypse :

La mort a battu sa campagne de sang

au bonheur des Généraux tueurs de nos nids

d’enfance

L’Amour traverse ce recueil, celui de la Mère (symbolisant une Afrique courageuse) et celui de l’être aimé, la Femme, cette fois-ci bien loin de celle célébrée par le grand Senghor. Ici la Femme est un métissage, sans frontières :

Mon baiser ivre pleure sur tes seins nus. Le désir m’étreint à tes cils créoles. Rêves doux des îles, je navigue à rêver.

N’zo Mono dénonce certes l’imbécillité des guerres - son pays ayant été le théâtre de plusieurs confrontations "ethniques". Dénonciation ? Oui, mais le poète manie avec brio une plume dont la tranquillité et la préciosité impriment la colère des grandes œuvres poétiques. Cette colère créatrice qui sépare le chant plat du piètre militant de l’envolée sublime d’un texte qui traverse le temps. Il y a autant de faux poètes que de faux prophètes. Le texte de N’zo Mono nous rassure, nous satisfait, nous ragaillardit, nous gratifie d’un air frais en cette période de pollution.

Le grand poète congolais Tchicaya U’Tamsi

On notera donc tour à tour des influences éclectiques allant du grondement opiniâtre de Césaire à l’impertinence lyrique et langoureuse d’un Baudelaire errant dans les îles. Paul N’zo Mono apporte une voie nouvelle à la poésie congolaise qui attendait depuis longtemps son porte-étendard après les précurseurs que sont Tchicaya U’Tamsi, Tati Loutard ou Maxime Ndébéka. C’est dire que cette poésie est désormais entre de bonnes mains, libérée du chant factice et cérébral de certains épigones en mal d’inspiration et qui pensent d’abord la poésie avant de la vivre. Ces poètes-là exercent la poésie à l’instar des bodybuilders qui espèrent gonfler leur musculature avec la pratique des machines. Ils contribuent ainsi à nous éloigner de la fréquentation des Muses. Leurs chants - même les plus désespérés - ne sont que des échos égarés dans la broussaille de leurs illusions perdues. Du coup, si vous voulez vous réconcilier avec la poésie, lisez le plus vite possible Une lumière sur la chandelle ! Parce que, ce recueil, c’est de la poésie...

"UNE LUMIÈRE SUR LA CHANDELLE" de Paul N’Zo Mono. Préface de Khal Torabully, L’Harmattan, Coll. Poètes des cinq continents, 90 pages, 11 euros.

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